Dague et piraterie

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C’est un peu l’histoire d’une jeune fille en manque de repères et en quête d’identité, m’voyez ? Non ? Bon.


1.     Où l’on chasse et l’on rêve

La matinée s’installait paresseusement. Le bosquet était calme, le soleil brillait à travers les frondaisons, quelques oiseaux chantaient pour réveiller les éventuels dormeurs tardifs, l’atmosphère était paisible. La proie cheminait tranquillement, sans imaginer le moins du monde le destin qui l’attendait, l’œil du chasseur qui guettait, épiait ses moindres mouvements, attendait le moment propice. L’innocente créature ne soupçonnait rien de tout cela, et se contentait d’avancer sans méfiance, respirant au passage l’agréable parfum des fleurs ou des plantes aromatiques. Et soudain, un frémissement dans les fourrés, un bruit sec, et tout était terminé. Les yeux de la pauvre petite chose avaient à peine eu le temps d’afficher de l’étonnement.

Une jeune fille aux cheveux bruns tressés sortit des fourrés, récupéra sa dague qu’elle essuya sur son pantalon avant de l’accrocher à sa ceinture, et ramassa par les oreilles le lièvre qu’elle venait d’abattre. Belle prise. Bien sûr, le lancer de dague n’a jamais été la technique de chasse la plus pratique ni la plus efficace au monde, mais cela n’avait pas d’importance : la chasse n’était pas le but premier de la demoiselle, mais seulement un moyen de l’entraîner au maniement de son arme. Mais bon, si cela pouvait en plus permettre de remplir les assiettes d’autre chose que de navets, c’était toujours bon à prendre. Elle avait horreur des navets¹.

Le chemin du retour la faisait se rapprocher des rives de l’île et, comme cela lui arrivait souvent, elle perdit son regard dans l’horizon lointain. Dieux, ce qu’elle aurait donné pour aller visiter le monde au-delà ! Elle en avait souvent rêvé depuis qu’elle était toute petite, mais c’était devenu presque une obsession depuis que, quelques années plus tôt, cet étranger de passage avait été hébergé à la ferme pour quelques jours. Elle avait dix ans à l’époque, et ne demandait rien de mieux que d’écouter les histoires fascinantes de voyages qu’il se faisait un plaisir de raconter. C’était lui qui l’avait fait espérer qu’une autre vie était possible. Et il lui avait aussi offert sa dague avant de partir².

Avec un soupir, elle s’arracha à sa contemplation. Il valait mieux se dépêcher de rentrer si elle ne voulait pas entendre parler du pays en arrivant à la maison...


2.     Où l’on fait ses corvées et trouve que vraiment, la gratitude se perd

Et en effet, à peine arrivée, ça ne manqua pas :

« Léonora ! Où t’étais encore partie vadrouiller ? 

— Dans l’bosquet. J’ai rapporté un lièvre.

— J’ai déjà dit que j’veux pas que t’ailles là-bas. Chasser c’est pas une activité de jeune fille convenable. Tu crois que c’est avec ce genre de comportement qu’tu vas te trouver un mari ?

— …

— Maintenant donne-moi cette bestiole que je la dépiaute pour le déjeuner et va t’occuper de la chèvre. Elle va pas se nourrir toute seule. »

La fille tendit l’animal à sa mère et sortit sans rien dire. Elle attendit sagement d’être sure de ne plus être à portée d’oreilles avant de se mettre à marmonner d’un air mécontent.

« Gnagna jeune fille convenable. Gnagnagna trouver un mari. T’es quand même bien contente que j’nous ramène de quoi manger ! »

Tout en bougonnant elle avait atteint l’enclos de la chèvre, et put constater qu’il ne fallait pas seulement la nourrir, mais que son abreuvoir aurait bien besoin d’un sévère décrassage. À tous les coups, ça allait lui prendre un temps fou. La poisse. Elle lâcha un soupir résigné alors qu’elle entrait dans l’enclos.

Il lui fallut un bon quart d’heure pour enfin en voir le bout. Elle commençait à avoir mal aux bras et à se lasser fortement. Elle se laissa donc volontiers distraire lorsqu’un passereau décida de venir se promener sur la barrière en bois. En silence, avec des gestes mesurés, elle sortit sa dague et, accroupie, observa l’oiseau pendant quelques minutes. Enfin, lorsque le moment lui parut propice, elle lança son arme dans un mouvement fluide. L’oiseau repéra le danger du coin de l’œil et fit mine de s’envoler, mais la jeune fille avait anticipé son réflexe et la dague le coupa dans sa trajectoire, l’embrochant avant de venir se ficher dans le bois. La chasseuse se releva en affichant un sourire satisfait, durant au moins deux bonnes secondes.

