Séparation.

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Luc ne voulait pas s’approcher du lit.
Cette réalité lui faisait trop mal. Longtemps, il resta assis à l'entrée de la chambre, a regarder les médecins qui passaient devant lui en riant et discutant du quotidien. Il pensait bien appeler sa femme, Héloïse, mais ses mains tremblaient beaucoup trop pour pouvoir composer un numéro.
Il était, il y a quelques heures à son bureau avec un client lorsqu'il reçut un appel. Tout ce dont il se rappelait était :
« Luc... Convulsion... Ton père. ».
Maintenant, il était là à se mordre les doigts en tournant en rond comme un putain de fauve. Depuis combien de temps n'avait-il pas revu son père ?

Il souffla et risqua un œil à travers la porte. Sous un drap blanc, il percevait la forme d'un corps respirant faiblement aidée des machines et des lumières qui l'entouraient...
Avec courage, il prit son inspiration et entra dans la chambre.
Son père était réveillé à sa plus grande surprise.
«- Approche.
- Ils ont dit que tu ne te réveillerais pas...
- Et alors ? Déçu de ne pas déjà voir ton père enterré six pieds sous terre ? Approche je te dis putain.»

En se rapprochant, le visage blême et cerné de son père ne lui échappa pas.
Avait-il vraiment vieilli à ce point ? Allongé dans le lit, des fils lui parcouraient les bras et le visage. On aurait dit un vieux pantin. Il tira la chaise près du lit pour s'assoir, mais son père l'arrêta :
« T'assois pas ça va pas être long »
Il souffla et remit la chaise à sa place. Luc connaissait le regard froid et dur de ce vieillard. Un regard qu'il avait supporté sur son dos des années et des années. Et c'est ce même regard qui le fixait maintenant. Au moins cela, ça n'avait pas changé se dit-il.

« - Écoute-moi bien fils, car je ne te répéterais pas deux fois, mais une seule fois.
- Salut Papa. Comment tu vas depuis tout ce temps ? Oui, je vais bien, je suis ravi de te revoir. Oh les enfants ? Ils vont bien, ils ont hâte de revoir leur grand-père. Des vacances aux Seychelles ça te dit? On ne pourrait pas commencer une conversation normalement pour une fois ..
- Luc, je vais mourir. »
Un poignard dans le cœur aurait eu le même effet que ce qu'il ressentit à cet instant.
Le temps semblait s'être arrêté malgré le tic-tac incessant de l'horloge au fond de la pièce.
« - Q... Quoi ?
- Je suis malade. Un œdème au cerveau. Mon état s'est aggravé et c'est un miracle si je passe la nuit.»
Luc avait tout eu dans la vie, de beaux enfants, une magnifique femme, une belle maison, beaucoup d’argent et un travail où il s'épanouissait. Une vie apparemment parfaite.
Ce n'est qu'à cet instant précis, ce moment unique de son histoire, qu'il se rendit compte qu’en réalité, il lui avait manqué une chose primordiale toutes ces années.

« - Quoi ? Mais... ce n'est pas possible.
- Il y a deux mois, on m'a détecté cette merde dans mon cerveau. J’ai avalé tout leurs cachetons et subis tout leurs traitements, mais rien n’y fait. Je m'affaiblis de jour en jour Luc.
- Pourquoi ne m'avoir rien dis ? Je peux t’aider, te prêter, non te donner de l’argent si c'est ce qui manque. Tu veux combien ?
- Trop tard.
- Je connais un très bon médecin à New York qui pourrait t’aider et te prescrire un nouveau traitement. Tu verras, il est génial, ignore juste les sordides accusations portées contre lui.
- Luc, c'est trop tard.
- Tu as besoin d’un rein de quelque chose comme ça ? Bon, je ne peux pas te passer mon cerveau bien sure, mais je connais un homme qui pourrait nous avoir ça mardi. Suffis que je l'appelle et...
- LUC ! »
Au revoir Luc l’homme "blindé au as" qui roulait en voiture de sport sur les plages de Californie, il était redevenu Luc enfant gauche et pitoyable, qui avait toujours eu peur qu'on l'abandonne et qui pleurait lorsque la neige de son jardin fondait. Des larmes roulaient sur ces joues. Jamais il ne c'était senti aussi vulnérable qu'aujourd’hui.

« - Calme toi et écoute-moi.
- Je n'ai pas envie de t’écouter, pas ici, pas maintenant.
- Pleure mon fils, pleure toutes les larmes de ton corps car je t'assure que tu ne pleureras pas demain. Je vais quitter cette vie et toi, tu vas quitter cette pièce avec le même sourire que le jour où nos regards se sont croisés pour la toute première fois.
- Papa...
- Tu vas retourner embrasser ta femme et tes enfants. Tu vas continuer de te battre pour tes idées et emmerder tous ceux qui voudront te voir échouer, tu vas faire trembler tes ennemis comme tu l'as toujours fait.
- Papa...
- Tu ne vas pas t'arrêter de vivre, d’aimer et de rire. Tu combattras chaque épreuve avec courage, fougue et cœur sans jamais oublier de quoi tu es capable. Tu ne m'oublieras pas, comme tu n'as jamais oublié ta mère. Tu ne t’oublieras pas non plus, et tu sauras garder tes principes devant l'injustice. J'aurais aimé faire autrement avec toi, te donner une meilleure éducation et voir mes petits-enfants grandir. Tu leur diras que je les aime et les surveille de la haut.
- Tu leur diras toi-même...
- Tu les embrasseras sur la joue puis tu passeras à autre chose et ne leur parleras plus de moi.
- Je t’en supplie...
- Ce qui s'arrête pour moi, ne s'arrête pas pour toi Luc. Rien ne change, si ce n’est que maintenant seul Dieu pourra nous réunir. Et il fera un jour, alors jusqu'à ce qu'il te rappelle à moi, vis ta vie et sois heureux. Sort maintenant.
- Non, je ne peux pas te laisser, je t'en prie ne me fais pas ça !
- Sort Luc. Et ferme bien la porte. »

Luc resta quelques secondes là, les larmes aux yeux à fixer son père qui l'ignorait comme toujours. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, il n'y aurait plus de retour, plus aucune réconciliation plus aucune dispute...
Son père feignant de dormir, il sut qu'il n'en tirerait pas plus. Même sur son lit de mort, ils gardaient tous les deux cette distance qui les avaient séparés toute une vie.
« Je t'aime papa. Tu passeras le bonjour à maman de ma part. »
Il l’ignora, mais un sourire discret se dessina une fraction de seconde sur ses lèvre bleuté. Jamais il n'avait vu son père sourire depuis le décès de sa mère.
Il se dirigea vers la porte, sécha ces larmes d’un revers de manche, leva le menton et sortit de la chambre.
Tombant nez à nez avec Héloïse et leurs enfants, il les prit dans ses bras, les embrassa avant de s’exclamer.
« Papa ne travaille pas aujourd'hui ! Et si on aller au zoo mangez un bon sorbet à la fraise ! »
Sous les rires et les crie de joie de ses enfants, Luc et Héloïse quittèrent ensemble l'hôpital main dans la main

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