Chapitre quarante-neuf

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Trois mois plus tard)

Les travaux viennent de s’achever, avec leur lot de bonnes et de mauvaises surprises. La salle de bain du second étage à refaire entièrement. Le coût des réparations de la toiture moitié moins élevé que prévu. La découverte, il y a quelques jours, d’un mystérieux petit carnet dissimulé sous la latte d’un plancher.

Ce jour-là, les deux femmes sont devant le palais de justice de Paris. Floriane est venue y accompagner Héloïse. L’infirmier qui s’est introduit dans son appartement, pour y dérober des objets, puis l’a incendié, est jugé ce matin.

Pour le moment, elles profitent du soleil tout en attendant leur avocate, Maître Halimi. Floriane se souvient encore de leur première rencontre.

C’était il y a quelques semaines, elles venaient de recevoir la convocation à l’audience. Aussitôt, Héloïse avait écrit une longue lettre à l’avocate pour lui demande de bien vouloir la représenter lors de l’audience.

Quelques jours plus tard, une réponse positive accompagnée d’un rendez-vous, leur parvenait.

Le jour dit, elles sonnaient à la porte de l’avocate. Elles se tenaient main dans la main, pour se donner du courage. Tant elles étaient impressionnées de rencontrer la petite fille de celle à qui on doit tant pour l’évolution du droit des femmes.

Floriane se souvient de s’être retrouvée assise dans une pièce vaste et claire devant un grand bureau où trônait en bonne place la photographie de la célèbre grand-mère.

L’avocate était entrée d’un pas vif et décidé, tout en leur serrant la main, elle se présente :

- Bonjour, mesdames, je suis Maître Halimi. Je vous prie d’excuser mon retard.

Elle s’assoit derrière son bureau impeccablement rangé, sort le dossier qui concerne Héloïse et, sans l’ouvrir, demande :

- Bon que puis-je pour vous ?

Héloïse répond d’une voix intimidée :

- Les paroles s’envolent les écrits restent, j’ai préféré tout vous mettre par écrit maître.

Elle sort un texte, qui tient sur deux feuilles, qu’elle a soigneusement rédigées la veille. Elle en profite pour lui montrer les seules photos qui lui restent de son appartement.

L’avocate examine les photos, puis lis avec attention le courrier, à la fin, elle lève les yeux et regarde attentivement les deux femmes :

- Heureusement que vous vous êtes rencontrées à ce moment-là. Sinon, mademoiselle, vous seriez à la rue !

- Oui maître, je lui serais éternellement reconnaissante de m’avoir offert l’hospitalité ce jour-là.

- C’est à eu de chose près ce que je compte dire devant le tribunal…. J’y pense … Vous avez fait expertiser le sinistre ?

- Oui un expert de chez Axa est passé.

- Pouvez-vous me donner les coordonnées de votre agence d’assurance ? Je vais les contacter afin d’obtenir une copie de leur expertise.

- Oui, bien sûr, il s’agit de l’agence située au numéro cent huit boulevards du Jean Jaurès à Clichy.

- Bien … Mesdemoiselles, je vais faire en sorte d’obtenir tous les documents nécessaires. Afin d’être aussi prête que possible le jour de l’audience…. Ne vous inquiétez pas j’ai très bon espoir dans cette affaire. De toute façon le suspect a immédiatement reconnu les faits, donc … Je vous donne rendez-vous le jour de l’audience, une heure avant, sur les marches du palais de justice.

Le jour dit, à l’heure exact, Maître Halimi serre la main des deux jeunes femmes. Sans perdre un instant, elle demande :

- Vous venez boire un café avec moi, je vous expliquerai tout.

Une fois installée à une table, à l’écart des oreilles indiscrètes, l’avocate explique :

- Voilà, il ne devrait pas y avoir de soucis. Je vais demander au total trois cent soixante mille euros. Cette somme tient compte de la valeur de l’appartement, de tout ce qu’il contenait et, des dommages et intérêts.