« Léonora ! Veux-tu bien cesser de jouer avec ce maudit couteau et enfin faire ce qu’on te demande ‽ »

En effet, sa mère avait choisi ce moment pour sortir au potager, et la fixait maintenant, mains sur les hanches et sourcils froncés. L’adolescente se renfrogna et se remit à la tâche, jetant plus qu’elle ne posa l’abreuvoir pour le remettre en place.

« Et n’oublie pas le foin pour la chèvre ! »

Alors que la mère se remettait en marche et contournait la maison, la fille se dirigea donc vers la grange du pas lourd et pesant de l’enfant mécontent. Pour passer ses nerfs, elle fut prise de la soudaine envie de lancer son fardeau dans la direction générale de la mangeoire plutôt que de se fatiguer à le porter jusque-là. Manque de chance, la chèvre avait apparemment décidé de traverser son enclos et se retrouva donc dans la trajectoire du projectile, qu’elle reçut en pleine tête. Ce qu’elle n’apprécia que modérément, d’après le « bêêêêh » furieux qu’elle poussa après avoir repris ses esprits. Visiblement cela ne suffisait pas à manifester toute l’étendue de son déplaisir, puisqu’elle décida de charger la coupable pour faire bonne mesure. La demoiselle n’eut que le temps de se retourner et se mettre à courir en lançant des insanités, puis d’aller se percher sur la barrière pour se mettre à l’abri de l’ire caprine.

C’est dans cette position peu avantageuse qu’elle remarqua le fils Garner, un gamin d’une dizaine d’années qui habitait tout à côté du village, qui courait vers la ferme d’un air paniqué.


3.     Où l’on court au-devant des ennuis

« Des pirates ! Des pirates au village !»

À force de courir vers elle, il s’était enfin suffisamment rapproché pour qu’elle puisse comprendre ce qu’il s’époumonait à crier. Elle devint livide, et resta figée de stupeur durant plusieurs secondes. C’était impossible ! L’île n’avait rien à offrir, juste de quoi nourrir le village et payer les taxes, pourquoi des pirates prendraient-ils la peine d’attaquer un village de fermiers et de pêcheurs ?

Soudainement, ce fut comme si un déclic se produisit, et elle se remit en mouvement. Sans plus prêter d’attention à la chèvre, elle récupéra sa dague et, sans réfléchir, sauta la barrière et prit la direction du village, croisant au passage le jeune garçon qui venait vers elle. En arrivant à son niveau, elle ralentit légèrement et lui posa la main sur l’épaule.

« Reste ici. Tu vas aller prévenir ma mère de ce qui se passe, et vous allez rester cachés.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? Léo ? Où tu vas ? »

Mais elle ne répondit pas, ne prit même pas la peine de se retourner, elle était déjà partie. Elle avait commencé son trajet en marchant à grands pas rapides, elle était maintenant en train de courir à toutes jambes. Et elle ne savait toujours pas pourquoi elle y allait, ni ce qu’elle comptait faire une fois là-bas, mais elle n’avait pas le temps de s’arrêter pour y réfléchir, elle se contentait de courir de toutes ses forces.

Il y avait une trentaine de personnes sur la place du village lorsqu’elle y arriva, pour la plupart des gens qui vivaient sur place, mais elle reconnut aussi un ou deux fermiers des alentours. La plupart, notamment les femmes et les enfants, restaient en retrait et regardaient simplement ce qu’il se passait, l’air désespéré. Quelques-uns rassemblaient des sacs, caisses et tonneaux, manifestement des vivres diverses, extraits des maisons alentours. Il semblait y avoir une demi-douzaine de pirates, mais elle ne pouvait en être certaine car elle voyait que certains faisaient des allers-retours entre la place, et le port où était amarré leur navire. Et il y en avait peut-être d’autres à bord.

N’empêche. Certes, les pirates étaient armés, certains avaient même des pistolets, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que les villageois étaient plus nombreux, qu’ils auraient pu résister, les empêcher de leur prendre ce qui leur appartenait, au lieu de les regarder sans rien faire. C’était comme quand les percepteurs étaient venus, quand son père était mort... Son poing tremblait, serré sur le manche de sa dague qu’elle avait gardé en main depuis son départ de la ferme. Personne ne semblait l’avoir remarquée.


