Vive les mariés !

6 minutes de lecture

Un jeune marié

Tout endimanché

Assiste

Contrarié

A l’enterrement

De sa vie de garçon.

S’il est contrarié

C’est pas pour la défunte

– Qu’a tout d’même vécu –

Mais c’est plutôt

Parce qu’aujourd’hui

On est samedi.

Il verse une larme

De circonstance

Un peu de terre

Dans le caveau

Puis il s’en va

Retrouver la mariée

Qui n’attend plus que lui

Pour dire « oui »

Devant monsieur le curé

Que plus rien

Ne saurait étonner

Vu qu’il a tout entendu

Dans sa vie de curé

Et qui est plutôt pressé

D’aller regarder

Le match à la télé.

« Oui » donc.

Et voilà qu’en cinq secs

Et voilà qu’en cinq set

L’affaire est entendue

Les Dupont sont mariés

Et martin a gagné.

Hourra ! Hourra !

Vive les jeunes mariés !

Vive le sport français !

Et M. Dupont

(Car c’est bien comme cela

Désormais

Qu’il faudra l’appeler)

Prend sa femme

(Car c’est bien comme cela

Désormais

Qu’il faudra l’appeler)

Par la taille

Et

Comme on s’y attendait

Lui r’file un d’ces baisers

Comme on n’en voit jamais

Qu’à Hollywood – L.A.

Et puis

Tout l’monde s’échappe

D’la maison du Bon Dieu

Non sans sacrifier

Aux jets de riz d’usage

Dans ce genre de kermesse

Pour se dépêcher

D’être parmi les premiers

A s’asseoir à la table

Des jeunes mariés.

Miam donc.

Et toute l’assemblée

De bailler aux discours

Du père de la mariée

Du maire de la pariée

De l’amère du marié

Et du curé

Qui

Sans vouloir s’en vanter

Est tout d’même bien content

D’êt’ français.

Et toute l’assemblée

De s’empiffrer

En toute allégrité

En toute liberté

En toute cochonceté

Au grand DAM

Du père de la mariée

Qui

Voyant s’envoler

Ainsi ses espoirs

D’austère frugalité

Compte les unités

Les dizaines

Les centaines

Les milliers

Et les dizaines de milliers

Que cela va coûter.

La pilule est dure à avaler…

Si dure

Qu’elle lui reste coincée

En travers du gosier.

A moi ! Je meurs empoisonné…

Heureusement pour lui

Le docteur de famille

Fait partie des invités.

C’est la dot

Confie-t-il à la famille

Qui lui reste

En travers de la gorge.

Sauvez-le

Supplie la mère de la mariée

Pour l’amour de moi !

Pour l’amour de lui !

Et pour l’amour aussi

De notre sainte patrie !

Alors

Le docteur

Administre l’anti-dot

Et le tour est joué :

Le père de la mariée

Est désempoisonné.

Hourra ! Hourra !

Vive le docteur de famille !

S’écrie l’assemblée

Qui commence à s’sentir

Des fourmis dans les pieds.

Si on dansait…

Entend-on par ici

Quand est-ce qu’on danse ?

Entend-on par là

D’où venons-nous ?

Entend-on encore et

Où allons-nous ?

En avant la zizique !

Lance soudain la mère du marié

Qui n’entend pas grand chose

A la métaphysique.

Le chef d’orchestre

Vu qu’y y est obligé

Se réveille subito

Et obtempère allegro

Ma non troppo.

Musique donc.

Alors

Vu qu’y’z’y sont obligés

Les épousaillés

Se mettent à danser

Pour ouvrir le bal.

Dans la salle

On applaudit

A tout rompre

Mais rien ne rompt

Sauf la cadence

A un moment donné

Parce que le chef d’orchestre

A le hoquet.

Qu’as-tu dit ?

S’enquiert le marié

Auprès de sa moitié

(L’appellation est contrôlée).

Oui

Répond l’amariée

J’ai dit oui

Et sans m’gourer.

Que n’as-tu pas dit là…

Soupire le marié.

Demande voir au curé

Renchérit la moitié

Ce qui fait hilarer

L’assistance

Qui

Non contente d’assister

A saoulé le curé

Comme ça

Pour rigoler.

T’excite pas !

Rétorque l’endimanché

J’te crois, j’te crois…

Mais l’intéressée

Qui n’entend pas d’une oreille…

Je veux dire

Qui ne l’entend pas de cette oreille

Monte sur ses grands chevaux

Et joue la fille de l’air

Et joue les cuillers…

Je veux dire

L’écuyère

Et change de cavalier.

Hourra ! Hourra !

Vive la mariée !

S’écrie l’assistance

Qui n’attendait que ça

Pour se mettre à danser.

Hue donc.

Et chacun de chercher

La chaussure à son pied

Et la chaussette qui va avec

Pour ne pas déparer.

Et chacun d’insinuer

Des paire de mains

Entre des paires de fesses

Des paires d’yeux

Entre des paires de seins

Et des paires de tas d’choses

Entre des paires de tas d’choses

En tout bien tout honneur

Cependant.

Y’a des paires de claques

Qui se perdent !

