Ce matin-là, claquemuré dans la file d’attente d’un guichet des PéTéTés, je patientais, impassible, attendant que vînt mon tour, lorsque, en dépit que j’en eusse, je saisis sur le vif cet échange insolite :

– Pourriez-vous, s’il vous plaît, me prêter votre montre ? s’aventura un grand jeune homme maigre et mal vêtu.

– Pardon ? accusa, interloquée, une dame au chapeau fleuri.

– Pourriez-vous, s’il vous plaît, me prêter votre montre ? répéta l’échalas.

– Certainement pas ! gloussa l’offensée.

Puis, après un court instant :

– Excusez-moi… reprit l’impertinent.

– Encore ! s’offusqua la vieille.

– Peut-être voudrez-vous bien me donner l’heure ? risqua-t-il.

– Il est quinze heures trente ! couina la fleur du chapeau dans un dernier soupir.

– Merci bien, fit le jeune homme condoléant.

– Je vous en prie, conclut la dame au chapeau à la fleur fanée.

Et je fus agréablement surpris de constater que, tout compte fait, l’on donne plus volontiers qu’on ne prête…