Tue, James.

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 La porte s’ouvre, nous laissant à peine le temps de trouver un endroit où nous dissimuler. La vision de la personne qui vient d’ouvrir la porte est obstruée par le bureau derrière lequel nous sommes accroupis. Nous voilà pris au piège. Comment pouvons-nous sortir sans être repérés ? La mission semble impossible.
Tu peux toujours éliminer la personne qui vient d’entrer. Un mort de plus, c’est le prix de la liberté, James.
Je ne peux pas tuer ainsi ! Il y a des chances pour qu’il s’agisse du proviseur, je ne peux pas l’assassiner, même s’il mériterait un châtiment pire que la mort.
Je sais que tu le souhaites, James. Tue, ressens le plaisir de faire couler le sang. Ce lycée est corrompu. Ce monde l’est tout autant. Tue, James.
Je ne dois pas. Je ne peux pas. La lutte est insoutenable et les bruits de pas se rapprochent. Sophie n’a pas encore bougé et le déplacement semble trop serein. Il pourrait s’agir de n’importe qui : un élève, un professeur, le directeur, sa secrétaire. Les bruits de pas s’arrêtent au niveau du bureau en pagaille.
— J’espère que tu es fier de toi, James. À nous deux, maintenant. J’ai toujours su que tu étais coupable de tous ces meurtres. J’ai toujours été convaincu que tu étais responsable de ce soi-disant « suicide ». Je lève la voix contre ta copine et le jour suivant, je retrouve mon bureau en désordre, croyais-tu sincèrement que je ne ferais pas le rapprochement ?

 La voix du principal. Son ton est menaçant, comme s’il savait que j’étais présent dans la pièce.
Il est l’heure de tuer, James.
Mais je ne peux pas bouger.
Tu vas y arriver, aie la volonté !
Je ne peux plus rien faire.
Dépêche-toi, James. Tue.
Je suis paralysé.
Alors laisse-le fuir, pour cette fois. Mais il n’aura pas deux fois cette chance.
Comment ? Il semblerait que j’ai gagné ce combat contre mon esprit.
Pour cette fois.

 Les bruits de pas retournent vers la sortie. La porte se referme. Le bruit du cliquetis, suivi d’un soupir de Sophie. Mais pourquoi n’a-t-il pas vérifié l’intégralité de la pièce pour vérifier si nous étions toujours présents ?
— Quelque chose ne va pas, James.
— C’est illogique. D’abord, les dossiers. Ensuite, ses menaces. Enfin, il ne vérifie pas le bureau ?
— Je suis d’accord. Quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire, et tu dois trouver quoi.
— Je ?
— Il faut que je rentre chez moi, ma mère va s’inquiéter. Notre temps est limité, il faut que tu trouves par toi-même ce qui ne va pas, ici.
— Tu ne reviendras plus au lycée, après ce que tu viens de découvrir, j’imagine ?
— Détrompe-toi, je suis plus que motivée pour revenir. Je sais me défendre. Qu’il ose mettre sa main au mauvais endroit, je crois qu’une dague pourrait facilement se loger en plein cœur.

 Je ne réponds rien. Mes sentiments se bousculent. Elle me tire et se relève. Je la suis. Nous ouvrons le bureau avec la clé à l’intérieur et nous faufilons à travers le couloir. Aucune trace du proviseur. Disparu, comme un fantôme. Les couloirs sont déserts, la cour aussi. Le lycée semble inanimé. Mais nous n’avons pas le temps de vérifier. Nous nous dirigeons vers le grillage à l’arrière, et les racines forment toujours un passage de taille humaine, elles ne se sont pas déplacées. Sophie passe, je passe. Le même vent souffle sans faire bouger les feuilles. Seul le bruit est présent et les barreaux reprennent place. Il est à nouveau impossible de rentrer.

 Nous nous séparons à cet endroit, rejoignant nos arrêts de bus respectifs pour rentrer chez nous. La solitude frappe fort dès qu’elle s’éloigne de mon champ de vision. Il est trop tard pour faire marche arrière. Nous avons découvert des choses que nous n’aurions jamais dû voir et il m’est impossible de l’ignorer. Cette jeune fille disparue, ces élèves disparus, peut-être sont-ils liés au proviseur, d’une certaine manière. Des tas de conjectures traversent mon esprit, mais son innocence me semble impossible. Et ses menaces… qui est-il réellement ?

 J’arrive chez moi et lance mon sac sur mon lit. J’en sors tous les dossiers en ma possession pour les ouvrir. Il n’y a aucune information de plus que ce que nous savons déjà.
Bonsoir, James.
Il me semble que ce lundi a été très productif !
Mon plan se rapproche de sa fin, tout se déroule parfaitement bien, et c’est grâce à toi.
J’ai cependant une malheureuse nouvelle à t’annoncer. Sophie n’en fait pas partie.
C’est ainsi que j’ai décidé de ton prochain défi. Mais avant toute chose, je veux que les conditions soient claires.
Si tu le réussis, tu auras l’occasion de me rencontrer dans les prochains jours. Si tu échoues, tu auras l’occasion de voir tous les soirs des photos de ta mère, torturée. Je joins d’ailleurs une photo d’elle, dans ma cave. Je la nourris bien, ne t’inquiète pas. Je ne peux en revanche pas garantir que le bruit incessant des gouttes d’eau sur le sol ne la rende pas folle.
C’est pourquoi j’ai imaginé un système innovant ! Un bout de pansement empêche l’eau de couler, à condition que tes défis soient tous réussis haut la main.
Je t'entends déjà dire « Oh non E ! Mais c’est si méchant de faire ça, qu’as-tu prévu ? »
Mouahaha. Voici ton défi.
Demain. Plante. Un couteau. Dans le cœur. De Sophie.
Elle doit mourir, rien de plus simple, pour un assassin dans ton genre. De préférence de ta main, mais je ne te reprocherais pas de vouloir sous-traiter cette tâche.
Petite difficulté : elle doit se trouver sous l’arbre des légendes, dans le lycée.
Bonne soirée !
E.

 Tuer Sophie ? Mais c’est un grand malade ! Je ne serais jamais capable de la trahir ainsi. Sous l’arbre des légendes, en plus ! Quiconque ira se prélasser sous cet arbre sera condamné à mourir de la main de celui qu’il aime. C’est de la folie. Je lui envoie un message et elle répond immédiatement.
— Sophie, il faut qu’on parle demain, vite. Retrouve-moi sous l’arbre des légendes.
— Compris !

 Pas un mot de plus. Mais j’en suis désormais convaincu, E est le principal. Ça ne fait aucun doute.

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