Couple

6 minutes de lecture

"Des loups à tête d'homme."

Un couple de loups.

Un beau duo d'assassins et de bourreaux.

Une femme et son mari.

Traqués depuis des semaines, ils avaient enfin été arrêtés.

On les avait sauvés d'une tentative de suicide.

Ce qui valut à tous des insultes et des crachats.

Maintenant, ils étaient là. Chacun dans une cellule et attendant l'interrogatoire.

Un beau couple de tueurs.

" Vous avez assassiné l'officier XXXX et le chef de la section du parti XXXX, asséna froidement le soldat.

- Seulement ? Vos dossiers sont plus que succints, mec. A votre place, j'aurai honte !"

L'officier chargé des interrogatoires leva la tête de son rapport et examina le prévenu.

Il souriait, toutes les dents visibles, sans peur et sans inquiétude. Une sourde haine était visible dans ses yeux.

D'un chocolat lumineux.

" Vous avez d'autres noms à ajouter ?, demanda sèchement l'officier.

- Je peux ? Sérieusement ? Filez-moi un stylo et je vous la complète votre liste !"

L'officier joua le jeu et tendit stylo et dossier.

Il était estomaqué par tant de contrôle.

Et il en fallait plus habituellement.

Mais l'homme était impressionnant.

Il écrivit plusieurs noms et les commentait à voix haute, se moquant et racontant des anecdotes concernant leur assassinat.

" Oui, il y a le comte de XXXX ! Un vrai cochon, celui-là ! Il a crié comme un porc lorsque je l'ai saigné. Que de raisiné ! Et la fille de XXXX, vous savez ? Celle qui jouait aux médecins dans le camp de XXXX ? On l'a tuée, la femme et moi ! Une nuit pour en venir à bout ! Une belle salope, je dois avouer. Peut-être vous connaissiez personnellement l'officier du régiment XXXX ? Il venait de votre région, il me semble. "

Le bourreau se mit à sourire, amusé par tant d'éloquence.

Mais les noms des victimes ne l'amusaient pas.

Il les connaissait tous !

Et ce salopard de terroriste le savait !

" Oui, je connaissais personnellement l'officier XXXX. C'était un ami."

L'homme le regarda et son sourire devint cruel.

Un sourire de loup.

" Nous l'avons traqué trois jours dans la montagne. Ce connard a fui ! Mais il a ensuite fait comme tous les autres. Pleuré en mourant."

L'assassin se pencha en avant et d'un ton de conspirateur, il ajouta :

" Mais vous devez connaître cela, non ?

- Certainement, répondit sur le même ton le bourreau.

- A la bonne heure ! C'est un plaisir de parler entre gens du métier."

L'officier eut furieusement envie de gifler l'assassin.

Il ne se voyait aucun point commun avec le vulgaire terroriste assis devant lui.

Ce qui n'échappa pas à l'homme qui ricana en ajoutant un nouveau nom :

" J'oubliais ! Il y a aussi eu l'officier XXXX. Un autre de vos amis, je crois ?"

L'un des plus anciens.

Le bourreau eut du mal à conserver son ton froid pour acquiescer.

Ce n'était pas la peine de frapper ou de menacer.

Le prévenu parlait et annotait lui-même les rapports. Il enjolivait et détaillait chaque opération à laquelle il avait participé.

Un artiste ! Fier de lui et de son oeuvre !

" Le pont de XXXX ? Non ? Vous en êtes encore là ? Mais vous avez eu tous les artificiers ? Vous êtes vraiment des branques."

Puis il ajoutait en souriant :

" Sans vouloir vous vexer."

Non, il ne le vexait pas.

Mais l'officier voulait savoir jusqu'où l'homme était capable d'aller dans ses confidences.

Il ne répondait même pas à des questions.

Il assénait et prouvait, il expliquait et se moquait.

Sans les menottes, on aurait pu le prendre pour l'un des leurs, revenant d'une mission et transmettant son rapport.

" Mais non ! C'est XXXX qui se charge des cibles ! Vous l'avez tué dans la région de XXXX. J'avoue ! Ce n'est pas vous qui l'avez interrogé. Peut-être auriez-vous trouvé quelque chose... Vous n'êtes pas mauvais à ce qu'on dit.

- Merci, fit froidement l'officier.

- Vous avez eu de la chance avec ces crétins de terroristes lors de votre capture. Nous devions arriver le lendemain, la femme et moi."

Le soldat se pencha en avant et murmura :

" C'est une menace ?"