4.     Où l’on cherche manifestement les ennuis

Elle, en revanche, remarqua le manège de l’un des pirates, un gros balourd chauve, qui s’approchait d’une jeune fille blonde qu’elle connaissait, à peine plus âgée qu’elle, un sourire mauvais sur le visage. Il dit quelque chose que Léo n’entendit pas, et tendit une main pour caresser la chevelure d’or, tandis que de l’autre il tentait de saisir la taille de l’adolescente. C’en était trop pour Léonora, qui s’élança avant même de réaliser ce qu’elle faisait.

« Laisse-la tranquille ! Ça vous suffit pas de prendre nos seules réserves de nourriture ‽ »

Elle s’était arrêtée à quelques mètres de lui, le regard meurtrier et la dague levée. Il se tourna vers elle, eut l’air étonné quelques secondes avant d’afficher un sourire grivois.

« Qu’est-ce qu’y a mignonne, t’es jalouse ? J’peux m’occuper de toi si tu préfères. »

Le capitaine³, qui jusqu’alors était occupé à surveiller le chargement de ses "marchandises", s’étonna de ce brouhaha imprévu et s’approcha d’eux à son tour.

« Qu’est-ce qu’y s’passe encore ? Crâne d’œuf, je t’ai déjà dit de laisser les donzelles tranquilles, on a pas l’temps de batifoler. »

Il sembla alors seulement remarquer Léonora, et l’arme qu’elle pointait toujours en direction de son sous-fifre.

« Et toi gamine, qu’est-ce que tu crois faire avec ça ? Éborgner un grand gaillard comme lui qui porte un sabre ? Aller, range-moi ton jouet avant que j’me décide à te l’confisquer.

— Vous vous croyez très forts ? Vous vous sentez virils parce que vous pillez un village trop effrayé pour ne serait-ce que penser à essayer de vous résister. Bravo vraiment, très impressionnant. Mais vous savez quoi ? On est pas tous des gentils petits moutons. Moi j’ai pas peur de vous ! »

Et effectivement elle ne tremblait pas, sa voix était hargneuse mais assurée. Tout en parlant, sa position s’était insensiblement modifiée, de sorte que son arme était maintenant pointée sur le capitaine, à qui elle s’adressait. Ce dernier resta sans voix quelques instants, comme si il ne s’était pas attendu à recevoir de réponse de cette gamine effrontée et ne savait maintenant pas comment réagir. Et d’un coup, il éclata de rire.

« Hahaha ! Elle a du cran cette gamine, ça me plaît ! Tu sais quoi petite, tu m’amuses. Et quand je m’amuse, je me sens d’humeur magnanime. Tu veux défendre ta paroisse ? Très bien, c’est tout à ton honneur. Puisque tu te crois capable d’affronter un de mes hommes, je te propose de te le prouver. Tu vas te battre contre crâne d’œuf ici présent, et si tu gagnes, on lève l’ancre illico et on vous laisse reprendre vos petites vies. Si tu perds, on termine le chargement et tu me donnes ce joli coupe-papier en souvenir. Qu’est-ce que t’en dis fillette ? »

L’adolescente en resta interdite. Elle ne s’était pas vraiment attendue à ce que les forbans la prennent au sérieux. Elle baissa les yeux sur sa dague, ce qui lui rappela la valeur réelle de l’arme. C’était un objet finement ouvragé, à la lame damasquinée, et dont la garde était visiblement incrustée d’argent. Une arme de qualité pour combattre mais aussi, pourquoi pas, à revendre à d’éventuels collectionneurs. Mais tout cela, la jeune fille n’y pensait que rarement, elle ne voyait que l’attachement sentimental qu’elle éprouvait à son égard. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre sa dague, la seule chose à laquelle elle tenait un tant soit peu. Mais d’un autre côté, elle ne pouvait pas se permettre de faire marche arrière maintenant. Et une autre idée faisait son chemin à travers son esprit. Une idée qu’elle n’avait jusqu’alors jamais osé effleurer avec trop d’insistance, une idée de liberté et d’horizons inconnus... Il ne lui fallut que le temps d’un battement de cœur pour prendre sa décision.

« D’accord. Mais si je gagne, vous me laissez rejoindre votre équipage.

