Chapitre I

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De la persienne entrouverte, un délicat filet de soleil vint réveiller Mélanie. L’espace d’un instant, une drôle d’idée lui trotta en tête : rester confortablement blottie dans son cocon de draps soyeux toute la matinée. Si seulement c’était possible. Mais la ritournelle du réveil posé sur la table de chevet l’extirpa de sa somnolence. Elle devait se lever, enfiler ce maudit tailleur de femme d’affaires, et passer une journée entière dans un bureau monochrome, impersonnel, dénué de toute âme. Mais avant ça, elle devait préparer toute une liasse de paperasse posée pêle-mêle sur le comptoir du hall. Dehors, le soleil qui dardait les fenêtres de ses rayons était trompeur, en ce mois de novembre particulièrement frisquet. Elle s’emmitoufla dans son manteau aussi terne que son état d’esprit, s’installa dans sa voiture et démarra le moteur dont elle trouvait le ronronnement réconfortant.

Les rues de Manhattan défilaient devant elle, encore vêtues des vestiges de l’averse de la nuit dernière. Les flaques sur l’asphalte miroitaient, et faisaient scintiller la ville encore endormie. Mélanie avait l’habitude de voir un pareil spectacle, elle n’y faisait même plus attention. Elle connaissait Manhattan sur le bout des doigts, puisqu’elle s’y était installée depuis bientôt dix ans après avoir terminé ses études. Si au début, la ville lui plaisait beaucoup, elle finit par se lasser de tous ces gratte-ciels identiques, ces habitants froids et constamment pressés, et par-dessus tout, elle ne pouvait plus supporter la solitude dans laquelle elle vivait. Si on lui avait demandé que serait sa vie à 33 ans, elle aurait sûrement répondu qu’elle serait mariée, maman de deux ou trois enfants, qu’elle sillonnerait le monde pour exposer ces tableaux qu’elle chérissait tant. La vie n’est pas une usine à rêves, lui disaient ses parents. Tout compte fait, ils n’avaient pas tort. Mais Mélanie n’aimait pas s’apitoyer sur son sort, elle ne se plaignait jamais, du moins ne le montrait pas, elle avançait toute seule, sans jamais ressasser le passé, cela serait trop douloureux.

7h15, et déjà des bouchons à n’en plus finir. La jeune femme devait être à son bureau dans un quart d’heure, mais c’était peine perdue. Elle prévoyait déjà les nombreux coups de téléphone qu’elle recevrait, et elle se voyait répondre tout en gardant son sang-froid, chose qu’elle savait très bien faire. Elle arriverait enfin à l’agence, suivie de près par sa secrétaire un peu étourdie qui lui répéterait sans cesse ses rendez-vous de la journée. Les embouteillages l’agaçaient au plus haut point, étant de nature impatiente. Sa voiture était empêtrée dans un océan d’automobiles klaxonnant inlassablement. Elle profitait de cette interminable attente pour lamper quelques gorgées de café chaud qu’elle n’avait pas eu le temps de boire chez elle. Le sombre liquide la revigora aussitôt.

L’Eté de Vivaldi émana de son sac à main. Le premier coup de fil paniqué de la journée. Elle décrocha sans même savoir qui l’appelait, et dit sèchement : Anna, je suis en route, j’arrive dans quelques minutes. Elle raccrocha, et soupira longuement. Dans quelques minutes… C’était un euphémisme ; elle savait qu’elle était loin d’être sortie d’affaire. Mais miraculeusement, au détour d’un carrefour, une allée se dégagea. A croire que sa secrétaire lui avait porté bonheur. Elle décida de l’emprunter et de faire un détour, dans l’espoir de gagner du temps. Elle s’aventura dans la ruelle qu’elle connaissait à peine, tâtonna, demanda des renseignements aux passants… Elle préféra rebrousser chemin, en espérant que la route se soit dégagée entre-temps. Retour à la case départ. Sauf que cette fois-ci, la circulation était homogène. 7h25. Elle pouvait y être à temps. Elle accéléra donc, bien que ce ne soit pas dans ses habitudes de conductrice raisonnable. Elle voyait enfin apparaitre au loin les locaux de son bureau. Elle mit un dernier coup d’accélérateur, quand soudain, elle vit la silhouette d’un piéton se dessiner à quelques centimètres de la voiture. Elle n’eut pas le temps de freiner : le hurlement de l’homme qui avait percuté le pare-brise glaça le sang de Mélanie.
Elle descendit frénétiquement, et courut voir le malheureux passant étendu au sol, inerte. A l’instant où, tremblante, elle s’agenouilla près de lui, elle poussa un cri atroce. C’était Lendon.

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