Ronchonne le grand-père du marié

Qui voudrait bien en faire autant

Mais qui peut pas

Dans son fauteuil roulant

Dans son fauteuil croulant

Sous son omni-potentat

Sous son omni-potentation

Sous son omni-impotentation.

Tais-toi donc

Vieux cochon !

Versifie la mère du mariée

Qui se plaît à songer

Que son garçon chéri

A tout d’même dégoté

Un fort joli parti.

Soudain

Les danseurs s’immobilisent

La musique s’arrête

Et le temps suspend son vol

De 17 h 45 pour Paris (Orly).

Chut donc.

Que s’passe-t-il ?

Couine le grand-père

Qui ne voit rien

Vu qu’tout l’monde est debout

Et qu’lui

De facto comme dirait l’autre

Il est assis.

Ce qui se passe

C’est que quelqu’un

Est entré sans frapper

Voilà c’qui s’passe

Crénom d’un chien !

Et ce quelqu’un

Ca n’est pas n’importe qui

Ou plutôt si

C’est n’importe qui justement

Une bohémienne

Une bonne à rien

Une fille de rue

Portant son enfant dans les bras

Pour apitoyer les z’honnêtes gens

Et sale

Par dessus le marché

C’est un scandale !

Qui l’a laissée entrer ?

Vi(tu)père l’assistance

Pas contente d’assister

Qui a osé la laisser entrer ?

C’est moi !

Rugit le marié

C’est moi qui l’ai laissée entrer

Parce que dehors

Il a commencé à geler

Et parce que cette enfant

N’a rien mangé

Depuis deux jours entiers

Voilà pourquoi

Je l’ai laissée entrer

Que celui qui trouve

Quelque chose à redire

Redise

Sans tarder.

Alors

Chacun parmi tous

Cherche quelque chose à redire

N’importe quoi

Histoire de montrer

Que tout d’même

Faut pas exagérer

Mais

Comme chacun parmi tous

Est plutôt bien élevé

Nul n’ose se manifester

De peur de contrarier

Le futur cocu.

Eh bien ?

Lance ce dernier

Rien à redire ?

Dans ce cas

Dansez, dansez, dansez

Sans plus jamais vous arrêter !

Et la musique reprend

Le cours des événements

Où elle l’avait laissé

Et tout le monde

Se remet à danser

Sans entrain toutefois

Contraint, forcé

Avec un arrière goût

De « la fête est gâchée »

Sur l’air de « Ca irait ».

A l’écart

Réchauffée

Rassasiée

Réconfortée

La bohémienne

N’en finit pas de remercier

Ce bienfaiteur inopiné

Ce noble cœur à reprendre

A reprendre et à garder…

Elle lui saisit la main

La baise et la rebaise

Et puis

Comme de juste

Se met à lire

Ce qui y est écrit :

Amour, Richesse, Santé…

Tout l’arsenal

Des bonnes nouvelles

Y est passé.

Mais le marié

N’est pas dupe.

Sais-tu lire entre les lignes ?

Demande-t-il.

Alors

La bohémienne

Lui dit la vérité

Toute la vérité

Rien que la vérité.

La vérité

C’est qu’elle l’aime

En secret

Depuis toujours

D’un noble et grand amour

Comme on n’en voit jamais

Ni ici ni ailleurs

Et surtout pas

A Hollywood L.A.

La vérité

C’est que sa petite fille

Si frêle

Qu’elle serre dans ses bras

De peur qu’un coup de vent

Ne la lui ravisse

Ne sourit

Que parce qu’elle dort…

Lorsqu’elle est éveillée

Elle pleure

– Que pourrait-elle faire d’ailleurs ?

Lorsqu’elle dort

Elle rêve

Qu’elle a un vrai papa

Qui les aime

Elle et sa maman

Qui ne leur tape pas dessus

Quand il a bu

(C’est à dire tout le temps)

Quand il n’a pas bu

(C’est à dire rarement)

Et le reste du temps

Et qui lui raconte

Des contes de fées

Ou des histoires

De Princes Charmants.

Toute vérité n’est pas bonne à dire…

S’excuse la bohémienne

En tournant les talons.

Puis elle s’en va

A pas de brebis galeuse

Retrouver sa misère

Qu’elle avait laissée

A la porte en entrant.

Alors

Les danseurs

Ne sachant sur quel pied danser

S’immobilisent

La musique s’arrête

Et le temps suspend son vol

De 18 h 00 pour New York (U.S.A).

Sur la petite joue sale

De la bohémienne

Coule une larme

De désespoir

Et cela émotionne

L’assistance

Qui est bien contente

D’assister

A un spectacle

Aussi émouvant

Aussi apitoyant

Aussi larmoyant

Comme on en voit tout l’temps

A Hollywood L.A

Dans les films

De série B

De série C

De série D

De série E

De série F

Et aussi

De série G.

Et puis

Comme elle est apparue

La bohémienne

Disparaît.

THE END donc.

Eh…

Inquisitionne la ½

Qu’est-ce qu’elle te racontait

Cette diseuse d’aventures

Cette moins-que-moins-que-rien

Cette mal-élevée

Et mère-fille

Par dessus le marché ?

Mais le jeune marié

Ne l’entend pas

– Ni de cette oreille

Ni de l’autre d’ailleurs.

Il a fermé les yeux.

Il rêve…

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