Sakededan et le sceptre de Kikram Memlo

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  Il faisait un temps magnifique ce jour-là. Presque aucun nuage dans le ciel azuré et un léger vent rafraichissant pour supporter la chaleur. Un bateau muni d’hélice vint accosta au port de la cité Kadass. Elle était située sur un immense rocher flottant bien au-dessus du plancher des vaches, porté par une magie ancienne et puissante qui n'impressionnait plus personne. Celle-ci était magnifique, ses rues étaient pavées, des petits réverbères en cuivre parsemaient les allées pour éclairer les lieux, une fois la nuit tombée. Il y avait de nombreuses maisons en chaume, quelques-unes avec des toits en pierre mais bien plus rares. Vers le centre de l’île, un château modeste y trônait, résidence du souverain de ce royaume paisible vivant exclusivement du tourisme.

  Plusieurs personnes débarquèrent de l’aéronef : des humains en armures ou en tuniques pour la plupart. Mais il y avait également quelques elfes, un troll et trois orques. Un être posa son pied sur ce continent. L’individu faisait tout juste un mètre de haut, le crâne chauve avec de longues oreilles pointues. Il avait également de petits yeux perçant ainsi qu’un nez crochu et un menton pointu. Mais surtout, il avait la peau verte. C’était un gobelin, habillé d’une armure de cuir et portait à sa ceinture une dague de piètre qualité lui servant d’épée. Son nom était Qelkax Sakededan et contrairement à tous ces visiteurs venus ici pour prendre du bon temps, lui était ici pour une mission bien précise.

  Notre gobelin avança d’une démarche rapide, trottinant presque pour suivre le reste du groupe. Il les accompagna ainsi jusqu’à une auberge, appelée Le Poulet Fringant. Les autres y entrèrent et n’ayant rien contre la volaille qu’il trouvait appétissante, il s’engouffra dans le bâtiment à son tour. À l’intérieur, une bonne odeur de poulet rôti s’émanait, enivrant ses narines et lui mettant l’eau à la bouche. Il en oublia presque sa quête et fila voir le tenancier pour prendre une chambre.

 – Hey m’sieur !

 – Oui ? l’aubergiste chercha des yeux son client. Excusez-moi, vous êtes victime d’un maléfice d’invisibilité ? Je vous conseillerai d’aller voir l’apothicaire, ici, c’est une auberge.

 – Non, ici, cria Qelkax en levant la main pour être aperçu. Je voudrais… une chambre, s’il vous plait.

 – Bien sûr. Mais… j’imagine que le reste de votre troupe arrive ? Nous n’avons pas de chambre pour un groupe nombreux.

 – Non je suis seul, rétorqua Qelkax.

 – Oh ! C’est rare de voir des gobelins. Encore plus d’en voir un seul. Vous voyagez habituellement en groupe. On vous a expulsé de votre grotte malodorante ?

 – Je suis là pour prendre une chambre, pas pour qu’on critique ceux de mon espèce ou nos goûts en matière d’habitat !

L’homme ignora la remarque et tendit une clé au gobelin avant de lui dire de payer d’abord. Malgré le fait que Kadass acceptait tout le monde, la méfiance pour certaine race restait toujours présente. Qelkax fit une grimace, même si avec sa trogne ce n’était pas facile à remarquer. Il n’aimait pas trop ce racisme, mais devrait faire avec. Il paya également pour un repas ainsi qu’un verre d’hydromel.

  Le jeune gobelin s’installa à une table et en attendant qu’on lui apporte son repas, il sortit de sa besace une carte qu’il déroula sur la table. Qelkax était ici pour une raison bien précise : son dieu et maître, le seigneur des terres désolées, lui avait confié la recherche d’un puissant artefact. Il devait donc trouver le sceptre créé d'un ancien mage noir terrifiant, le soercier Kikram Memlo. Son seigneur espérait conquérir le monde avec cet objet magique, mais personne jusqu’à présent, n’était parvenu à le localiser. Qelkax avait volé une carte à des marchands qu’il avait rencontré en chemin. Obtenant dans la foulée, un petit pactole de dragons d’or. La « monnaie sonnante  » , comme beaucoup la surnommait, lui avait ouvert bien de portes.

  On lui apporta son repas et le gobelin se jeta dessus. Plusieurs clients l’observèrent, hésitant entre la fascination et le dégout. À croire que personne n’avait jamais vu un gobelin manger. Quelques minutes plus tard, il laissa échapper un rot bruyant. Portant sa main à son ventre dont la peau était tendue, il souffla de satisfaction. Mais quelque chose le mit alors mal à l’aise, lui la créature des marais puants ou encore des grottes sordides. Vous l’aurez compris, il n’était pas simple de gêner un gobelin. Puis il comprit ce qui n’allait pas. Un pet sonore vibra sur l’assise de son siège, résonnant comme un coup de clairon qui fit taire toute l’assemblée présente dans l’auberge. Il sourit, montrant sa dentition pointues et espérait se donner un air désolé.

