55. Veillée de Noël.

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La soirée se termina doucement, Bertrand proposa de passer dans le salon et de prendre un dernier verre.

— T’inquiète, je te porterais dans mes bras pour te remettre au lit, tu peux y aller avec le Pimms !

— Oh oui ! Adèle, prépare-m’en un bien corsé !

Tout sourire, elle lui répondit,

— Je vais en faire pour tout le monde, même Camille, c’est Noël !

Vers minuit et demi, Vanessa, épuisée, regarda Bertrand. Il comprit et lui proposa de la porter jusqu’à sa chambre. Juste avant, elle se pencha vers Adèle en lui prenant la main et lui glissa à l’oreille ;

— Merci Adèle, pour tout, j’ai confiance en toi, je suis sereine.

Elle déposa un baiser sur sa joue puis se tourna vers Bertrand qui la souleva. Camille s’écria ;

— J’arrive, maman, je mets mon pyjama et je suis prête !

Sur le chemin, Bertrand se fit la réflexion qu’elle avait encore maigri, il avait l’impression de porter une souche de bois mort. Cela lui tira quelques larmes des yeux.

Alors qu’il installait Vanessa dans son lit, Adèle intercepta Camille avant qu’elle ne rejoigne sa mère et lui demanda,

— Camille, est-ce que ça va ?

Souriante, mais les yeux humides, elle répondit,

— Oui, maminette. Ne t’inquiète pas, je m’y suis préparée, nous en avons déjà parlé, toi et moi. Je veux être avec elle.

Elle soupira puis ajouta,

— Je dois la laisser partir, elle est à bout. Elle a de plus en plus mal et ça comprime dans son cerveau ; elle a de plus en plus de migraines.

Adèle enlaça sa belle-fille puis lui caressa la joue avant de la laisser partir. Camille se retourna et lui demanda,

— Dis, tu pourrais lui refaire le cocktail de la tantôt ? Elle l’adore… Je voudrais lui en proposer si elle en a encore envie.

— D’accord, je t’apporte ça de suite !

Adèle arriva dans la chambre et retrouva Bertrand qui discutait avec Vanessa pendant que Camille trouvait une place à côté de sa mère.

— Tiens, voici le cocktail demandé !

Le regard de Vanessa s’illumina, Camille lança,

— Cadeau ! Tu l’adores, tu auras besoin de t’hydrater si nous papotons.

Vanessa se tourna vers sa fille et lui sourit,

— Merci Camille.

Bertrand prit Adèle par la taille et proposa,

— On vous laisse vous installer ?

Camille acquiesça, ils se firent la bise et éteignirent la lumière en sortant, Camille avait allumé la lampe de chevet, l’ambiance était tamisée. Elle discuta encore un bon moment avec sa mère, mais cette dernière avait visiblement de plus en plus de mal à parler correctement. Camille lui dit,

— Laisses-toi aller maman, je suis prête, tu peux partir.

Quelques larmes coulèrent sur ses joues, sa mère les essuya puis l’interpella du regard, elle voulait goûter au cocktail.

Camille pouffa de rire et l’aida à boire à l’aide de la paille qu’avait prévu Adèle.

— J’aime aussi ce cocktail, maman !

Vanessa lui fit un clin d’œil et serra sa main puis lui demanda de rapprocher la commande de la pompe à morphine et s’administra deux doses. Elle se tourna alors vers Camille et indiqua qu’elle allait probablement s’endormir.

Elle s’endormit rapidement, elle était épuisée.

Camille l’observa pendant son sommeil et caressa les traits de son visage qui s’étaient décrispés, mais qui restaient tendus au niveau de la mâchoire. Camille se fit la réflexion que la morphine devait faire son effet, elle devait avoir moins mal.

Au petit matin, Camille s’éveilla, elle avait son bras sur sa mère. Elle sentit qu’elle respirait encore, elle sourit puis se saisit lorsque sa mère murmura,

— Merci Camille.

Sa fille tourna les yeux vers elle et vit quelque chose de bizarre dans le regard de sa mère, comme un voile. Elle resta un peu interdite en la voyant actionner la commande de la pompe à morphine. Elle murmura,

— Mal à la tête…

Camille se coucha contre sa mère et lui prit la main qu’elle serra, Vanessa répondit faiblement.

— Mon bébé…

Sentant son cœur battre rapidement, elle dit à sa mère,

— Ne te fatigue pas maman… Ne lutte pas.

Vanessa actionna à nouveau la pompe, Camille n’était pas sure qu’elle ait reçu une nouvelle dose si peu de temps après la dernière. Elle devait avoir mal, mais n’en montrait pas trace.

