Les bains mixtes 15/52

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  Après s’être rapidement débarbouillé, Qelkax avait repris la route. Décidé à quitter cet horrible volcan et d’oublier cet accident. Il n’en revenait pas d’avoir fini coincer dans un tunnel souterrain, lui, un gobelin. Il dévala ainsi le chemin escarpé pour arriver vers une vallée. Le soleil descendait à l’horizon, teintant le ciel d’une lueur orangé qui se reflétait sur les nuages pour leur donner une couleur pourpre. C’était un magnifique spectacle mais notre gobelin commençait à avoir faim et il voulait également prendre un bain. Habitué à vivre dans des endroits insalubres et malodorants, l’idée d’être couvert de sueur, de boue et de défécation, ne le dérangeait pas tant mais il voulait s’essayer à un bon bain relaxant. Durant son voyage, il avait lu une brochure qui vantait les mérites des huiles essentielles, des massages et des sources chaudes. Plutôt curieux, il espérait bien tenter l’expérience. Et qui sait ? Peut-être qu’il aurait droit à une charmante masseuse pour l’occasion ?

  Plus loin en longeant la route, il y avait justement un bâtiment qui ressemblait à une auberge. Proche d’un volcan, il y avait fort à parier que le gobelin y trouverait ce qu’il cherchait. Et avouons-le, le titre de cette histoire n’aurait pas lieu d’être si ce n’était pas le cas. Qelkax passa la porte, répandant une odeur nauséabonde sur son passage. Son corps douloureux se traina jusqu’au comptoir de l’accueil où la réceptionniste lui fit un ravissant sourire. C’était une adolescente, les cheveux blonds très longs avec de magnifiques yeux bleus.

 – Bonjour ! Vous êtes là pour réserver une chambre ?

 – Vous proposez autre chose ?

 – Un repas et l’accès aux sources thermales si vous réservez une chambre.

 – Je vais prendre une chambre alors, oui.

 – D’accord ! Quelle formule vous intéresse ? Nous avons le passe famille pour quatre personnes, trois lits, quatre repas dont deux pour enfants et l’accès aux sources pendant une période de vingt-quatre heures. Sinon le passe famille nombreuse pour six à dix personnes. Le passe entre-amis pour avoir un repas plus festif. Le passe jeune couple ou jeunes mariés qui permet d’avoir un bain rien que pour vous, elle gloussa comme une gamine.

 – Euh… j’ai l’air d’être accompagné ?

 – Vous voulez dire que vous voyagez seul ? Genre personne pour vous accompagner ?

 – Oui, fit Qelkax avec fierté.

 – Mais avec qui vous discutez ?

 – Un livre hurlant.

 – Mais qui prépare vos repas ?

 – Je me débrouille moi-même. Pareil pour chasser.

 – Mais qui monte la garde pendant votre sommeil ?

 – Une des valkyries que j’ai capturé.

 – Ah ! Vous n’êtes pas seul alors ! Et elles lavent aussi vos chaussettes, j’imagine ?

 – Non. Je n’en porte jamais.

 – Vous… vous êtes un être répugnant !! Comment osez-vous porter des bottes sans chaussettes ?!

 – Oui oui, d’accord. Combien le prix de la chambre ?

 – Combien de valkyries avec vous ?

 – Merde j’ai parlé trop vite, murmura Qelkax. Trois.

 – Trois femmes et un enfant donc…

 – Un enfant ? demanda le gobelin interloqué.

 – Les individus de petites tailles sont considérés comme des enfants. Vous payerez donc moitié prix. Et il n’y a qu’un enfant pour ne pas mettre de chaussettes dans ses bottes, avoua la réceptionniste.

 – Bon, avant que je décide de t’étriper. COMBIEN POUR UNE CHAMBRE ?

 – Ne criez pas s’il vous plait après je vais stresser et me mettre à parler nerveusement sans parvenir à m’arrêter pour me plaindre ou raconter ma vie ou simplement vous empêcher de continuer de crier et tout ça sans prendre le temps de respirer ce qui pourrait me conduire à faire de l’hyperventilation jusqu’à ce que mon cerveau vienne à manquer d’air et que…

  Elle avait dit tout ça sans faire la moindre pause, sans respirer. Ça aurait pu être impressionnant si elle ne s’était pas mise à vaciller et tourner de l’œil. Donc, comme elle avait voulu le dire : si on lui criait dessus, elle parlait trop jusqu’à ce qu’on cerveau ne s’oxygène plus et qu’elle fasse un malaise. Qelkax fut impressionné de voir que son cerveau saturait si rapidement. Mais après tout, elle était blonde, ce n’était pas de sa faute.

