Fracture

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Appuyé contre son coffre ouvert, il contemple l’étendu sablée aux teintes ocres offrant à ses sens le silence nécessaire à sa sanité.

Son esprit s’absente un instant, serpentant entre les souches craquelées et les cactus.

Il observe le ciel sevré de tout nuage. Quelques rapaces tournent en cercle au dessus d’une carcasse qui bientôt ne sera plus que tas d’os.

Il délace ses chaussures, les retire, les déposes contre la roue arrière de sa voiture.

Il souhaite sentir le sable sous ses pas, entre ses orteils.

Il ne souhaite plus rien sentir d’autre.

Sa solitude l’a conduit là ou personne ne demeure, à l’endroit même où il se doit d’être, à son origine.

Le paysage qu’il contemple et l’apaise semble cependant moins vaste que le vide insensé que contient son être.

Il a le sentiment qu’il pourrait y loger au moins le double de sable, de dunes, de végétations.

Il songe à ce qu’il a laissé derrière, à ce qui l’attend. Il s’imagine que les parcours sont semblables, que seule la direction prise change. Il se voit avancer à reculons, faire marche arrière à vive allure, dans une confusion qui l’amuse.

Il peut avancer vers son passé, revenir vers son avenir. Tout est possible, tout peut exister.

Il siège, vide, dans l’immense absurdité de l’existence.

Il s’est affranchi des règles, des autres, du Monde.

Mais soudain un bruit sourd se fait entendre. Une secousse se fait ressentir. Les rapaces s’envolent, le sable semble se dérober sous ses pieds nus, puis disparait.

Une terre craquelée, aride, se substitue à la poudre d’éternité qui berçait jusqu’alors ses sens.

Le sol s’ouvre sous son corps, le précipitant dans une chute sans fin.

Chaque fissure est plus large qu’un sentier, plus profonde qu’un fleuve. Il y voit les images entremêlées de ce qu’il avait espéré quitter.

Il voit l’absurde. Il voit l’incompréhension. Il voit sa panique qui le fixe du regard.

Il est plongé de force dans ses contradictions, submergé désormais par ces vagues dorées qui n’en finissent plus de l’ensevelir.

Et tandis qu’il se noie, il contemple le ciel, songeant avec regret à ce qu’il n’a pas su comprendre. Il se noie dans sa tristesse, dans sa mélancolie.

Il a cherché à fuir pour ne pas mettre sa vie en péril, mais c’est sa fuite qui vient désormais l’emporter tout entier. Il a cherché à chasser les raisons de sa fragilité, sans comprendre qu’elles n’existaient que par lui.

Personne ne pleurera sa perte. Il s’en est assuré.

Les seules larmes versées seront les siennes, évaporées au contact de son âme aride. On ne remarquera pas que ses jouent sont humides, la terre ayant terminé d’assécher sa peau abimée.

Il est le sol fissuré. Il est le sable qui pénètre ses poumons. Il est le ciel immaculé. Il est l’oiseau qui guette, espérant une fin de vie prochaine. Il est tout. Il n’est rien.

Il ouvre les yeux. Les fesses contre le sable, le dos appuyé contre sa voiture. Les joues inondées de larmes qui n’en finissent plus de couler.

Il se relève, remet ses chaussures et s’incline un instant.

Il contemple une dernière fois l’étendue qui s’offre à lui, comme s’il pouvait désormais voir en lui-même.

« Pas aujourd’hui » lui souffle-t-il.

Le vent vient caresser sa peau devenue sèche. Le calme est revenu chez lui.

Les rivières salées ont tout emporté avec elles.



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