Chapitre 4

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 - Ehlys, on est arrivés… réveilles-toi !

 Après une heure de trajet, pendant que James lui chuchotait d’ouvrir ses yeux, celle-ci préférait rester dans ses rêves. Elle s’imaginait un monde où ses parents ne l’enverraient pas dans cette école, où sa vie ne serait pas chamboulée par tous ses changements.

 - Monsieur, il va falloir la réveiller, Hizya vous attend tous les deux.

 - Merci Steve. Vous a-t-elle dit autre chose ?

 - Laissez-moi réfléchir… Oui, bien sûr. Vous avez reçu un courrier du siège au Club. Vous devrez passer le chercher avant votre entrevue.

 - Du siège ? Hm… Je vois, aucun problème.

 James se demanda ce que le siège pourrait lui vouloir. Mais avant toutes choses, il fallait vraiment la tirer de son sommeil.

 - Ehlys, c’est l’heure, tu vas rater le plus beau ! dépêche-toi !

 - Laisse-moi dormir, je suis fatiguée…

 Sa petite voix endormie le fit sourire. Quand elle ne se mettait pas en colère, elle paraissait vraiment mignonne.

 - Bon… Alors je suppose que tu n’as pas faim et que je dois manger tout seul ces Skittles…

 C’était le point faible d’Ehlys, sa gourmandise préférée. Alors, en entendant James ouvrir le paquet, elle se réveilla d’un coup et quémanda des sucreries ce qui le fit rire de bon cœur.

 - Oh je ne pensais pas que ça fonctionnerait vraiment, ta maman m’avait pourtant juré que si !

 - Bien sûr que ça fonctionne, c’est tellement bon. Allez donne-en moi, s’il te plait !

 - Parfait, mais regardes autour de toi !

 Tout était d’une beauté surnaturelle. Une magnifique étendu d’eau dominait le paysage. Des arbres les accompagnaient en longeant le chemin de part et d’autre de la route. Ceux près de la rive se reflétaient dans le lac et, à cette époque de l’année, les feuilles jaunissaient et illuminaient cette image avec des touches couleurs chaudes. Ehlys sembla hypnotisée quelques instants qui auraient pu durer une éternité.

 - Alors, tu aimes ?

 James avait prononcé ses mots comme si lui aussi était émerveillé.

 - Je crois que je ne peux qu’aimer, on dirait le tableau parfait. Je n’imagine pas ce que ça donne quand le soleil se couche. Ce doit être encore plus…

 - Sublime ?

 - Exactement.

 - Ehlys, je vous propose de regarder devant vous, rajouta Steve.

 Et ce qu’elle vit la laissa sans souffle. Le domaine du manoir surplombait le point d’eau. Il était enveloppé par la forêt, le protégeant de la vue de l’extérieur ce qui donnait l’impression d’être coupé du monde. Un jardin avec une fontaine et de magnifiques fleurs entourait le bâtiment, donnant un contraste avec la façade blanche mis en valeur par un toit en ardoise noir. L’entrée de la bâtisse était protégée par un porche soutenu par quatre colonnes de marbres blancs. Leurs simplicités mettaient en avant l’élégance naturelle du domaine. Ehlys passa sa tête par la fenêtre pour contempler ce chef d’œuvre de plus près.

 - Mademoiselle, vous allez pouvoir vous approcher du manoir, mais il va falloir sortir de la voiture.

 La voix de Steve la sortit de sa contemplation. Mais les yeux d’Ehlys restaient rivés sur cet endroit.

 - C’est féérique. J’aime ce lieu, vraiment. Il dégage tant de sérénité, c’est apaisant.

 - Dans ce cas, suis-moi, je vais te montrer une chose encore plus folle.

 Le major d’homme essaya, en vain, de rappeler les devoirs de James.

 - Monsieur James, n’oubliez pas Hizya. Elle vous attend.

 Mais sa voix se perdit à mesure que les deux jeunes s’approchaient de l’entrée.

 Le chemin pavé de briques blanches les guidait vers les quelques marches les séparant de l’allée du porche. Après ses quelques pas se trouvait un sol en marbre blanc qui accompagnait Ehlys vers une porte blanche et élégante. Elle remarqua alors les deux rosiers rouges grimpants de chaque côté. Les roses fleuries mettaient en valeur l’abri monochrome en apportant une touche de couleur vive. Elle fixa alors cette barrière blanche qui l’éloignerait de sa vie actuelle.