  Le gobelin se pencha sur la réceptionniste, souffla sur sa main qu’il lui colla en pleine poire juste après pour la faire revenir à elle. La demoiselle sursauta en poussant un couinement aigue et se releva comme si rien ne s’était passé.

 – Trois personnes et un enfant donc ! Quinze dragons d’or par personne, la moitié pour un enfant. Ce qui donne quinze divisé par deux, ça nous fait trois. Et trois fois quinze, ça donne cinquante. Cinquante moins trois ça fait… Quinze dragons d’or pour la nuit, s’il vous plait !

 – Ah ouais, t’es vraiment, mais vraiment blonde toi.

 – Merci beaucoup mais le flirt ne vous apportera aucune réduction sur le prix ! dit-elle en s’empourprant.

 – Pas que j’ai envie de payer plus cher mais… tu sais que si le prix pour une personne, c’est quinze. Donc s’il y a quatre personnes, ça fait plus que quinze dragons d’or, n’est-ce pas ?

 – Bien évidemment, je ne suis pas bête, hein ? Ça fait quarante-cinq ! Mais comme il y a un enfant, ça divise le prix par deux ! Mais vous avez raison, ça fait…

  Voyant que la pauvre demoiselle entrait dans un combat intérieur entre ses deux neurones, Qelkax eut pitié et glissa les quinze pièces d’or sur le comptoir en lui faisant un sourire. Il ajouta une pièce en lui expliquant que c’était un pourboire et s’éloigna en soupirant car la blonde le remerciait mais qu’elle ne comprenait pas car elle n’avait pas soif.

  Le gobelin jeta ses affaires dans sa chambre et sortit les sphères qu’il possédait. Il libéra les trois valkyries qui le fixèrent toutes d’un regard empli de haine. La plus petite dans son armure lui donnant l’aspect d’une guêpe voulu l’attaquer mais la grande ressemblant à une menthe religieuse couverte de rouge s’interposa.

 – Si on le tue sans qu’il nous libère, nous serons coincées à jamais dans les boules de geisha…

 – On est dans une auberge et il y a des sources thermales. Vous avez quartiers libres, expliqua le gobelin.

  Les trois donzelles bondirent de joie et sortirent en trombes pour aller se baigner. Qelkax jubilait en voyant que son plan fonctionnait. Il allait pouvoir les observer nues durant la soirée ! Mais d’abord, il comptait aller manger un morceau car son estomac criait famine.

  Vautré à une table, il vit la même blonde lui apporter son repas. Ainsi, elle s’occupait de la réception et était également serveuse ? Avec un peu de chance, elle était aussi masseuse. Cependant Qelkax espérait que ce n’était pas elle qui cuisinait. Non pas qu’il doutait de ses talents, mais si elle était aussi futée qu’elle y paraissait, nul doute qu’elle pouvait facilement se tromper entre le sel, le sucre ou encore la farine. Le repas fut très bon : des cuisses d’écureuils avec une sauce au beurre persillé. En dessert, il prit un coulis de framboise avec une boule de glace, sur la carte ça s’appelait la jouvencelle, forcément avec un nom pareil, il n’avait pas résisté. Mais le gobelin fut un peu déçu, ça n’était pas aussi bon qu’il l’espérait.

  Enfin repu, il se dirigea vers les bains pour se prélasser dans l’eau tout en zyeutant ses trois guerrières. Bon, il s’intéressait surtout à la grande car la petite était trop jeune et l’autre la rondelette avait une coupe de cheveux de garçon. Il ouvrit la porte en affichant un large sourire, c’était écrit « bains mixtes ». Il était donc sûr de les voir sans chercher à s’introduire en douce dans la partie réservée aux femmes. Mais son sourire s’estompa rapidement. Devant lui se dressait un nombre incroyable de zigounettes fatiguées, de bourses fripées et de vieillards désireux de mater de la petite jeune tout comme lui. Il n’y avait QUE des vieux ! Tous s’étaient tournés vers l’entrée quand il l’avait ouvert et tous affichaient un visage de déception en voyant un gobelin. Qelkax comprit qu’ils avaient espéré voir enfin une demoiselle entrer. Une douleur naissait dans son ventre et il sentait des larmes couler de ses yeux, lui aussi était triste et déçu. Qu’importe où il regardait, il ne voyait que des vieux croulant à poil, certains – comble de l’horreur – se lavaient le dos entre eux. Il se posa alors une question : où était Riri, Fifi et Loulou ?

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