— Léonora ! Qu’est-ce que tu racontes, tu peux pas faire ça ! »

Apparemment sa mère avait décidé de ne pas rester sagement cachée à la ferme, et n’appréciait pas vraiment son idée. Mais la jeune fille ne lui prêta pas attention. Elle gardait son regard rivé dans celui du capitaine, l’air déterminé. Le pirate sembla réfléchir quelques instants, avant qu’un sourire ne revienne s’accrocher derrière sa barbe fournie.

« Quand je disais qu’elle avait du cran ! Marché conclu gamine. Faites de l’espace pour le duel ! Crâne d’œuf, au boulot. Duel au premier sang hein, on voudrait pas abîmer une rose avec de si jolies épines.

— Capitaine, vous êtes pas sérieux ? Vous allez pas me demander d’me battre avec cette gamine ‽

— Tais-toi marsouin, tu feras ce que j’te dirai, c’est encore moi qui commande. Que le spectacle commence ! »


5.     Où l’on trouve enfin ce qu’on est venu chercher⁴

Les caisses, sacs, et divers conteneurs qui encombraient la place quelques instants plus tôt avaient été débarrassés avec une étonnante efficacité par les pirates qui, s’en tenant à la parole donnée par leur capitaine, les avaient déplacés un peu plus loin mais ne les avaient pas chargés sur leur navire, ce que Léonora avait noté avec un léger étonnement. Malgré ce qu’elle s’était d’abord imaginé, peut-être que les brigands respecteraient l’accord qui avait été passé, après tout. Elle l’espérait vivement, en tout les cas.

Elle remarqua également qu’un cercle s’était ostensiblement formé autour d’elle et de son adversaire. Les pirates en formaient la première ligne, répartis à peu près également autour de la place. Ils semblaient veiller à ce que le "public" laisse une place suffisante aux combattants, ce qu’elle ne put qu’apprécier. Elle aurait d’ailleurs préféré se passer complètement de spectateurs. Quand il était question de défendre leurs biens, il n’y avait personne, mais dès qu’il ne s’agissait plus que de regarder quelqu’un s’en charger pour eux, ils répondaient présents. Mais elle chassa rapidement ces considérations pour se concentrer sur le combat qu’elle allait devoir mener.

Elle était heureuse que, pour une fois, sa mère n’ait pas eu le temps de la forcer à se changer après sa petite séance de chasse. Certes, elle ne comptait pas se battre à proprement parler, mais courir en robe était possiblement la chose la moins pratique qu’elle puisse imaginer⁵. Pour le moment, toutefois, elle ne courait pas. Les deux adversaires s’observaient, et s’étaient mis lentement en mouvement. Ils se tournaient autour, sans chercher à s’attaquer. La jeune fille veillait à ce que l’espace qui les séparait ne se réduise pas, et prenait garde à prendre l’air aussi maladroite et apeurée qu’elle le pouvait, tenant sa dague d’une façon tout à fait inefficace. Il la sous-estimait, parfait, qu’il continue. Pendant ce temps, elle le jaugeait.

Il faisait une fois et demi sa taille, et plus de deux fois sa carrure. Il avait sans doute autant de muscle dans un seul bras qu’elle en avait dans tout son corps. Et il brandissait ce qu’elle devina être un sabre d’abordage. Peu importait son nom, au demeurant, ce qui comptait était que l’arme avait deux fois plus d’allonge que sa pauvre dague. Elle n’avait aucune chance de le vaincre en combat singulier. Ça tombait bien, ce n’était absolument pas ce qu’elle comptait faire. Elle avait un bien meilleur plan. Du moins, elle l’espérait.

Au fil des tours qu’ils faisaient, elle avait laissé son adversaire se rapprocher. Elle était maintenant presque à portée de ses coups, mais s’assurait de conserver une distance suffisante. Il effectua quelques passes, qu’elle évita à peine. Il ne cherchait pas à la toucher. Pas encore. Un sourire goguenard accroché à son visage, il avait décidé de s’amuser un peu avec elle. La jeune fille comptait bien le laisser faire.

Les attaques se firent progressivement plus fréquentes, plus appuyées. L’adolescente avait esquivé, sans esquisser à aucun moment un mouvement offensif. Elle observait son adversaire. Apprenait comment il bougeait, enregistrait la façon qu’il avait de se déplacer, de porter son poids sur ses pieds. Ce petit manège dura près de cinq minutes, jusqu’à ce qu’elle sente que le pirate commençait à se lasser. Il n’allait pas tarder à vouloir mettre fin au duel, et elle ne devait à aucun prix le laisser faire. Elle commença à reculer, d’abord petit à petit, sans qu’il ne s’en rende compte, puis de plus en plus visiblement.

