La jeunesse tient à la fantaisie de l'esprit

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   PROPOS LIMINAIRE : je reconnais volontiers avoir, rien qu'avec le titre, légèrement détourné le sujet. Mais après tout, on est bien libre de prendre le sujet par n'importe quel bout, n'est-ce pas?

   Comme sur un ordinateur on a les yeux qui se croisent, il doit bien rester des fautes.


   Maintenant voici :



   Il y avait un pays de cocagne, établi sur une île proche de la Jamaïque. Un léger tumulte politique doublé de quelques réflexions peu amènes de son roi, eussent, si savamment mise en scène, donné les airs de fins du monde dont sont friands les journalistes.

   Stella s’y transporta donc, certaine d’offrir aux chaînes d’informations continues plusieurs soirées exceptionnelles, de celles qui à force de durer, outre qu’elles donnent des migraines aux télévisions, donnent des escarres aux présentateurs. Elle posa donc pied sur le ponton avec la terrible volonté de faire trembler le monde.

   En cette île, on allait langoureusement des plages aux maisons, humides d’eau de mer, à demi nus et prêts de s’offrir aux facéties qu’inventent les esprits inventifs. La jeunesse tenait à la fantaisie de ses habitants plutôt qu’à leurs apparences extérieures. Jouir ! Mot que leur langue n’avait pas inventé en vain !

   Stella s’assit sur une plage ourlée de palmiers. De ses tréfonds montaient les notes adorables qu’émettent les oiseaux exotiques ; de sa canopée, ces oiseaux s’échappaient en virevoltant. La jeune journaliste s’étonna bientôt de voir qu’on fumait librement, qu’on se déshabillait sans protocole, qu’on se charmait, s’asservissait à force d’amour. Pas une féministe pour se scandaliser de ce que l’amour est un sortilège qui met à genoux, pas un médecin pour secourir les poumons des fumeurs, pas un sauveteur pour mettre en garde contre les vagues. Pas un moralisateur en vue!

   Stella interrogea une baigneuse : « Cet homme que je vois partir vous a-t-il été désagréable ? Je l’ai vu se faire insistant et s’agenouiller.

   —Il me suppliait de l’aimer.

   —Allez-vous porter plainte ?

   —Oh non ! » Et toute encore pâmée d’extase : « Quoique je viens de l’éconduire, il m’a gratifié de doux compliments et j’en garde le miel pour moi. D’où irais-je me plaindre parce qu’on m’aime ! »

Remuée par cette étrange confession, Stella s’en alla sur le marché. Parmi les badauds, un homme à la peau d’obsidienne se promenait.

   « Monsieur ! Eh ho ! Monsieur !

   —La charmante enfant !

   —Vous qui êtes racisé, dîtes-moi comment on se porte ici depuis les évènements dont la presse nous a instruit. Vous savez, aux Etats-Unis… ?

   —Que dîtes-vous de moi ? Parce que je suis plus noir que vous, je suis aussi plus malheureux ? Le degré de malheur se forge-t-il avec le taux de mélanine ? Bien sûr que je reçus quelques méchantes insultes, mais sur autre chose que ma peau ! Figurez-vous aussi que l’un de mes amis, qui a la blondeur des plages, fut insulté sur la clarté de sa physionomie. Voyez-vous, la haine vient de toutes parts et contre tous.

   —Oui, vous devez bien être un peu haineux. Je vous reconnais : vous venez de harceler l’une des baigneuses.

   —Et vous êtes innocentes de ce genre de péché ?

   —Bien sûr, ce sont les hommes qui harcèlent !

   —Et ce sont les blancs qui rejettent les noirs. Gardez-vous bien de juger, de victimiser ou culpabiliser sur le sexe ou la peau, parce qu’à ce compte chacun est coupable sur sa propre personne. »

   Stella fut remuée par ce discours. Mais, presque toujours aussi pleine de défendre le bien en adhérant aux doctrines forgées par les journalistes, elle se fit introduire chez le roi de l’île, méchant dictateur puisque personne ne l’avait élu. Son dernier discours remuait encore les princes de l’occident, les journalistes et les gourous. À ce sujet, Stella, assise sur de beaux coussins rouges autour d’un fastueux banquet, le questionna.

   « Vous critiquiez la démocratie ?

   —Ah ? La démocratie n’aurait pas la force de se laisser critiquer ?

   —Vous êtes un dictateur !

   —Oui. Le chef dicte. Que les dieux ou les hommes lui octroie sont pouvoir, en fin de compte il dicte.

   —Vous ne respectez pas les droit de l’Homme ! Cela fait grand bruit par chez-nous !

   —Je reconnais d’abord que mes congénères sont des Hommes. C’est beaucoup plus que chez vous où l’on offre des droits farfelus à des robots faits pour consommer. Quand vous abolissez l’idée d’homme, de femme, d’amour, de passion, vous ouvrez grand la porte à ce que vous ne cesser de critiquer : le capitalisme. Vous pouvez bien y mettre des droits !

   —Et que faites-vous de l’écologie ?

   —Je reconnais que mes sujets se composent d’hommes, de femmes, de grands, de petits ! Que la nature les a dotés très différemment. Voyez si je ne suis pas plus prêts que vous de la nature, avec vos protocoles, vos doctrines victimaires, votre idée que l’égalité de droit abolie les inégalités naturelles. Jouissez, Madame ! Jouissez ! La jeunesse tient à la fantaisie de l’esprit. Ne vous laissez pas flétrir par les bigots ! »

   En une journée seulement, Stella avait abordé maints sujets et leur traitement la décontenançait. Elle y reviendrait au cours de son périple. Du moins comprenait-elle qu’il n’y a pas de vérité universelle et qu'on bien dire ce qu’on veut sans paraître irrespectueux. Cela ferait un belle conclusion à la première émission qu’elle ferait et qu'on intitulerait : "La fraîcheur de l'esprit".


   CHAPITRE III : suite des aventures et des réflexions de Stella.

 

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