 Ehlys entreprit de l’ouvrir, mais James lui agrippa le bras. Il désigna alors la sonnette qui, une fois pressée, chantait une mélodie aussi envouteuse que les sirènes avec leurs matelots. Elle se sentit soudain calme et apaisée et se devina prête pour sa nouvelle vie temporaire.

 - Ici, on ne frappe jamais à la porte, c’est de coutume de sonner ou d’entrer car les portes sont rarement fermées.

 Ehlys voulu le questionner sur cette manière mais un personne aussi grande qu’effrayant apparu sur le seuil.

 - M. Hington, nous ne vous attendions plus, la directrice vous attend.

 Puis il remarqua sa présence. Il avait de grands yeux sur son visage anguleux entouré de cheveux noirs noués par une queue de cheval. Le sourire qu’il lui gratifia la fit frissonner de peur. Elle ne resterait jamais seule avec lui, elle se le promit.

 - Bonjour M. Carvinst, nous avons pris un peu de retard, rien de grave. Je vous présente…

 - Mme Garnet je présume, je suis le majordome des garçons. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous, j’espère que vous vous y plairez.

 - Merci Monsieur, je l’espère aussi.

 Elle n’arriva pas vraiment à détacher ses yeux de son interlocuteur. En le regardant plus en détails, ses yeux noirs lui disaient quelque chose, mais Ehlys ne savait pas quoi. Elle reporta cette question pour un autre moment.

 - Je vous laisse donc rejoindre Hizya dans son bureau. Souhaitez-vous que je vous guide ?

 - Merci M.Carvinst, mais je connais le chemin.

 James débita ses paroles comme une mise en garde pour le majordome. Même si cet homme lui rappelait un potentiel souvenir, il fallait qu’Ehlys reste sur ses gardes. Puis James s’adressa à son invitée.

 - Suis-moi, il faut que l’on passe autre part d’abord.

 - Attends, attends…

 En passant la porte, Ehlys eu l’impression d’un renouveau. Les sons paraissaient amplifiés sans pour autant l’agresser, ils étaient seulement plus clairs comme si un voile s’était levé. Elle tourna deux fois sur elle pour humer le parfum indescriptible et apprécier ce moment de paix en elle.

 James la regarda sans trop comprendre. Même s’il se souvenait de son arrivée à l’école, il était seulement fasciné. Mais voir Ehlys sourire était une victoire qu’il pouvait se permettre. La route allait être longue avant que la vérité ne soit révélée.

 Ehlys ouvrit alors les yeux et découvrit l’intérieur du manoir. Un contraste entre l’extérieur lui fit pousser une crise de surprise.

 L’entrée était pratiquement composée de bois de chêne foncé, le sol en marbre blanc grisé s’accordait parfaitement avec les murs qui, quant-à-eux, étaient d’un blanc éclatant. En face d’elle, l’escalier principale dominait la pièce en étant éclairé par un lustre qui faisait, à coup sûr, la taille de sa chambre. Il se séparait en deux pour donner accès aux deux parties de la bâtisse. Seule une table surplombée d’un énorme accompagnait le tapis rouge au centre de la salle qui grimpait le long des marches. Le balcon du deuxième étage la surplombaient. Ehlys remarqua alors que personne ne déambulait dans le manoir. Ils étaient seuls.

 - Ehlys ? Tu viens ?

 - Oui, j’arrive, excuse-moi, c’est juste à couper le souffle…

 - C’est toujours le premier effet, mais je te ferai visiter après, ne t’inquiète pas.

 Tous les deux montèrent l’escalier aussi vite que possible, même si Ehlys voulait apprécier chaque instant du domaine, James paraissait pressé et elle ne souhaitait pas le contrarier, le trajet avait été long pour lui aussi.

 James l’entraina dans plusieurs couloirs et passa par quelques portes toutes identiques. Ehlys ne distingua aucuns détails qui aurait pu attirer son attention. Les murs étaient divisés principalement en deux parties, la plus grande, vers le plafond était peint dans le même blanc que l’entrée et la partie basse était en chêne, aussi foncée que l’escalier.


