Le trio infernal

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– Stéphane et Hubert, calmez-vous ! Et arrêtez d’embêter Claude ! J’essaye de me garer, vous voyez bien !

À l’arrière de la Renault cinq, les trois enfants avaient visiblement décidé de ne rien voir du tout et continuèrent leur chahut, Stéphane et Hubert immobilisant Claude pour le chatouiller. À l’avant, Nicole la maman de Stéphane, venait d’échouer sa deuxième tentative de créneau et commençait sérieusement à perdre patience.

– Maman, pourquoi est-ce qu’elles klaxonnent, les voitures ?

– Oui bah qu’elles klaxonnent, j’en ai rien à faire, merde !

– Oh, vous avez dit un gros mot, madame !

– Non d’une pipe, vous allez la fermer ! Deux minutes de silence bon sang !

– Mais…

– Y a pas de « mais », taisez-vous ! Point !

Sur ce point d’orgue enfin silencieux, Nicole engagea sa troisième tentative de créneau dans un concert de klaxons d’automobilistes furieux. Il y eut ce moment de flottement où tout pouvait basculer, les enfants retenant leurs gloussements à la limite de l’éclat de rire, Nicole concentrée, serrant les dents et la voiture reculant lentement dans sa place…

Enfin, le coin avant gauche du capot se positionna derrière la Citroën. C’était presque gagné. Mais le pneu arrière heurta une nouvelle fois le trottoir. Et ce fut l’éclat de rire monumental. Stéphane essaya de tempérer un peu pour éviter la colère imminente :

« Mais maman, c’est pas grave, ça va comme ça », lâcha-t-il entre deux spasmes de rire. Nicole était rouge comme une pivoine, prête à exploser. Mais Stéphane n’avait pas tort : plus des trois quarts de la voiture se trouvaient garés et le flux des véhicules avait repris, les conducteurs gratifiant au passage la R5 de quelques signes de mains et de doigts peu aimables.

Soulagement. Nicole retrouva un peu son sang-froid, tandis que les jeux redémarraient de plus belle à l’arrière.

– Bon, calmez-vous maintenant. Je n’en ai pas pour longtemps, je dois juste passer à la bibliothèque pour rendre ces livres. Alors vous m’attendez gentiment et vous ne faites pas les fous, hein ? Stéphane, je compte sur toi.

Les enfants lui accordèrent enfin un peu d’attention.

– On peut pas venir avec toi, maman ?

– Mais bien sûr, après le cirque que vous venez de faire !

– Non, mais s’te plaît m’man, on f’ra pas de bruit.

– Non, c’est non, vous n’avez pas été sages.

– C’est vrai madame, on f’ra pas de bruit, c’est promis et j’ai jamais vu la grande bibliothèque moi…

– Ouais, moi non plus.

– Allez, s’il te plaît maman chérie que j’aime beaucoup…

Silence suspendu aux lèvres de Nicole qui ne put réprimer un sourire.

Silence de la victoire.

– Alors je vous préviens, vous avez intérêt de vous tenir à carreau tous les trois, sinon je ne vous emmène plus en voiture avec moi. Et Hubert et Claude ne viendront pas à la maison de toute la semaine. C’est vu, Stéphane ?

Explosion de joie générale.

– Vous aussi, vous avez compris ?

– Oui, on s’ra sage !

– Bon, allez, dépêchez-vous, il est déjà six heures et ça va bientôt fermer.

Nicole sortit de la voiture, avec ses deux livres et ses trois polissons et tous se dirigèrent vers la bibliothèque qui se trouvait au coin de la rue. Le trio infernal se tint à peu près sage jusqu’à la porte principale, entre éclats de rires étouffés et chatouillements discrets.

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