Etoile filante - Pseudo : Si bien maladroite

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Samedi 28 juillet – 13:15

Je ne vais pas te raconter cette soirée où nous nous sommes rencontrés.

Par la volonté des petits cartons déposés devant les verres, nous nous sommes trouvés au dîner placés l'un en face de l'autre. Ta voix et le sourire qui illuminait ton visage m'ont plu immédiatement. Lorsque les invités se sont égayés pour aller danser, tu as fait le tour pour te rapprocher et discuter à l’aise. Avant de partir, tu as griffonné ton numéro de téléphone sur ton menu que tu m'as donné.

Je ne vais pas te raconter non plus cette soirée d'hier, six jours à peine après notre première rencontre. Ces heures n’appartiennent qu’à nous. En arrivant, je n’avais qu’une certitude : le moment viendrait où se frôleraient nos parfums, ou nos doigts s'entremêleraient et se rapprocheraient nos lèvres. En réalité, ce soir-là, tu m'as donné infiniment plus qu’un simple baiser. Tu m’as donné ta peau, ton corps, ton cœur. Il faisait doux sous ta couette. Dehors, c'était la ville morose sous la lune de juillet, les lampadaires fatigués, la pluie qui battait les carreaux.

…et dans ta chambre, sous tes draps, il y avait nous.

* * *

Mardi 31 juillet - 21 H 25

Je viens de raccrocher. On va se revoir demain soir !

Ta fille sera chez ta grand-mère pour une quinzaine. Mon fils, lui, part demain rejoindre ma sœur dans les Pyrénées. On pourrait profiter du week-end pour s'enfuir sur cette île que tu aimes tant, abuser l’un de l’autre, s’aimer, se confronter, tester nos sentiments. Ne dis pas non, ne te moque pas. J’ai des envies de soleil et de sable chaud. J’ai des envies de balade en amoureux sous les pins, de l’odeur de la résine, de ma main dans la tienne, de nos pas qui effleurent les dunes, de ton dos nu qui danse devant moi… J’ai envie de tes caresses et de tes baisers la nuit sous la tente. J’ai envie de m'endormir tout contre toi avec le ressac incessant des vagues pour bercer notre sommeil.

* * *

Jeudi 2 août – 12 H 54

Hier soir, apéro-dînette sur la table basse devant la télé. Melon, salade composée – délicieuse la salade. Henri débarque pour t’emprunter ta voiture. Tu m’as longuement parlé de ta fille, Naïma. On s'est maté une série idiote et ensuite on a fait l’amour sur le canapé. Un peu à l’étroit, mais moment merveilleux, même si j’ai l’impression de n’être pas tout à fait à la hauteur de tes attentes, avec mes inquiétudes, mes pudeurs, mes hésitations. En tout cas, j’aime tes yeux et ton sourire lorsqu'ils recueillent mes baisers.

C'est notre seconde nuit ensemble. Seconde nuit et premiers doutes.

À trois heures, ce sont les fêtards de la rue qui m'éveillent. Je cogite, je me pose des questions. Est-ce que je compte pour toi ? À quel point ? La tête appuyée sur mon bras replié, je contemple ton souffle apaisé. J'ai envie de murmurer des choses à ton oreille.

À quatre heures, tu te lèves pour aller fumer à la fenêtre du salon. Je me glisse silencieusement pour te prendre dans mes bras. On reste longtemps à contempler les tours voisines, les nuages bleutés, à respirer l’air de la nuit en écoutant le calme de la cité. Au loin, des éclairs illuminent le ciel. Je suis bien et j’ose croire que toi aussi. La fraîcheur finit par nous chasser vers la douce tiédeur des draps. On se blottit l’un contre l’autre. On se rendort comme ça.

J’aime nos discussions, j’aime ton rire, j’aime ta voix. J’aime tes jambes, j’aime tes épaules et tes bras, j'aime ta poitrine. J’aime la marque que le soleil a dessinée à l’endroit de ton maillot. J'aime le goût salé de ta peau. J’aime tout de toi, même l'odeur de ta transpiration. Je l’aime parce que c’est toi. J’aime l'enfant qui transparaît en toi.

* * *

Samedi 4 août - 00 H 43

Chez moi, insomnie.

J'ouvre mon ordi. Je rajoute quelques lignes.

Pourquoi écrire ?

Pour moi. Pour nous. Pour toi. J’ai envie qu’un jour tu sache que la terre a vibré, que des tours se sont effondrées, que des navires ont coulé dans le port, transpercés par les retombées du Volcan. C'est la première fois depuis de longs mois que je reprends le clavier.

Un jour, tu liras ces lignes, mon Amour. Je redoute ce jour-là. Il sera celui de la confirmation, ...ou celui de la séparation.

* * *

Mardi 7 août -13 H 23

Ton répondeur répond, mais tu ne décroches jamais.

Tu filtres ?

Tu filtres.

On avait décidé d’éviter de se poser des questions, de ne pas penser au lendemain. Et si le lendemain était déjà arrivé ?

Je surmonte ma fierté et j'appelle Coralie. Je lui demande si elle a des nouvelles. Aucune. L’éventualité d'un accident l’a fait rire. Alors je crois avoir compris. Ceux qui aiment sont toujours les derniers à comprendre. On ne veut pas voir. On refuse l'évidence. Accepter la réalité oblige à se remettre en question. C’est difficile de se remettre en question.

J’ai compris ce que tu ne sais pas dire. J’ai compris que je resterai à jamais un arrière-souvenir de fête, la personne de la soirée, le jouet d'un instant, quelqu’un de pas intéressant. Un mouchoir que l’on jette.

C'est décidé. Ce soir, je vais te voir. Sans prévenir.

* * *

Dimanche 2 septembre - 13:52

Mon Coeur, le mal de toi s’estompe peu à peu. Il me faudra encore de longs mois avant de ne plus éprouver ce petit pincement.

Notre ultime entrevue c'était le 8 août dernier. Trois semaines, déjà. Une éternité. Veux-tu que je te raconte à travers mes yeux ?

Non, finalement, à quoi bon. Tu semblais mal à l'aise, ce soir-là. Pas dans ton assiette. Ton air désemparé entre les quatre murs du palier. La faute à cette consultation chez le médecin du travail ? J’aurais voulu te poser des tas de questions, j'étais là pour ça, mais je ne m'en sentais pas le droit. Tes phrases sont restées vagues.

Tu as été mon étoile filante : intense mais fugace, à peine le temps de s’émerveiller, même pas celui de faire un vœu. Et pfuit ! partie, l'étoile ! Disparue. Évanouie.

Je vais t'envoyer ces pages comme je me le suis promis hier, qu’à défaut d’un souvenir impérissable il te reste une trace de ces quelques heures partagées, de cette parenthèse dans nos vies. Je t’embrasse très fort mon Amour, prend soin de toi.

* * *

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