chapitre 9 fin

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 J’entendais les chocs sur la barrière qui ne bronchait pas, les sommations de mes camarades autant que les insultes et menaces de mort de Maria.


  — C’est… Tu bluffes ! lança Martin.

  — Voyons-ça.


 Je plaçai ma main au-dessus d’elle, j’accélérai à nouveau le temps pour le virus. L’état de ma prisonnière se dégrada, des poches se creusèrent sous ses yeux, de grosses gouttes perlèrent sur son visage au teint maintenant crayeux. Elle perdit la force de m’invectiver.


  — Pour l’instant ses organes fonctionnent encore, mais ils sont lentement en train de se désintégrer.

  — Arrête ça tu ne peux pas, tu n’as pas le droit ! beugla Martin.

  — Je suis un tyran fou, j’ai tous les droits.


Je remis une petite dose d’accélérateur qui libéra un filet de sang du nez de ma victime.


  — Elle n’a rien fait pour mériter ce traitement !

  — Itias ! Une innocente colombe ? Il vaut mieux être sourd que d’entendre ça.

  — Comment peux-tu savoir ?

  — Pensiez-vous vraiment que j’ignorais qu’elle est la dernière réincarnation de votre chère mère ? Vous vous êtes gardé de lui en faire part avant de la surgeler, ce n’est pas très filial. Je vous offre une chance d’absoudre cette faute, souris-je.


 J’accélérai à nouveau légèrement le temps pour Itias, elle gémit de douleur.


  — Obéis-lui, supplia-t-elle dans un souffle encombré de bulles rosées.

  — Elle n’osera pas, ça va à l’encontre de ses principes, lui rétorqua-t-il.

  — À quel point es-tu idiot ? Que sont des principes face à la haine qu’elle éprouve, lui fit remarquer Itias.

  — J’ai tout mon temps cette barrière tiendra, je la torturerai à mort et la ramènerai pour recommencer autant qu’il me plaira. Tout comme tu as procédé sur ma fille, lâchai-je glaciale. Et lorsque je me lasserai d’elle…


 La scène se joua dans son esprit déclenchant une peur viscérale. J’accentuai ma menace en projetant une onde meurtrière sur lui. Le beau visage de Maria n’était plus qu’un masque de douleur, pleurant du sang et cherchant de l’air. Alors qu’elle se noyait de l’intérieur.


 — Je me demande combien de temps elle va mettre à mourir ? m’interrogeai-je amusée.


 Les conjurations de mes confrères afin que je cesse mon odieux chantage redoublèrent. Ils espéraient me résonner, constatant qu’ils ne parviendraient pas à briser ou passer l’obstacle dressé entre nous. Je vis leurs réflexions et sentiments partagés. Chez Martin, l’indécision, la colère, la détresse, la frustration, tous ces siècles passés à préparer sa victoire. Cette revanche tant attendue par Itias sur le destin.

 Tout ce travail s’écroulait devant ses yeux pour une minuscule erreur, son orgueil. Il avait poussé le vice jusqu’à vouloir sa propre Confrérie. L’instrument façonné à sa convenance depuis l’enfance avait provoqué sa défaite en ratant son entrée. Après de longs instants à observer dans un silence d’effroi l’agonie de sa mère il abdiqua.


  — Il se trouve dans une cavité naturelle cachée sous la montagne renversée nommée Bugarach, dans le sud de la France. À présent soigne là ! exigea-t-il.


 Je ne pouvais pas vérifier ses propos dans son esprit, aussi je m’en remis à Calypso qui me confirma après un examen minutieux qu’il disait vrai.


  — Tu as ce que tu voulais, aide là, implora-t-il le visage larmoyant.


Pathétique.


  — Mais avec plaisir très cher conseiller, répondis-je en claquant des doigts pour la dernière fois.


 Le corps torturé de Maria se figea, ses traits devinrent flous et blafards, bientôt elle se changea en une silhouette nuageuse. Être vaporeux qui s’évanoui tel un amas moutonneux déchiqueté par les vents. En une minute il ne resta plus qu’une légère onde de vapeur d’eau.


  — Sale vipère tu m’as manipulé ! hurla-t-il avec démence. Je te jure que tu me le paieras lorsque l’Alliance viendra me chercher ! Je te ferai écarteler !

  — Je doute que vous puissiez revoir un jour l’intérieur de la salle Yama. Vous vous en êtes pris à l’amour d’Eros, un cupidon peut haïr. Il a requis à votre encontre un tribunal divin. Je ne vois aucune raison au rejet de sa demande, souris-je narquoise avant de faire volteface.


 Il se mura dans un silence de terreur alors que j’abaissai enfin ma barrière pour emprunter le corridor.


  — Ce n’était qu’une néphélé, bredouilla Risha immobile.

  — Je croyais avoir expliqué que ma mémoire n’était pas complètement vide, soulignai-je. Une illusion aurait été trop complexe avec autant de monde, un clone de nuage en revanche...

  — Où se trouve la vraie ? me questionna Styx livide.

  — Là où elle attend depuis 1945 et où elle va rester encore un peu.

  — J’ai vraiment cru que tu t’acharnais sur elle, hésita-t-il.

  — C’est pas l’envie qui me manquait mais ça n’aurait pas aidé à long terme.

  — Je ne sais pas si ça doit me rassurer.

  — Prend le comme tu le souhaite Styx, je veux que Svei et Mérick aillent chercher ce coffre.

  — Maintenant ? me demanda Mérick comme s’il reprenait conscience.

  — Oui, sauf si vous avez mieux ? Faites attention à d’éventuels pièges.

  — On y va, déclara le pirate en saisissant Mérick avant de partir.

  — Y a moyen de savoir ce que c’est votre fameuse boîte ? intervint Gaël.


 Hélas pour lui, il fût totalement ignoré, ce qui lui fit pousser un énorme soupir d’agacement.


  — Et ici nous faisons quoi ? me questionna Styx.

  — J’aimerais savoir si l’on peut mettre au point une salle de confinement pour la boîte.

  — Qu’est-ce que tu espères ?

  — Tenter de faire un tri après son ouverture.

  — Tu as perdu la raison ? Rien d’autre n’est capable de retenir autant de magie.

  — On pourrait simplement faire une sphère Itéas géante…

  — Non ! Autant pour le reste ta mémoire et ton instinct ne se débrouillent pas mal vu les circonstances, autant sur ce coup-là, fais-moi confiance c’est impossible, m’assura-t-il avec un grand sourire condescendant.

  — Sans avoir tenté on ne peut pas être sûr, persistai-je butée.

  — Sahiane, je n’ai pas envie de mourir dans une explosion de magie et personne ne te suivra.


Risha et Lilian secouèrent la tête avec assez d’insistance pour que j’abandonne.


  — Bon. Faudra pas me reprocher des morts supplémentaires…

  — Comment ça, encore plus de morts ? s’effraya Gaël.

  — Ça ne me plait pas, je vais devoir penser à une autre stratégie. J’aurais préféré l’éviter.

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