Attentat

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" L'armée est sentimentale."

Rien de plus vrai !

L'armée était attachée à des symboles et des lieux, des personnes et des devises.

Elle chantait des hymnes patriotiques, la main sur le coeur et les yeux levés au ciel.

Lui aussi.

Et pourtant, il n'avait pas envie de chanter.

Mais de tuer.

" L'attentat a eu lieu hier matin. Nous n'en avons été informés que ce matin. Vingt-quatre heures de perdues."

Le militaire, supérieur de l'officier chargé des interrogatoires, était tellement énervé par ce contretemps qu'il en perdait sa prestance.

" Vous allez partir sur l'heure ! Et interroger le prisonnier.

- Nous avons un suspect ?"

Il en fut surpris.

" Oui, un de ces terroristes a été blessé durant l'explosion. Il est incapable de marcher. Mais ce salopard a encore une bouche. Il pourra vous répondre."

L'officier acquiesça.

" Vous êtes notre meilleur homme dans cette affaire. Trouvez-nous quelque chose !"

Nouvelle inclinaison du buste.

" Est-ce vrai ce qu'on raconte, monsieur ?, se permit de demander l'officier.

- Oui. Il était à bord du train. C'était un attentat contre Lui."

L'officier serra les poings et ses yeux clairs brillèrent de haine et de rage.

" Je trouverai, monsieur !"

Le militaire posa sa main sur l'épaule de son meilleur homme et annonça, d'une voix indifférente :

" L'officier XXXX était aussi dans ce train."

L'officier sursauta.

" Trouvez une piste et ramenez ceux qui ont fait ça !"

L'armée est sentimentale...

La louve était morte dans un accident de train.

Un attentat.

Il n'avait pas couché avec elle, mais il l'avait désirée.

L'armée est sentimentale...

On avait tenté de tuer son chef suprême.

L'arrivée de l'officier fut accueillie avec soulagement et on lui ouvrit les portes de la prison.

La première chose qu'il vit, ce fut un homme, enchaîné, blessé au visage et fier de lui.

Il se promit de briser cette fierté.

" Alors, cet attentat ?," demanda l'officier.

Il déposa précautionneusement devant le prisonnier plusieurs choses.

Sa casquette, ses gants, sa montre...

L'homme le vit faire avec stupeur.

" Une terrible affaire, répondit le prisonnier.

- Terrible ? Oui. Mais encore ?"

Puis le prisonnier le vit poursuivre son jeu.

L'officier défit ses boutons de manchette, qu'il déposa aussi sur la table, et il remonta les manches.

Haut, haut sur le bras.

" Une méprise. Nous aurions dû le tuer, ajouta le prisonnier.

- Vous avez raison. Ce fut une terrible méprise.

- Le prochain attentat ne sera pas un échec. Nous sommes si nombreux. Vous tomberez !

- Je suis d'accord, fit l'officier. Nous tomberons et vous gagnerez."

Cela estomaqua le prisonnier qui devint incertain.

La fierté.

Disparaissait.

Poursuivons le jeu !

L'officier ne s'assit pas.

Il se pencha devant le prisonnier et murmura :

" Notre chef. Notre honneur. Pour l'instant... Nous ne sommes pas tombés.

- Question de temps !

- Parlez-moi de cet attentat raté.

- Avec plaisir."

Le prisonnier parla.

Des munitions mal placées, des proportions du pont mal notées. Il lança même en souriant :

" Nous manquons d'ingénieurs en génie civil. Vous y êtes pour quelque chose."

L'officier souriait, approbateur.

Il avait défait sa cravate, déposé sa veste d'uniforme sur le dossier de la chaise. Il paraissait si jeune sans ses symboles d'autorité.

" Vous ne vouliez que le chef ?

- Bien entendu. Nous n'en avons rien à faire des militaires. Mais ce salopard de chef suprême ! Putain !"

L'officier se déplaçait autour du prisonnier. Il ne l'avait pas touché. Il l'avait écouté avec attention. Il n'avait posé que quelques questions.

Juste ce qu'il fallait pour faire parler le prisonnier.

Et il voyait la douleur qui prenait le blessé.

La jambe.

Et il sourit.

" Qui vous a dit que le chef serait dans ce train ?"

On reprit. Encore et encore.

Il avait les doigts poisseux de sang.

" Quelqu'un a parlé, lança doucement l'officier. Dites-moi et c'est fini."

C'était sa meilleure arme. Sa douceur, son calme et son sourire si bienveillant.

" JE NE DIRAIS RIEN ! Je... Dieu..."'

Le prisonnier ferma les yeux et ressentit la montée de la douleur, comme une vague.

Presque à s'évanouir.

Mais elle refluait toujours.

Et il ouvrait les yeux sur son bourreau.

" Un train. Un attentat. On a forcément donné des informations."

L'officier se retrouva, la bouche contre le prisonnier et il murmura :

" Vous auriez dû mourir lors de cet attentat, non ? Une erreur de dosage ?

- Va te...faire foutre...

- Dans ce train, il y avait le chef...et il y avait des officiers...

- Je m'en...fous..."

L'officier posa sa main sur la gorge du prisonnier et doucement, il la serra. Etouffant l'homme.

" Dans ce train, il y avait une femme."

Le prisonnier eut un hoquet. Il n'arrivait plus à respirer.

" J'aimais cette femme, vois-tu. Cette affaire est devenue personnelle."

La main serra encore puis l'officier le relâcha d'un coup.

Le prisonnier tomba en avant et chercha son souffle.

L'officier contempla ses doigts ensanglantés et soupira :

" Trop de sang, cela glisse. Je vais prendre quelque chose."

Le prisonnier ne voyait plus un soldat attaché à enquêter et interroger sur un fait de guerre. Mais un amant perdu dans son désespoir. Il comprenait la séance de déshabillage.

Le prisonnier déglutit. Un amant ?

Il ne pouvait pas le raisonner.

Il le sut très vite.

Il essaya de le faire.

" Ce train ? Ce nom ? Juste cela et c'est terminé. PARLE ORDURE ! "

Sang, sang, sang.

" Elle s'appelait XXXX. Tu le sais, salopard ? Une femme aux cheveux noirs. Belle. Peut-être que tu l'as vue dans les décombres du train ? Hein ?"

Un coup de marteau sur un coude. Un coup de marteau sur une main. Un coup de marteau sur un genou.

Entre chaque coup, l'officier assénait une vérité sur sa louve.

" Elle avait vingt-cinq ans, elle sentait le jasmin, elle était courageuse..."

" Dis-moi ou je te jure que le dernier coup de marteau est pour ta gueule !"

Un homme amoureux !

L'homme avoua ce qu'il savait.

Et le marteau tomba sur le sol.

Remplacé par un revolver.

Une balle en pleine tête et ce fut terminé.

" Du bon travail, officier !, approuva son supérieur lorsqu'il lut son rapport. Mais je ne saisis pas comment le prisonnier est mort. Une balle ?

- Un regrettable accident, monsieur, fit l'officier se raidissant lentement.

- Je comprends. Elle sera vengée."

Car nous vengeons ceux qui nous appartiennent.

Nous sommes vindicatifs !

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