« Tu commences à avoir peur fillette ? Il s’rait temps. T’en fais pas, ce sera bientôt fini. »

Elle ne prit pas la peine de répondre. Il avait commencé à se rapprocher, et elle ne pouvait pas le laisser combler la distance qui les séparait. C’était maintenant ou jamais. D’un mouvement fluide, l’air soudainement bien plus sure d’elle-même, elle modifia la prise qu’elle avait sur sa dague. Et, sans laisser le temps à son adversaire de comprendre ce qu’elle comptait faire, elle lança son arme dans sa direction. Il tenta d’esquiver, bien entendu, mais c’était exactement ce qu’elle avait prévu. La lame se planta dans le pied du pirate, lui arrachant un cri de douleur et de surprise.

« Premier sang ! »

Alors seulement, la main de Léonora se mit à trembler, et la jeune fille prit pleinement conscience de ce qu’elle venait de faire, et des risques qu’elle avait pris.


6.     Où l’on est récompensé de ses efforts

La mère de l’adolescente se fraya de force un passage entre les spectateurs et se rua sur sa fille pour la prendre dans ses bras.

« Léonora ! Tu n’as rien ? Mais enfin qu’est-ce qui t’a pris, t’as complètement perdu l’esprit ‽

— Je vais bien, merci. »

La jeune fille avait répondu d’un ton cassant, et s’était dégagée de l’étreinte maternelle d’un geste brusque. Elle observait le capitaine des pirates, qui avait donné l’ordre à son équipage de "mettre les voiles et presto", avant de récupérer la dague qui avait blessé l’un de ses hommes, et de s’approcher de sa propriétaire. Il la lui tendit, manche en avant, avant de lui demander d’un ton impassible :

« Comment tu t’appelles, gamine ?

— Léo.

— Et tu sais panser une blessure ?

— Euh... oui. »

Elle le regardait d’un air interrogateur, surprise de la question qu’il venait de lui poser. Elle s’était attendue à beaucoup de choses, mais pas à ça. Ni à ce qu’il se mette à lui hurler dessus, comme il le faisait lorsqu’il s’adressait à son équipage.

« Eh ben alors qu’est-ce que t’attends pour aller soigner ton p’tit camarade, qu’il se vide de son sang ? Allez hop, au boulot moussaillon, et qu’ça saute, je veux qu’on ait décollé dans cinq minutes alors fini de lambiner ! »

Il lui fallut environ deux secondes pour réaliser ce qu’il était en train de dire et se précipiter vers l’homme qu’elle avait elle-même blessé en lâchant un "Oui capitaine" aussi pressé qu’enjoué. Sa mère ne tenta même pas de la retenir, mais lança un regard noir.

« Vous ne pouvez pas l’emmener. Je vous l’interdis !

— Un marché est un marché madame. Elle a demandé à rejoindre mon équipage, et a gagné légitimement le droit de le faire, je ne vois pas pourquoi je l’en empêcherais. Ce que vous pensez n’est pas mon problème.

— Mais elle n’a que seize ans ! Vous n’avez pas le droit ! »

Un sourire oblique se dessina sur son visage. Il se pencha légèrement, et lâcha d’un ton doux :

« Faites-moi arrêter. »

Puis, sans lui prêter plus d’attention, il se retourna et reprit le ton habituel avec lequel il hurlait sur ses hommes.

« Pas encore prêts à partir ? Vous deux, emportez-moi l’estropié à bord, la petite finira de s’en occuper quand on aura mis les bouts. »

Moins de deux minutes plus tard, tout le monde était à bord. L’ancre fut levée, et le navire s’éleva légèrement. Pendant que Léo s’occupait de son blessé, le reste de l’équipage manœuvrait. Un demi-tour, une légère poussée dans le vent, et le vaisseau naviguait au-dessus de la Mer de Nuages.

 

Mais ça commençait seulement à devenir intéressant ! Voilà pourquoi Léo la pirate et ses nouveaux amis reviendront bientôt⁶ dans

Taxes et fourberie.



[1] Et franchement, on peut la comprendre.

[2] Il avait également laissé un trou monumental dans la cave à vin. Mais bon.

[3] Seul le capitaine pouvait avoir un chapeau aussi majestueux.

[4] Des ennuis, donc. Suivez un peu.

[5] C’est dire si elle manquait d’imagination.

[6] Enfin, un jour…

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