Dégouts - 1

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Je perce la brume opaque, pénètre un aveuglant océan de lumière blanche. Le flash me bousille les yeux. Mais je m'en fous ! Seule l'urgence exige.

Une vague porte rouge au milieu des autres, je m'y précipite. Elle m'accueille.

Agenouement. Je me repens. Fauté ! j'ai fauté, monsieur le curé ! J'ai fêté ! Vénéré la dive, j'avoue.

Je me repends en mots comme en sons. Ça se déverse, atroce, hors de moi. Ça macule le bénitier, éclabousse les rebords. Les ambiances de soirée filtrent encore dans l'entrebâillement. La musique sonne et pistonne mes pensées, les met en pagaille. Champ de bataille.

Je vomis des images et de bruits, des fracas de guerre en écho, des bouts de corps qui prennent leur essor, des volutes rouges se mêlant aux chips du soir. Ça tape dans l'émail, se mélange en patchwork affreux. L'eau ne purifiera rien, elle est déjà noyée, au fond de son trou.

L'odeur sonne le rappel. Reviennent les peines, reviennent les affres. Mon corps expulse ces maudits souvenirs de morts, de massacres et de soirées trop arrosées. Mais cette fois, plus rien, je n'ai plus rien à offrir. Seul de l'air et un filet gluant, j'ai déjà tout donné...

J'invoque, fervent, la cascade ; me redressant vite pour sauver mes narines et mes cheveux déjà poisseux des parfums de l'alcool. Le raz de marée emporte mes restes - pas les images, pas les sons - mais seuls les odeurs et les aigreurs s'en vont.

Je tape la porte de mon pied, des têtes l'évitent de justesse.

Quoi ?! Vous voulez quoi ?!! Aboyais-je aux infortunés. S’avez jamais vu... Un gars sortir ses tripes après avoir esquivé la mort ? Un soldat déglutir ses malheurs après avoir traversé les lames et les flèches ? Un rescapé de l'horreur exorciser ses ténèbres dans la rivière... Vous avez jamais vu un gars gerber, ou quoi ?

Ils filent. Que faire d'autre ?

Mon estomac, chef de corps, m'intime de rester sur la tendre cuvette. Celle qu'on méprise habituellement d'accueillir toutes les fesses et les urines du monde devient alors l'amante d'un soir. Mon visage s'y perd, elle sera l'oreiller de ma biture.

Les soldats se mélangent, les armes s'affrontent et s'effondrent. Les corps copulent, les âmes s'admonestent. Magma de chairs, mers des têtes, écume de sang. L'affrontement gagne en perdant. Au cœur de l'entremêlement, la bête gronde, silencieuse ; elle tournoie, immobile ; terrienne, elle s'envole. Restent les corps et les regards, ces membres m'inspectent, ces yeux me tranchent.

Réveille-toi, et va te coucher ! Alex ! me clame quelqu'un, me sortant de ce début de sommeil ; je le connais sans doute, sans le reconnaitre pourtant.

T'as raison ! claquais-je à l'inconnu connu. Je me redresse, laissant mes souvenirs de guerre sur la tendre cuvette. Le fond est immaculé et les abords égayés de mes décorations. J'ajoute : Faut que j'nettoie, d'abord !

Laisse ça et vient ! Sort l'autre en sortant, me laissant seul face au dilemme.

Non, nettoyer ! C'était ce qu'il fallait faire ! Mais avec quoi ? J'arpente l'endroit des yeux. Les filles me regardent dégoutées. Des filles ?! Bon sang... Mauvaises toilettes.

D'un coup j'me sens observé, coupable. L'impulsion de retrouver mon alcôve pour me repentir me revient en pleine gueule. Depuis quand suis-je devenu tellement chréti-forme ? C'est la simu... maudite simu ! De je-m'en-foutiste, j'étais devenu coupable. De libre, j'étais devenu observé de toute parts.

Foutez-moi la paix ! crachais-je aux caméras des toilettes et, accessoirement, au reste du monde. Les usagères troublées le prirent pour elles, évidement...

Une silhouette imposante, invoquée par leurs soins, vint me sortir de leur antre.

Retour aux flashs et stroboscopes impudents.

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