Au petit jour

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C'est, au demeurant, au petit jour que les pires horreurs surgissent.

C'est ce que j'ai réalisé ce matin en me réveillant. Tout en fumant mon clope au balcon, le café à la main, cette vérité m'a claqué à la gueule tout à fait.

Je venais de passer la nuit à baiser avec la première presque pute venue. Je venais de comprendre en somme qu'à à peine quarante balais, j'étais un loupé de la baise, un raté de la grande séduction.

L'hôtel était presque vide. Je n'avais presque rien à branler jusqu'au lendemain où je devais me rendre sur un site pétrolier offshore.

Elle était presque seule au bar. Les actions et les éléments concordaient. Je ne pouvais lutter. Je ne pouvais résister.

J'en étais à ma troisième bière, quand elle est venue s'asseoir à côté de moi.

"Je peux ?" qu'elle a dit après s'être bien installée à côté de moi. "Belle nuit, n'est-ce pas ?" qu'elle a ajouté, tout de suite après, son verre de bière bien haut comme pour dire.

Elle n'avait pas tort. Elle était belle, la nuit. Les petits kiosques du bar laissaient ouvert aux rêveurs l'horizon grand sur l'Océan. La Lune laissait tout juste découvrir entre ses scintillements maritimes les îles d'Ambas. Les néons grésillaient dans leurs cages tandis que perlait l'humidité le long des colonnes. Oui, la nuit était belle. La légère brise prenait un peu dans ses cheveux des airs de tourbillons.

Elle parlait, parlait, parlait beaucoup trop tant est si bien qu'au bout de quelques temps, je n'y faisais plus attention. Je fumais clope après clope et commandais bière après bière.

J'avais de moins en moins de conversation pour ainsi dire. Elle comblait de plus en plus par le jeu des vases. Elle s'accrochait sur mes silences pour me captiver définitivement. Elle était tout comme de plus en plus proche au fur et à mesure de la soirée.

Je n'avais envie pas envie de lutter. Je me laissais faire.

M'expliquait-elle la chance que j'avais, les malheurs qu'elle subissait ; le sourire qu'elle avait, la mine en berne que j'affichais.

M'expliquait-elle la haine qui grandissait partout . L'optimisme qu'elle gardait, le pessimisme que je conservais.

Me paraissait-elle de plus en plus savoureuse, de plus en plus délicieuse. Je me laissais définitivement glisser, sans résistance aucune. J'avais baissé les armes.

Souvent, déjà, j'avais comme quiconque chevauché le dragon, me prenant droit comme le fier amant, le fier chevalier ; conquistador jusqu'au bout du gland. J'en redemandais encore, bien entendu. Ne cherche-t-on tous pas ceci un peu.

Lorsqu'elle finit par me toucher le paquet entre mes cuisses, tout en me regardant, histoire de dire, j'ai envie de toi ; j'atteignais une fois encore la plus haute estime de moi. J'étais le plus beau du monde, le plus aimé, le plus aimable. Le monde entier était minuscule. Moi, immense, au milieu. Le plus..., le plus... Tout ça, tout ça. J'écrasais tout entier du haut de ma chevauchée.

Les litres de bières aidaient, il est vrai.

Je me suis donc laissé entièrement faire tout juste après.

Ce matin, première lueur, sa courbe tout à côté, mes yeux se sont ouverts, une sorte de lucidité avec.

Je n'étais pas plus fier qu'un vulgaire rat. Je la regardais, elle était belle, innocente et rêveuse comme toutes les femmes qui dorment, comme toutes les femmes qui espèrent encore.

Je me sentais comme une merde devant la réalité. Peut-être n'était-ce qu'un sentiment vain de plus.

Du haut de mon balcon, la ville se réveillait avec, commençait à s'agiter. Tout ça, comme si rien ne s'était passé, comme si aucune vérité n'avait éclaté. Minuscule au milieu des minuscules, j'étais redescendu, j'avais de nouveau chuté.

J'avais envie de chialer, de sauter par-dessus la rembarde et de m'écraser dix mètres plus bas.

Je n'allais rien en faire bien entendu. Lâche tout à fait comme toujours.

J'étais somme de tout le dernier colonialiste, le dernier colon, de fait. Pas foutu de sortir de sa propre mélasse ; condamné à partager, à diffuser ses aigreurs entretenus ; pillant, sucant tout sur son passage pour nourrir ses démons. Il n'y a plus d'or à chercher. Plus de révolution à tenter.

Pas plus beau, pas plus con que tout le reste avant, pour résumer.

Demain, serai-je encore et toujours ailleurs et au même endroit ?

Demain, sera-t-elle encore et toujours mue par l'espoir ?

Demain, serai-je tout autant avachi dans la résignation ?

Demain sera-t-elle là à tailler la route et à couper les couilles à tout oppresseur et menteur venu comme moi ?

Je ferme la porte alors que ses yeux s'ouvrent. Quelques larmes coulent de part et d'autre.

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