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Plus Trysol s’énervait, plus elle s’agitait, plus Suan ressentait un grand vite en lui, comme si l’univers venait de lui retirer tout ce qu’il était. Lui et tous ses autres. Une vive panique s’empara de son esprit. Il porta une main à son front, voulant retenir le tournis qui actionnait sa mécanique. Très vite, le jeune homme se sentit nauséeux. C’était comme si une tierce personne essayée de rentrer en lui en l’ouvrant de l’intérieur et en extrayant tout ce qui pouvait le gêner. Perturbé et malade, Suan tenta vainement de respirer afin de reprendre contenance, mais plus il expirait plus la douleur qui s’érigeait sous son corps augmenta.

N'aie pas peur. Tu as déjà vécu ça. Ne résiste pas, murmura la voix de Tartanne dans sa tête. La connexion est parfois ardue.

Suan n’y comprenait rien. De quoi lui parlait le grand matou. Avec qui se connectait-il et pourquoi ? était-ce ça qui provoquait son malaise ?

Le sachant incapable de bien réfléchir le félin sembla lui sourire. Il posa ses yeux sur la scène qui se déroulait encore et sur la dispute des filles. Que voulait-il lui faire comprendre ?

Trysol ? Sa chevelure qui flottait autour d’elle enrubannée d’une lumière bleuâtre l’effrayait. C’était elle ! Que lui faisait-elle sans même lui porter attention ?

Suan se retourna vers Tartanne, la main glissant jusqu’à son cœur qui enserra. D’étranges gargouillis remuèrent son ventre. Pas une, pas deux, il se gondola, la tête en avant pour vomir tout ce qu’il avait pu ingurgiter ; la pomme et d’autre fruits. Les mains posées sur ses genoux fléchis, Suan reprit son souffle, tout en entendant la voix détonante de la rouquine. Chaque mot résonnait en lui comme si la vie était régie par eux seuls.

— Que m’arrive-t-il ? Tartanne. Aide-moi.

Rien de trop cruel. Trysol vient de s’éveiller. Je te présente une guerrière de brume à son réveil. Sa vivacité et sa colère vont activer ta nature de Hàng Xiè. N’aie crainte de la puissance qui pourrait t’envahir, répondit Tartanne.

Ses immenses yeux mangés de ténèbres, caressant et protecteur, lui promettait son amour éternel et sa loyauté à toute épreuve.

Suan le fixa. Le mal se suspendit un instant alors qu’il se laissait apaiser par le ronron de l’animal, mais quand il reposa son regard sur Trysol et les pierres qui tournaient autour d’elle, il ne se savait pas au bout ses peines. Une vive chaleur s’écoula en lui aussi vive qu’un feu ardant. Il perdait un peu plus le contrôle de ses mouvements, de se vide qui s’étalait comme l’eau débordant de son nid.

Trysol cria. Son pied s’abattit sur le sol. Ses bras, en mouvement anarchique, gesticulaient emportés par la force de ses paroles.

Une grande faiblesse fit basculer Suan à terre. Son corps frappa le sol d’un son mat. Un blanc intense l’aveugla, suivi d’un son strident. Le jeune homme se boucha les oreilles, mais rien ne fit. Quand sa vision revint fugace, puis clair, il s’entendit grogner.

Dos au sol boueux, il regarda un instant le ciel, puis la voix de Trysol revint en force dans sa tête.

Perclus de tremblement, Suan se tortilla comme une anguille hors de l’eau. Sa peau lui parut se déchirer à chacun de ses mouvements, ses os crissaient, s’allongeaient. Ses mains enserrant son crâne lui parurent démesurées et quand il osa les regarder, une terreur viscérale l’attrapa au cœur.

— Tartanne ! cria-t-il. Aide-moi !

La chaleur qui ne tarissait pas se changea en douleur lorsque son corps se contracta plus follement.

Accepte d’être cette créature. Surtout ne résiste pas à la fureur et à la colère. N’intervient pas entre Trysol et son Hàng Xiè. Suan, éloigne-toi, ferme les yeux et ne bouge plus. Tu n’es pas la créature. Tu es toi. Ne fusionne sous aucun prétexte avec lui. Rappelle-toi de la dernière fois. De la folie qui t’habitait. Souviens toi de se qu’est devenu Talkma. Tu peux éviter sa funeste vie. Laisse Trysol te gérer.

— Je vais… les… tuer ! hurla Suan.

Ses yeux brûlaient mais pas comme le feu, plutôt comme la glace. Chaque membre se figea dans le froid le plus brûlant. Un givre intense barricada la bonté qui se dissipa peu à peu dans sa conscience.

Le sang était partout. Il le sentait à s’en fracturer l’odorat. Il avait faim de cette fragrance, faim de tuerie.

Suan ! Pars ! rugit Tartanne. Ne laisse pas Hàng Xiè avoir ton cœur. Va dans la forteresse.

Une lumière brune scintilla dans son esprit.

Cours jusqu’à ta forteresse et barricade toi avec les autres. Vite ! Il arrive !

À l’intérieure de ses ténèbres, Suan écouta la voix de Tartanne qui lui criait toujours plus faiblement de se cacher. Alors le jeune homme courut aussi vite que lui permettait son corps astral. Et il redoubla de rapidité quand le sol trembla et qu’il sentit la présence du Hàng Xiè derrière lui.