  C’est là que quelqu’un tira une chaise à sa table pour s’installer en face de lui. Qelkax entendit bien une voix, mais son attention était ailleurs. En effet, une magnifique poitrine à peine couverte s’adressait à lui. Absorbé par les montagnes de chair aguicheuses et intrigué que celles-ci puissent parler, il mit un certain temps à lever les yeux pour enfin essuyer la bave qui avait coulé sur son menton. Se tenait en face de lui une très belle femme. Des cheveux noirs et longs, des lèvres pulpeuses et des yeux jaunes aux iris reptiliens. Et en détaillant ce brin de fille, il remarqua enfin ses oreilles de chat. Une femme-féline ! Les yeux du gobelin s’écarquillèrent, dans les légendes de son peuple, ces femmes étaient considérées comme les créatures les plus séduisantes du monde. Mais surtout, les meilleures partenaires sexuelles que la terre ait connu. Et comme tout bon gobelin qui se respecte, Qelkax aimait trois choses dans la vie : le pillage, la bouffe et le sexe.

  Sa bague à son majeur se mit alors à bruler. Il secoua sa main à cause de la surprise et se souvint que son souverain pouvait entendre ce qu’il pensait et faisait grâce à ce bijou. Il rectifia donc ses pensées. Les gobelins aimaient quatre choses dans la vie : servir leur maître, la bonne bouffe, le pillage et enfin… le sexe consenti ou non. L’artefact se resserra sur son doigt, lui arracha un petit cri de douleur. Il jura et pensa qu’il ne voulait que le bonheur de son dieu, le suppliant en disant qu’il avait compris la leçon.

  La douleur s’étant dissipé, il fit un sourire qu’il voulait charmeur à l’inconnue.

 – Salut poupée. T’es venue me voir car tu veux tester si les rumeurs sont vraies ?

 – Euh… je suis Kira. Tu sais l’informatrice que tu as contactée pour te trouver les renseignements que tu voulais. Et quelles rumeurs ?

 – Celles disant que nous autres, gobelins, pouvons faire l’amour durant des jours entiers, disait-il d’une voix tremblant d’excitation. Attends, tu es Kira ? se ravisa-t-il. On ne m’avait pas dit que tu étais…

 – Une femme ?

 – Si… BONNE ! Enfin, sexy ! Mais bref, passons ! Tu sais donc où je peux trouver la tombe du mage noir ?

 – Sa tombe, non. Mais son sceptre est ici à Kadass !

La belle se pencha en avant pour parler moins fort. Sa forte poitrine s’écrasa sur la table et Qelkax se perdit de nouveau devant ce magnifique spectacle. Son imagination allant bon train, il se voyait déjà dans la chambre avec elle. Mais se souvenant qu’il pouvait perdre un doigt pour divaguer, il se concentra.

 – Il y a une vente aux enchères et un bâton magique y est exposé. D’après mes sources, c’est sûrement le sceptre que tu cherches. J’espère que tu as de quoi payer.

 – Ouais, t’en fais pas. Sinon, c’est quoi comme bonnet ?

 – Plait-il ?

 – J’en avais encore jamais vu de si gros sur un corps si svelte. Du coup ça m’intrigue ! Que dis-tu de me donner tes mensurations contre un dragon d’or ? Et contre plusieurs, je te propose une nuit avec moi.


   Quelques minutes plus tard, Qelkax quittait l'auberge, la joue douloureuse et l'égo meurtri. Il huma l'odeur de la cité, mais les bonnes senteurs de ses terres lui manquaient, rien ne valait un corps en décomposition, de la boue ou encore un peu de moisissure. Mais le temps n’était pas à la nostalgie ! Il se dirigea au marché pour rejoindre la vente aux enchères.

  Après une longue période d'ennui, parsemée de baillements, un bout de bois, ressemblant à une branche tordue fut présentée. Qelkax put y renifler la magie : pas de doute, Kira ne lui avait pas menti, c’était bien la raison de sa venue. L’artefact était vendu à cinq dragons d’or. Il leva la main pour enchérir à sept. Un autre monta à dix. Il passa à quinze. Quelqu’un enchaina à vingt. Le gobelin commençait à s’énerver et laissa les enchères monter pendant qu’il comptait son pactole. L’objet allait être cédé à quarante huit dragons d’or quand il leva la main en affichant un sourire triomphal.

 – Quatre cent cinquante-deux !

Dans le doute, il donnait tout le contenu de sa bourse. Il fit donc l’acquisition de l’objet qu’il convoitait, quittant les lieux d’un pas conquérant. À cet instant, Qelkax était le gobelin le plus fier que le monde puisse avoir connu.

  Arrivé dehors, il prit une petite ruelle, désireux de tester le sceptre dont la magie était destructrice. Il pointa l’arme sur une poubelle et se concentra. Il sentait la magie s'échapper de ses doigts pour alimenter le catalyseur en bois. L’énergie jaillit enfin et Qelkax jubila ! Il avait réussi, il avait trouvé l’objet que son maître désirait plus que tout ! Mais la poubelle n’explosa pas : de la peinture s’était déversée dessus. Intrigué, notre gobelin retourna l’étiquette, que les vendeurs avaient accroché au sceptre, pour y lire la description de l’objet : baguette colorée, peut produire toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Son estomac se noua et il eut un vertige. Il venait de dépenser toute sa fortune mal acquise pour un objet magique de farces et attrape !

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