Elle entrouvrit les yeux, regarda sa fille d’un regard voilé et esquissa un sourire. Son corps se crispa l’espace d’un instant puis tout se détendit dans un soupir qui fut son dernier.

Camille sentit son ventre se déchirer, elle avait envie de hurler, mais rien ne sortait, seules les larmes coulaient à flot de ses yeux. Elle n’arrivait pas à lâcher la main de sa mère. Elle pleura un bon moment, la tête sur le ventre maternel puis les larmes se tarirent et elle arriva à réfléchir.

Elle se releva et observa son visage, il était serein. Le sourire qu’elle avait esquissé était resté gravé sur ses lèvres et lui donnait un visage reposé.

Camille renifla puis quitta le lit et recouvrit sa mère jusqu’à la poitrine, elle ne voulait pas lui mettre un drap sur la tête. Pas maintenant.

Encore un peu déboussolée, elle sortit de la chambre, elle avait besoin de boire de l’eau, elle avait la gorge sèche.

Dans la cuisine, elle fut rejointe par Adèle qui berçait Antoine, il venait visiblement de terminer sa tétée. En voyant la mine de Camille, Adèle s’approcha et lui demanda, en passant un bras autour de ses épaules,

— Tu es toute blanche, Camille, est-ce que ça va ?

Camille sentit des larmes couler sur ses joues et se colla au creux de l’épaule de sa belle-mère. Après quelques sanglots, elle murmura,

— Elle est partie, ce matin. Elle est belle, elle n’a pas trop souffert, je crois.

Elle renifla puis ajouta,

— Elle m’a souri juste avant.

Adèle la serra fort dans ses bras en la berçant. Antoine en profita pour chipoter les cheveux de sa sœur et tenter de les mettre en bouche. Camille sourit puis rit et lui dit,

— Hé ! N’en profites pas toi, ne mets pas mes cheveux en bouche ! Je sais que tu les aimes, mais tu ne peux pas.

Elle se détacha d’Adèle et lui demanda à prendre son petit frère dans ses bras. Adèle le lui passa. Arrivé entretemps, Bertrand était allé vérifier dans la chambre de Vanessa. Du regard, il confirma la nouvelle à Adèle.

Après avoir embrassé sa fille qui monopolisa Antoine, il contacta le service de soins palliatifs afin qu’il vienne attester le décès et préparer le corps pour les pompes funèbres. Camille demanda à pouvoir veiller le corps dans la maison pour les trois jours précédant l’enterrement.

Ce genre de pratique se faisait de moins en moins dans les familles, mais les pompes funèbres étaient équipées pour cela et Camille pu faire ses adieux à sa mère.

Souvent, pendant ces trois jours, elle passa des longs moments dans la chambre, emmenant parfois Antoine avec elle.

Étonnés, Bertrand et Adèle comprirent bien vite que Camille expliquait à son petit frère, la vie de sa mère à elle ; elle lui contait son histoire et la place que, lui, avait dans tout cela.

Adèle glissa à Bertrand,

— En fait, cela lui fait l’effet d’une thérapie, tu ne trouves pas ?

— Oui, elle met les choses en place, elle lui explique qui est qui… Mon dieu… Quelle fin d’année !

Bertrand soupira tristement, retenant le sanglot qui montait dans sa gorge. Adèle enlaça son époux l’incitant à exprimer sa tristesse, puis lui glissa, après avoir essuyé ses propres yeux,

— Je trouve que cela s’est quand même passé sereinement, tu ne trouves pas ? Camille a pu être jusqu’au bout avec sa mère. Elle le voulait. Et Vanessa est partie en paix.

— Oui, ma fille est forte. Plus forte que je ne le croyais en fait.

— Aussi forte que sa mère.

Elle lui caressa la mâchoire et lui demanda,

— Et toi, ça va ?

Il ferma les yeux et lui avoua,

— Pour ne rien te cacher, je suis heureux que cela soit enfin fini ; je n’en pouvais plus de la voir souffrir et lutter comme elle le faisait.

— Elle a voulu tenir jusqu’à Noël et elle a réussi sa prouesse ; elle a tenu sept mois, sans chimio, alors que les médecins ne lui donnaient pas trois mois.

Bertrand pouffa de rire et glissa,

— Oui, on la reconnaît bien là, elle leur a bien montré qu’ils avaient tort sur ce coup-là !

Ils se recueillirent puis s’enlacèrent tendrement et s’embrassèrent amoureusement, ils étaient dans la vie… La vie qui s’offrait à eux et dont ils comptaient profiter pleinement.

FIN

***

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