Après avoir bu une gorgée de son café Maitre Halimi poursuit :

- Si le prévenu n’est pas en mesure de vous rembourser, ce sera le fonds d’indemnisation des victimes qui se substituera à lui…. Bon, mademoiselle, dit-elle en s’adressant à Héloïse, il est temps de nous mettre en route si nous voulons être à l’heure.

Héloïse et Floriane échangent un rapide bisou. Cette dernière lui murmure à l’oreille :

- Je t’attendrai ici, bon courage, ma chérie, je t’aime.

Au lieu de sortir son prendre son éternelle Marie Claire, Floriane a prévu de lire le petit carnet trouvé sous une latte de plancher. Aucune des deux ne sait ce qu’il contient et, cela l’intrigue au plus haut point.

Après avoir commandé un autre café, elle pose le petit carnet devant elle. Il n’est pas plus grand qu’un carnet à spirale moderne. La couverture semble faite dans un robuste carton, la reliure est en toile épaisse, le tout suffisamment solide pour nous être parvenus intact jusqu’à nos jours. L’ouvrage ne semble pas avoir souffert de l’humidité.

Elle l’ouvre la première page. Sur celle-ci, inscrit dans une encre noire, qui a légèrement pali, se trouve un nom et une année, Laeticia Choron et mille huit cent cinquante. En dessous est aussi inscrit, journal intime.

Floriane se met à rêver ainsi elle a entre les mains le journal intime qui date de près de cent soixante-dix ans !

Pendant un long moment, la jeune femme va se plonger dans les pensées intimes d’une autre jeune femme décédée il y a bien longtemps. Son intérêt pour cette lecture va s’en trouver décuplé quand elle va s’apercevoir que cette personne aimait elle aussi les femmes, en secret.

Elle y raconte ses doutes, ses tourments. Elle raconte qu’elle finit par accepter ce qu’elle est, tout en faisant semblant de rentrer dans le moule imposé par la société bien-pensante.

À ce moment-là Floriane se dit, « Mon Dieu, toute une vie à cacher la vérité à faire semblant ! Cela a dû être une horreur pour elle. »

À ce moment-là, dans son champ de vision elle aperçoit des mains s’agiter. En levant les yeux, elle voit sa compagne lui sourire :

- Hello chérie, tout va bien ? Tu sembles complètement ailleurs, lui dit-elle.

- Oui tu as raison, mon amour. Tu ne devineras jamais ce que je suis en train de lire !

- Dis-moi !

- Tu te rappelles le petit carnet que les ouvriers ont découvert sous une latte d’un des planchers ?

- Oui ?

- Le voici, explique Floriane en le montrant.

- Devine un peu ce que c’est ?

- Je ne sais pas trop, je n’ai pas eu l’occasion de le regarder, disons ….. Un journal intime ?

- Oui ! Comment as-tu fait pour deviner ?

- Intuition féminine peut-être…

- Oui, c’est le journal intime d’une certaine Laeticia Choron, il date du milieu du dix-neuvième siècle. Il est fascinant ce journal, l’histoire de cette fille m’a fait mal au cœur. En même temps elle m’a fait réfléchir.

- Explique ?

- Disons que Laeticia était attirée par les filles, c’était une lesbienne. Mais par peur d’être jugée par la société, elle a préféré enfouir son homosexualité au fond d’elle et … se marier avec un homme. Tu imagines la vie qu’elle a dû avoir ?

- Oui…

- En même temps ça m’a fait réfléchir à nous, à la chance que nous avons de pouvoir nous aimer sans avoir trop besoin de se cacher… Veux-tu devenir ma femme ? La question est posée d’un ton égal.

Floriane ne quitte pas les yeux de sa chérie. Celle répond du même ton, elle ne semble pas avoir entendu la question

- Oui c’est vrai que tu as raison, ici, à notre époque nous avons plus de libertés qu’à la sienne.

Devant la mine déconfite de Floriane, elle sourit, s’approche d’elle et murmure :

- Je te taquine un peu là, j’ai parfaitement entendu ta question et ma réponse est simple, j’ai une folle envie de devenir ta femme.

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