Partie 4.1

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Je tape rapidement du pied. Assise dans la salle d’attente entièrement blanche de mon médecin, j’attends mon tour. Les résultats sont enfin arrivés. Je commence à ronger nerveusement les petites peaux autour de mes ongles. Une vieille dame pose sa main sur ma jambe et m’adresse un sourire crispé.

— Jeune fille, pourriez-vous arrêter de secouer votre jambe s’il-vous-plaît ?

Je lui adresse un sourire d’excuse, murmurant un « pardon » fébrile, et tente de me calmer. Elle retire sa main, ma jambe se remet aussitôt à bouger. Elle pousse un soupir exaspéré et change de chaise, non sans m’adresser un regard réprobateur au préalable. Lorsque l’un de mes doigts commence à saigner, je me force à poser mes mains sur mes genoux.

Regardant autour de moi, je finis par cibler la pile de magazines sur la petite table basse au centre de la pièce. Je me penche pour regarder les papiers glacés, tous plus anciens les uns que les autres. Mon œil est attiré par un magazine dont le date n’est pas si éloignée que ça. Santé Magazine. Il date d’il y a seulement une semaine.

Intriguée, je le récupère et commence à le feuilleter. La santé n’est pas un de mes sujets de prédilection, mais je préfère ça à un magasine vieux de plusieurs mois. Evidemment, les articles prônent essentiellement les régimes, la joie de procréer et le sport. Rapidement, je m’énerve sur les feuilles.

Je m’attarde quelques instants sur un article traitant de la drogue.

La drogue peut générer de nombreux problèmes. Impuissance, infertilité, perte de connaissance, amnésie… Ses fléaux sont nombreux. Malheureusement, de trop nombreuses personnes en consomment régulièrement. Selon une récente étude, les personnes âgées de 40 à 55 ans sont les plus touchées.

L’un de nos abonnés témoigne :

« Lorsque j’ai ingéré la drogue, au début je n’ai rien ressenti. Puis, ça a été comme si j’avais bu un verre de trop. Vertiges. Euphorie. Je n’étais plus certain de l’endroit où je me trouvais. Je pensais ressentir un bonheur intense, à la place de quoi je me suis senti malade. J’ai rapidement perdu connaissance. Heureusement que mes amis étaient avec moi pour me prendre en charge, sans quoi j’aurai peut-être dû dormir dehors. »

Notre médecin vous conseille :

« La drogue n’est pas une échappatoire concevable. Non seulement elle ne vous fait ressentir qu’un court sentiment de félicité, mais en plus il peut causer des dommages irréversibles à votre corps. […] »

J’arrête là ma lecture. Alors que je pensais reposer le magazine, un article, une sorte d’édito, m’interpelle. « Ce que le Ministère des Naissances fait pour vous ».

Vous savez, chers lecteurs, comme notre gouvernement a à cœur de faire régner la paix et la justice. Depuis 2030, nos populations sont maîtrisées à l’échelle mondiale. Les Chinois n’avaient pas tort en proposant leur politique de l’enfant unique pour réduire la surpopulation et contrôler les ressources. Nous avons fait mieux. Nous avons amélioré le système. Nous autorisons chaque famille à accueillir trois enfants en son sein.

« Autorisons ». Quelle bêtise. Ils n’autorisent pas, ils obligent. Je crispe mes doigts sur le feuillet.

Et ce n’est pas tout ! Chacun de vous a pu avoir la chance, à la naissance, de devenir Directeur ! Employé ! Ou encore Ouvrier ! Et c’est votre choix ! Une chance que n’avaient pas nos ancêtres, conditionnés qu’ils étaient par leur origine sociale. Les enfants peuvent être ce qu’ils veulent. C’est ça, l’égalité des chances. C’est ça, l’amélioration de notre société. Et qui dit amélioration de notre société, dit remise en question.

De plus en plus de couples ne souhaitent pas avoir d’enfants. C’est pourtant un devoir citoyen. Celui de perpétuer l’espèce, de permettre une bonne gestion des ressources grâce à un planning établi à l’avance. Il arrive parfois que certains couples ne puissent pas en avoir naturellement, et nous ne les blâmons pas. Il existe de nombreuses solutions qui sont mises en place, comme la procréation médicalement assistée (PMA). Il paraît normal que tous les couples puissent avoir leurs trois enfants, qu’ils puissent construire leur famille.

Les cas de couples ne souhaitant pas d’enfants sont de plus en plus réguliers. Les fraudes sont nombreuses, malgré les recommandations du Ministère des Naissances. C’est pourquoi une nouvelle loi vient d’être mise en place. Le gouvernement ne souhaitait pas en arriver là, le Conseil a repoussé cette idée de nombreuses fois. Mais la Justice doit régner. Il ne peut y avoir d’inégalités.

A tous ceux qui respectent leur devoir de citoyen. A tous ceux qui travaillent sans relâche à un monde meilleur, à une société où il fait bon vivre pour chacun. Le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures pour obliger ces couples, et ces femmes, qui ne souhaitent pas procréer. Dès aujourd’hui, certains hôpitaux seront chargés de retrouver les fraudeurs, identifiés par le Ministère des Naissances, et de les inséminer artificiellement. Afin que cela soit le moins douloureux pour les fraudeurs, trois embryons leur seront implantés directement. Le gouvernement ne souhaite pas torturer ces personnes, simplement leur faire respecter les lois.

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