 Ils s’arrêtèrent finalement devant une porte ressemblant à toutes les autres, grande et en chêne.

 - Attends-moi ici, j’en ai pour quelques secondes seulement.

 - Aucun problème.

 Ehlys regarda alors plus en détails le couloir dans lequel ils s’étaient stoppés. D’un coté se tenait plusieurs portes, distancées de cinq ou six mètres, éclairées par la lumière naturelle du jour entrant par les baies vitrées installées de l’autre côté. Quelques appliques habillaient le mur entre les portes, sans doute pour éclairer le jours plus gris ou les nuits noires.

 Le temps défilait à mesure qu’Ehlys attendait James. Elle se prit à rêvasser devant la fenêtre donnant sur le magnifique lac. Le léger soleil d’un après-midi d’Octobre de reflétait dedans en lui apportant de douces couleurs, le rendant encore plus vivant.

 Puis, l’attente paraissant bien plus longue qu’annoncée par James, Ehlys entreprit de frapper à la porte mais, son conseil resurgît alors. Il ne fallait pas. Devait-elle entrer ? Ou patienter encore ?

 Au moment où Ehlys s’était décidée à le rejoindre, James sortit aussi angoisser que dans l’avion.

 - Dépêchons-nous, d’habitude, Hizya n’attends jamais.

 - Tu ne pas toujours pas dit qui elle est.

 - Oh, excuse-moi, je pensais que tu l’avais compris. Hizya est notre directrice. Elle est une amie pour certains, un mentor pour d’autres. J’ai entendu dire que ça faisait plus de dix ans qu’elle était à la place de directrice.

 - Ah oui, je comprends mieux. Vu que je ne reste qu’un mois, ce sera seulement une directrice pour moi.

 Ehlys lui avait rappelé le pacte, il était important pour elle que James comprenne qu’elle ne resterait pas un jour de plus, sa vie était en Virginie.

 Leur périple recommençait. James la reconduisit alors dans l’entrée en emprunta un autre chemin. Autant de portes et d’escaliers la séparait du bureau de la directrice et il pressait le pas à chaque porte franchie.

 - Oh, c’est le seul bureau où tu n’as pas le droit d’entrer comme tu le souhaites. Hizya est catégorique là-dessus, on peut aller plusieurs mois en colle pour ça.

 - Au moins, vous avez les colles, votre école pourrait paraitre presque normale.

 James était exaspéré par l’ironie que dégageait Ehlys. Il fallait qu’elle comprenne qu’être ici pourrait être la chance de sa vie. Mais il avait seulement un mois pour lui montrer.

 Même si James savait que sa destinée serait de la protéger, Hizya ne l’avait jamais ménagé quand elle lui confiait des missions. Il était primordial que James soit prêt quand la trace d’Ehlys soit retrouvée, alors toutes les tâches accomplies lui permettait de faire face à presque tous les dangers. Il serait encore en formation en même temps qu’Ehlys pour sa formation.

 Mais James ne savait pas comment si prendre avec elle. Il ne fallait pas qu’elle l’apprenne, mais qu’elle le comprenne.

 - On est arrivés, tu es prête à entrer dans ta nouvelle vie ?

 - Seulement temporaire, James.

 Ehlys l’avait rejoint à sa droite en contemplant la porte crème posée devant elle. L’entrée du bureau s’imposait sur un couloir avec une fenêtre donnant sur la forêt. Elle ne prit pas la peine de regarder à travers, car l’absence de poignée l’intriguait.

 - Pourquoi n’y a-t-il pas de poignée ?

 - Ehlys, tu poses bien trop de questions. Tu auras tes réponses plus tard. Maintenant, tu te sens prête ? Veux-tu que je t’accompagne ?

 Même si Ehlys montrait beaucoup d’assurance, sa peur de l’inconnue la tétanisait. Elle entremêla ses doigts à ceux de James en espérant que ça l’apaiserait.

 Il fut d’abord surpris de cette soudaine proximité, mais il devina dans ses yeux son angoisse. Alors, entre eux, se propagea une chaleur qui les apaisait.

 Ehlys était alors prête de passer cette porte avec James à ses côtés.

 - Maintenant, je suis prête.

 - Alors on y va.

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