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Entassés, les uns contre les autres sur une solide branche, ils observaient l’animation du village des oiseaux noirs. À une époque, des citoyens vivaient là. Aujourd’hui, il n’y avait que des femmes dans leur uniforme aux larges manches. Aucune ne portaient de voilage, pas même leur masque comme si elles se savaient protégés de la chevelure meurtrière. Tout autour du village, il y avait deux immense fausses. Une, replie d’eau. L’autre remplie de cendre et de braise. Des mois plutôt, Trysol s’était fait cette réflexion sur la possibilité que les cheveux n’aimaient pas l’eau. Depuis que leur campement, c’était arrêté non loin du lac de la sorcière, il n’y avait pas eu tant de lacération de la part des mèches blondes. Elles n’approchaient jamais un foyer éclairé ou une torche. Elles ne semblaient pas apprécier la lumière, sévissait à la tombée de la nuit.

Un grognement s’échappa des lèvres de la rouquine lorsque Suan écrasa ses doigts, pour la dixième fois en deux heures.

— Tu veux mourir ma parole ? Arrête de gangasser comme un asticot. Tu vas finir par alerter les longues vues.

— Les quoi ? demanda le jeune homme qui dormait à moitié à cheval sur la branche.

— T’écoutes ce que tu veux entendre. On en parle depuis qu’on est arrivée. C’est pour ça qu’on est dans cet arbre… Arfff ! Pourquoi, je me tue à t’expliquer.

— Parce que Xin-Shen est partit chercher votre Nyim et que je suis le seul à pouvoir vous rapporter les infos, la nargua-t-il, assommé par son ton revêche.

— En causant de ta sœur ? Elle fiche quoi ? ça fait une heure qu’elle est repartie !

— Elle cherche ce que tu lui a demandé de trouver. Mais si les oiseaux noirs ont la même tête que votre Nyim, Xin-Shen peut bien mettre un peu plus de temps.

— A-t-elle au moins mémorisée la description ?

— Si votre femme a des balafres pleins les bras, elle devrait finir par la trouver. Mais on va être honnête. Tout le monde se ressemble ici. Même coiffure. Même habits. Même yeux. Même rayures.

— Personne ne se ressemble et personne ne porte les mêmes marques. Il n’y a qu’un étranger pour y croire, s’enquille de dire Analoum de mauvais poil.

L’odeur de son frère et de celui de Trysol était bien plus loin vers la capitale. Ici, elle respirait le parfum envoûtant de Nyim. Elle la sentait si fort qu’elle aurait pu la suivre à la trace. Bien qu’happait par la senteur de cette ancienne amie, elle demeurait reliée à son frère. La fragrance de son sang avait encore l’odeur de la vie.

— Peut-être bien, mais si je me trompe, ma sœur se trompera aussi. Elle est née en bas, renchérit Suan. De toute façon, vous avez dit que nous entrerons dans le village à la tombée de la nuit. Le gris autour de nous est encore clair. Tu as de quoi renifler ton ennemie. Je ne vois pas quelle utilité nous avons…

Suan ne chercha pas à questionner les filles sur pourquoi la brume était si clairsemée. Sans doute la brise y était pour quelque chose.

— Xin-Shen est utile pour voir ce que nous n’apercevons pas. Elle aura vite fait de nous dire où vit Nyim, et on aura qu’à tracer droit devant nous, au lieu de suivre une odeur qui aura le temps de nous faire tourner en rond. Pour moi, Nyim est partout, ici.

Analoum se tut, ignorant ce que Suan pourrait dire. Le jeune homme l’imita, écrasant une nouvelle fois les doigts de Trysol qui grogna. Pas une. Pas deux. Elle le saisit le cou, tira sur leur voilage et planta ses yeux rose foncé dans ceux de Suan. Il eut un mal fou à déglutir. De surprise, ses membres s’étaient figés.

Il balbutia des excuses, terrifié par les crocs argentés que lui montrait la rouquine. Il n’y avait pas prêté attention depuis leur rencontre, mais les voir si près, lui fit oublier la force que Trysol déployait pour l’étrangler et son regard assassin. En manquant d’air, il était bien certain que si elle le mordait, il finirait déchiqueter. Plus encore que le bras de son voisin attaqué par son chien.

— Ecrase une dernière fois ma main et je te fais disparaître.

Il la crut sans équivoque. Aussi, il osa à peine respirer alors que Trysol retira son emprise. Raide comme une statue, il ne bougea plus d’un iota, les yeux fixés sur le va-et-vient des soldats. Il n’avait pas vu l’ombre d’un homme, pas même dans les cages rouillées près des box à chevaux.

— Pourquoi suis-je là ? marmonna-t-il pour lui-même.

Il guettait le bas, espérant y trouver Grenouille, mais sa sœur mettait un temps fou à revenir.

— Ça c’est à toi à le savoir. On n’t’a pas forcé à nous suivre, répondit Trysol veillant Analoum qui se reposait.

— En attendant vous êtes bien contente que je l’ai fait.

— N’en sois pas si sûr. Tu es plus un poids qu’un avantage. Mais au vu de ton organe génital tu nous seras peut-être utile pour la suite. Ne sait-on jamais.

— Pourquoi toujours cette aigreur dans ta voix.

— Pour faire parler les curieux.

— Ça ne m’amuse pas, fit-il remarquer en replaçant son voile.

— Ce n’est pas le but de la manœuvre. La vie c’est chargé de me rendre aigre. Et si tu avais vécu tous ce que j’ai vécu tu le serais aussi...

— Analoum est différente.

— Analoum n’est pas moi. On ne gère pas les émotions et les événements de la même façon.

Le silence retomba. Suan comprit que Trysol n’était pas la pour sympathiser. Lui non plus d’ailleurs, mais il avait eu le fin espoir d’être autre chose qu’une opportunité à une vendetta. N’était-ce pas ainsi la vie ? On rencontre des inconnus qui jouant ou non un rôle dans notre vie. Ces deux femmes ne seraient jamais ses amies ou quelque chose si apparentant. Son chemin de vie les lui avait imposés, maintenant à lui de savoir pourquoi. Et si c’était lui qu’on avait amené à elles, plutôt que le contraire ?

Sur l’étroit chemin de l’entrée du village, Suan avisa Xin-Shen. Son sourire satisfait lui affirma que sa sœur avait trouvé Nyim.

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