V.
“Yoanna ? Je suis rentré”, m'écriai-je en retirant mes chaussures sur le pas de la porte.
Le visage de la mère reptilienne et de son bébé ne m'avaient pas quitté durant le trajet. Je revis, en boucle, sa langue serpenter dans l'air brûlant, les reflets noircis sur sa peau, la balle d'Hellas s'échapper du canon dans un bruit assourdissant et venir se loger au niveau de son abdomen... L'amertume me rongeait le ventre.
La maison était quasiment plongée dans le mutisme. J’entendis à grand peine le sifflement d’une voix qui pleure, en passant à côté de la salle de bains.
“Yoanna ? Qu’est-ce qu’il se passe ?” demandai-je en ouvrant la porte.
Son visage, d'un rouge de feu, était creusé par une épaisse rivière de larmes. Je l’enlaçai maladroitement.
“Allons… dis-moi ce qu’il se passe…
- J’imagine que tu as entendu parler de l’attentat de ce matin ?
- Oui… bien sûr, fis-je. Tout le monde en a entendu parler, il me semble. C’est cela qui te met dans cet état ?
- Ce soir, j’aurais dû te présenter notre fils. J’étais supposé le récupérer vers midi trente à l’orphelinat.
- Eh bien, il y a dû avoir un problème administratif ou quelque chose du genre ?”
Yoanna prit une profonde inspiration et s’aspergea le visage d’eau froide, avant de reprendre :
“Tu ne comprends pas… Il était en visite scolaire, ce matin, dans la forteresse... sur le Boulevard de la Liberté.
- Tu veux dire que..."
Yoanna ne trouva pas la force de conclure ma phrase. L'amertume s'était transformée en un incendie qui n'épargna pas le moindre recoin de mon corps.
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