En dehors de son esprit, Suan résistait à sa transformation, les bras tendus vers le chat et vers les filles qui le dévisageaient prostrée devant ce qu’il ne voulait pas voir. Il y avait tant d’effrois au fond de leur prunelles. La terreur maculait leur visage blême. Analoum recula, l’épée pointée vers lui. Trysol ne bougeait pas. Quelque chose avait changé dans la façon qu’elle avait de le regarder. Elle fronça les sourcils. Sa bouche s’entrouvrit. Ses cheveux dansaient autour d’elle alors que les pierres chutaient les unes après les autres au sol, laissant Suan à sa merci. Il ne parvenait plus à regarder ailleurs, ne voyait plus qu’elle et ses iris grenades qui miroitaient.

Elle porte les même que toi.

La voix de Tartanne était toujours plus faible, recouverte par une autre, de plus en plus distinct. Trysol. C’était sa voix qu’il entendait, alors qu’il fuyait la créature et se rapprochait du faisceau lumineux. Il apercevait une porte ouverte sur un mur de pierre volcanique. Adom la retenait. C’était lui la lumière. Sulfureuse. Il brillait plus fort à chaque avancée.

Suan était à deux endroit différent et ne parvenait pas à savoir s’il devait fixer Trysol ou s’il devait fuir la bête.

— Qu’est-ce que je suis à la fin ! hurla-t-il intérieurement. Je veux que ça s’arrête. Stop !

Tu es un Hàng Xiè de deuxième rang. Tu peux avoir plus d’un maître dans toute ta vie. Shi-Huan et Trysol sont tes maitresses. N’écoutes que cette rouquine. Ecoute son cœur qui s’apaise.

— Elle est terrifié !

Suan tressaillit en entendant le son de sa voix guttural. Le grognement d’un chien géant n’aurait été plus terrible. Et en se redressant, il constata la hauteur anormale qui était désormais la sienne.

Il secoua sa tête qui lui parut plus lourde, plus longue, comme une gueule.

Demande-lui de reprendre ta forme originelle, lui indiqua Tartanne.

Il était si calme.

— Trysol ! Aide-moi ! ordonne-moi ! aboya Suan dont la vision s’intensifia.

Il voyait le corps astral de tout ce qui vivait et la tête lui tourna. Bientôt, il céderait à la bête qui grappillait sa conscience.

La rouquine s’emmêla dans des pensées confuses. Elle était la seule qui pouvait trancher, le faire devenir bon ou mauvais… ou aussi confus qu’elle.

— Fais quelque chose, Trysol. Il est relié à toi. Tu l’as éveillé. C’est ton Hàng Xiè domestique. Savatloun ! Retrouve une stabilité émotionnelle, s’égosilla Analoum, l’épée toujours en l’air.

Trysol lui envoya un regard noir. Elle portait tant d’animosité en envers la brune. Suan grogna dans la direction d’Analoum en ressentant une vague de fureur s’étendre jusqu’au profondeur de son cœur. Sans comprendre pourquoi la rage débordait de lui, il bondit en avant. Son corps se détendit comme celui d’une panthère des neiges. Même s’il ne contrôlait rien, il se savait différent. Il n’était plus humain. Il était… autre chose.

— Trysol ! Qu’est-ce que tu fiches ?!! ARRÊTE-LE ! beugla Analoum en s’ancrant au sol, le manche de son épée serré dans ses mains.

Elle était prête le planter et à l’ouvrir en deux.

Suan, écoute la sagesse. Trysol ne veut pas ça ! souffla Tartanne.

Sa voix était si basse presque inaudible.

— Suan !!! hurla enfin Trysol.

Le Hàng Xié dévia de sa trajectoire et alla s’encastrer plus loin sur le sol. Ses griffes de la taille d’une main râpèrent la terre, laissant des sillons monstrueux.

A l’intérieur de son corps Suan poussa plus fort sur ses jambes et avant que la créature ne lui sectionne son bras astral, il attrapa la main d’Adom. Le roi des nuages, aussi grand que Trysol — peut-être même plus — le porta contre lui et referma la porte. Un son mat tonna derrière. Un grognement suivi d’un son de chaîne s’étira jusqu’à eux, laissant Suan tressaillir à nouveau.

— Tu es brave mon garçon. Je n’aurais espéré une meilleure fin de vie que toi. Mon dernier. Adom glissa sa longue main dans la sienne. Suan se sentit comme un petit garçon et suivit sa première vie dans les couloirs de leur forteresse. Arrivé au sommet, il se plaça sur un siège à côté du roi. Toutes leurs vies étaient présente le regard fixe sur le monde extérieur.

— Notre âme est sauve. Espérant que ton corps résiste. Cette guerrière a enchaîné à la bête à elle. Mais prends garde, elle a un cœur sensible. N’oublis pas ce que tu peux faire si tu deviens le maître de Hàng Xiè. Si Talkma s’approche de toi, ne l’écoute pas. Il cherchera à te faire de venir comme lui. Une créature sanguinaire. Préfère écouter Tounma, la guerrière que nous avons été. Elle te guidera dans l’indépendance et la stabilité.

Le Suan astral s’installa tout en ressentant le Suan transformait.

— Reprend ta forme originelle. Maintenant ! ordonna la rouquine.

Il courba le dos, preuve de sa soumission.

Ses os craquer comme des branches sous une tempête. Il y eut un temps infini entre l’ordre et la transformation. La haine descendue se changea en confusion. Le froid qui régissait son être devint tiédeur et lentement, Suan retrouva son corps. La porte de la forteresse se réouvrit. La créature était maitrisée. Mais Suan devait d’hors et déjà faire attention à deux choses : la peur viscérale et les émotions de Trysol. Il était désormais rattaché à chacune de ses pensées. C’étaient tous les sentiments de la jeune femme qui avait rendu la bête sauvage.

Tounma, songea-t-il enfin. Mon indépendance.