Le parloir

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  Deux gardiens de prison avancèrent vers la cellule d’un pauvre type qui attendait recroquevillé sur un lit à peine plus grand que lui. Ils n’étaient point discrets et à chaque pas, on pouvait entendre leurs semelles de cuir grincer sur le sol crasseux et les clés en trousseaux rebondissant au même rythme. C’est ce mélange de sons devenus familiers à l’homme assoupi qui le réveilla. À la vue des gardes, il bondit hors du sommier et sauta aux barreaux de sa cage. Il était persuadé qu’ils venaient pour lui. Les sentinelles soutenaient bien trop son regard pour qu’ils puissent venir chercher un autre détenu. Heureux et surexcité, il s’accrocha à la porte et la secoua. Il savait que son agitation n’allait pas les faire avancer plus vite, mais l’attente lui était insupportable. Enfin, ils arrivèrent à son niveau et se positionnèrent devant d’une drôle de façon. Celui avec les clés attendait que son second se positionne derrière lui comme un rugbyman afin d’empêcher toute fuite. Ryan avait compris qu’il ne se connecterait pas.

  Il se débattait et bougeait de façon désarticulé. La salle de connexion était derrière lui. Il donnait toutes ses forces ne serait-ce que pour l’apercevoir une seconde. Mais les deux gardes étaient bien plus puissant qu’un gars dénutri et le traîner à même le sol était bien plus simple qu’il n’y paraît. Son corps roulait sur la terre étalée que les grosses semelles avaient apporté. Ryan manqua presque de perdre la serviette portée à la taille. Elle lui faisait office de caleçon depuis son arrivée et ce bain de boue fut son premier nettoyage. Sa couleur à l’origine blanche, avait pris le teint de son propriétaire, lui servant presque de seconde peau, nu.

  Après s’être calmé, Ryan fut amené dans une grande salle. Propre, décoré de bois, et à l’odeur de désinfectant, le lieu était agréable et presque trop beau pour que le prisonnier eu envie d’y croire. Il sourit. Peut-être l’avait-il remis entre les mains de la machine après tout ? Un homme habillé tout de bleu vint à sa rencontre et tranquillement, lui demanda de le suivre. En parcourant la pièce, Ryan s’aperçut qu’elle était remplie de chaises se faisant face, pourtant, de chaque côté de la vitre, le vide régnait. Calme et sans un bruit, c’est l’accompagnant qui osa le briser avec le grincement d’une des chaises. Il tira dessus et pointa l’assise avec l’ensemble de sa main. Ryan accepta l’invitation. Il s’assit, se rapprocha de la vitre et attendit.

  De l’autre côté, une porte s’ouvrit et une femme accompagnée d’un enfant apparurent. La petite fille malgré son jeune âge et sa peluche de lapin blanc à la main, portait déjà l’élégance de sa mère. Elles étaient toute deux vêtu de noir. La mère était coiffée d’un grand chapeau noir ne retenant point sa chevelure blonde qui tombait en cascade sur ses épaules. Les regards perdus des deux furent guidés par la réplique de l’homme en bleu. Ryan oublia le reste de la pièce et concentra ses pensées sur les femmes qui venaient d’entrer. Chanceux comme il était, elles s’installèrent devant lui, derrière la vitre.

  Les retrouvailles étaient silencieuses, les respirations étaient bruyantes. Ryan avait l’esprit léger, mais il en devint lourd des paroles que la dame risqua de prononcer. Le poids des mots s’abattit sur ses épaules et tira son sourire vers le bas. Il posa sa main sur la vitre espérant un retour de sa femme. Mais à défaut de ne pas pouvoir sentir sa chaleur, ce sont les vibrations des vociférations qu’il assimila.

  C’était la dernière fois qui les voyait. La plus âgée des filles avait déjà refusé les visites au parloir sous prétexte qu’elle ne voulait pas croiser le regard d’un criminel. C’était dur pour Ryan de connaître la vérité. Il se rattrapait sur l’espoir de garder contact avec la cadette. L’insouciance est plus tolérante et le peu de souvenir qu’elle a de son père pouvait jouer en sa faveur. Mais la mère pris la décision à sa place, et sa fille suivrait son exemple. Ses habits noirs étaient ceux du deuil, elles enteraient Ryan vivant.

  De nouveaux le silence. La gorge de l’élégante femme lui faisait défaut. Elle avait perdu son teint pâle pour une couleur plus vive. Le rouge ne plaisait qu’à ses lèvres. Fines et longues, ces dernières s’étaient asséchées et ratatinées après sa joute verbale, ne laissant que deux vers difformes qui se tordaient pour ne pas obstruer le passage. Le manque d’air avait eu raison de son énervement et sa dispute n’en fut qu’écourté.

  La jeune fille avait à peine levé les yeux sur son père qui en aperçut à peine la couleur. La colère de sa mère lui faisant trop peur, elle préférait se réfugier dans son jeu qu’elle inventa avec sa peluche. Pour la dernière fois qu’elle voyait son paternel, elle était mentalement absente. Ryan dans sa peine remarqua qu’il était bon pour cette ultime rencontre, de voir une gamine joueuse qu’une geignarde. Seul constat qu’il eut le temps de faire avant que la mère l’attrapât par le poignet.

  Le temps s’était écoulé et la visite terminée. La femme se leva et emporta sa fille dans son élan. Elles se dérobèrent à la vue du condamné quand elles glissèrent derrière la porte. Il ne restait que Ryan à la main plaqué sur la vitre et le silence.

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