Ce qui fit rire l'assassin.

" D'où vous voyez que je suis en position de menacer ?"

Il fit tinter ses menottes.

Avant de saisir une nouvelle feuille et de reprendre son énumération :

" Le pont de XXXX ! Sa destruction a été décidée par XXXX, mais vous l'avez déjà tué. A XXXX. Quant au professeur XXXX, les autres membres de l'université ont été effacés. Comme ça, plus de fuites."

Le bourreau se taisait toujours.

Contre le mur, derrière lui, se tenaient ses deux aides. Deux soldats, costauds et imposants.

Tous trois contemplaient ce prisonnier bavard qui leur montrait exactement ce qu'ils avaient raté.

" La piste d'un gamin de cinq ans ? Mais quel intérêt pour vous ? Cherchez dans le puits du village de XXXX ! Celui que vous avez incendié. D'ailleurs la vieille que vous avez sauvée...prévenez-la ! Je donne pas cher de sa peau."

Le bourreau acquiesça en silence.

Il avait devant lui un autre bourreau en réalité.

" C'est ma femme qui a tué le gamin. Un gosse de cinq ans. Bah ! La belle affaire ! Quant à la vieille... Je regrette juste de pas l'avoir chopée avant que vous m'ayez. Elle aurait duré deux heures au moins. Faites confiance à ma femme ! Vous devriez lui parler d'ailleurs."

Le prévenu se mit à rire.

" Elle est bonne à ce jeu."

Un nouveau rapport, un nouvel aveu, un nouveau nom de barré.

Cet assassin était un maître dans son genre !

Et sa femme méritait aussi des louanges.

Un couple de loups.

Des tueurs sans pitié.

" Et si on parlait des vivants ?, demanda tout à coup le soldat.

- Des cibles, vous voulez dire ?

- C'est cela ! Que pouvez-vous m'en dire ?"

L'officier plaça de son propre chef une feuille blanche devant cet assassin si fier de l'être. L'homme sourit toujours et hocha la tête.

Posément, comme à l'école, il écrivit de sa plus belle écriture une liste de noms.

Puis, en souriant, il la tendit au soldat.

Comme un élève rendait sa copie à son professeur.

Le bourreau examina tout cela et fronça les sourcils.

Le prévenu s'excusa en faisant jouer ses menottes.

" Je ne pouvais pas vous mettre au tout début de la liste ! Je suis désolé mais le chef suprême est prioritaire. Comme il se doit. Mais regardez !"

Le bourreau baissa les yeux et vit son nom en deuxième place.

" On ne vous oubliera pas.

- Qui va se charger de ces assassinats ?

- Moi et ma femme. Elle a sa propre liste mais souvent, elle recoupe la mienne. On travaille mieux à deux.

- Et maintenant que vous êtes arrêté ? Qui va se charger de cela ?

- Qui donne les ordres ? C'est cela ?"

Goguenard, l'assassin souriait.

Il souriait toujours lorsqu'il eut la bouche en sang.

Il souriait encore lorsqu'il n'eut plus de souffle.

L'officier fumait toujours sa cigarette. Mais à ses côtés, maintenant, se tenait sa collègue.

Sa louve.

" Comment vous avez fait ?, s'enquit-elle, impressionnée devant les rapports détaillés et complets qu'il avait soutirés au prisonnier. La prévenue n'a fait que hurler des insanités et cracher sur nous. J'ai fait appliquer la méthode forte. Mains, pieds... Rien !

- Il avait envie de parler.

- Mais c'est incroyable !"

Elle était admirative.

Lentement, elle posa sa main sur son bras et souffla :

" Impressionnant ! Le chef sera content."

Le soldat secoua la tête.

Non, le chef ne sera pas content. Il avait en sa possession des pages et des pages de rapports parlant de faits du passé et de gens déjà morts. Une liste d'assassinats prévus mais aucun nom d'assassins.

On l'avait manipulé, c'était tout.

Ce devait être son deuxième échec.

Mais il n'avait jamais eu affaire à des loups à tête d'homme.

Peut-être...fallait-il commencer à chasser comme les loups...

L'officier regarda sa collègue et lui proposa :

" Voulez-vous faire un tour près du village de XXXX, il y a là-bas un puits que je voudrais examiner.

- Un puits ? Pourquoi pas ?"

Un voeu !

Pour que tout aille pour le mieux et qu'une piste soit découverte.

Une chasse à l'homme !

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