II° T E R R E

6 minutes de lecture

Sans soucis et avec sévérité, je fus tiré jusqu’à une voiture de patrouille, le vaisseau un peu plus petit qu’un éléphant adulte était équipé d’un cockpit étroit, d’une rangée de sièges équipés de sangles et une cellule était poussée tout au fond à gauche dans un coin sombre, en face d’une petite fenêtre en plexiglas renforcé.

Un coup dans les omoplates me poussa dans la cage, maladroit et épuisé je me ratrapais avec peine au petit banc, qui n’était qu’une petite barre de fer fine et large comme grande paume. Aussitôt, les odeurs pestitancielles de rejets divers et de drogues m’assaillirent aussi durement que la poigne du soldat de tantôt. Après un rapide coup d’oeil dans ma petite cellule dont la périphérie était digne d’une douche, je finis par m’assoir timidement sur le bout de banc qui me paraissait le moins souillé.

Je levais les yeux pour occulter les traces laissées par les derniers détenus et observais le plus discrètement possible les soldats s’installer dans les sièges rembourrés. Je les vis s’installer le plus loin possible de ma cellule puis attacher leurs harnais, seulement quelques secondes suffirent à l’engin de décoller dans une secousse, le changement d’altitude me fis légèrement vaciller.

Les soldats étaient six, tous habillés de cuirrases luisantes, de casques de plexiglas renforcé, de bottes épaisses et d’un uniforme assez confortable, le tout était d’un noir profond. Je me pris à me demander combien ils touchaient tous les mois, sûrement de quoi se payer un appartement proche du centre-ville et d’une taille respectable. Pas comme le deux pièce dans lequel je vivais avec mon grand-père, encombré de déchets, de poussières et d’un fantôme à l’enveloppe corporelle bien trop souffrante. Il n’y avait même pas de fenêtres pour aérer, seulement des murs en béton gris, conçus pour résister à des guerres terminées depuis bien longtemps pour moi, mais pas assez pour les dirigeants.

Aux pensées de mon ancienne maison, j’osais ouvrir la bouche et demander timidement.

  • Excusez-moi ?

Un soldat proche de ma cellule tourna la tête vers moi, puis donna un coup de coude à son voisin.

  • Euhm, je… j’ai un grand-père, il est très vieux et ne peut pas s’occuper de lui-même… puisque je ne vais plus jamais le revoir, est-ce que vous pourrez envoyer des aides à la santé l’aider ?

Celui qui avait été bousculé par son camarade se leva, il n’avait visiblement pas attaché ses harnais, heureusement pour lui, le fond du vaisseau était fermé, il aurait été regretable de se faire emporter par le vent dans le vide. Il s’approcha lentement de moi, dangereusement, jusqu’à se poster à vingt centimètres du grillage serré de ma cage.

Quand il parla, je reconnus la voix grave et calme de celui qui m’avait attrapé, je supposais qu’il était le chef de cette équipe.

  • On ne peut rien pour lui, s’il meurt, c’est de ta faute, tu n’avais qu’à respecter les lois. Bientôt tu seras Marqué. Nous pouvons seulement être plus indulgent qu’à ton sort si tu nous révèle le nom de potentiels associés. Peut-être que tu ne seras pas emmené, ou peut-être que tu retrouvera ta liberté, que tu sauvera son vieux croulant, ou bien tu seras envoyé sur une autre planète, servir en tant qu’esclave.

Je sentis des frissons descendre tout le long de mon échine, mes poils se dresser et mon coeur se serrer. Dans son masque luisant et noir, j’y trouvais mon reflet, celui d’un adolescent aux yeux verts d’eau écarquillés, à la peau pâle, au visage fin aux angles doux, aux cheveux châtains foncés, et aux joues encore rondes de l’enfance. Être Marqué était synonyme de devenir un esclave ou un Echoué. Le gouvernement marquait tout humain ayant commis un crime, dans la joue était implanté une bande lumineuse, éclairée par la couleur du crime. Le viol était représenté par une led violette, le meurtre par une led rouge, la traitrise par une led noire, le vol par une led verte, la drogue n’était plus marquée car la plupart des drogues actuelles avaient des effets dévastateurs et ne laissaient derrière elle que des Echoués.

Les crimes étaient “cumulables”, un criminel pouvait posséder plusieurs led, il y avait la place pour mettre en générale huit led sur un visage, j’avais rarement croisé des Marqués, encore moins avec une panoplie de led. Ils étaient en général envoyé loin, très loin de la Terre. Les Marqués possédaient des “numéro”, un Marqué avec une led pouvait être appelé un 1-Marqué, pour deux led 2-Marqué et ainsi de suite.

Je vais être marqué d’une led verte, le vol. Un vol.

Mes yeux quittèrent leur reflet pour se poser sur mes pieds, je pris une courte inspiration et déclara d’une voix faible.

  • Je vous dirais tout ce que je sais une fois arrivé au Palais.

J’entendis le soldat prendre lui aussi une courte inspiration.

  • Bien.

Puis il se retourna sans plus me regarder, et repris sa place sur les fauteuils. Je sentis comme une déception, à quoi je m’attendais de plus ? Je n’allais sûrement plus jamais retourner sur Terre une fois que mon jugement terminé, mais j’aurais au moins aimé avoir eu un seul mouvement de compassion de ce soldat, un seul signe d’humanité, un seul qui m’aurait permis d’enfin trouver une seule accroche à cette maudite planète.

***

Le voyage fut assez court jusqu’au Palais, une vingtaine de minutes tout au plus, je me contentais seulement de regarder goulument le maigre paysage que m’offrait la lucarne.

La Terre n’avait plus grand chose de vert dans cette région, la banlieue de Lyon n’était que des zones industrielles pour siphonner tout ce qui restait de ressources, puis de lavement pour se faire pardonner, puis d’habitation à perte de vue car nous étions trente milliards sur ce cadavre qu’était devenue la planète bleue. Mais ça je ne le remarquais pas car j’étais né dans ce milieu, je ne connaissais rien d’autre que les images paradisiaques des anciennes colonies interstellaires comme Fanastia, Hemorie, Julerno, Gamète ou même les anciens documentaires animaliers terrestres que je dévorais quand j’avais neuf ans à la bibliothèque audiovisuelle.

Entre les voitures volantes, les gros buildings au style très marqué des années 2070, les passages piétons suspendus dans le vide, je pouvais voir quelques lumières des bas-fond et des quartiers chauds. Situé cinquante mètres “sous” terre, ces architectures plus anciennes avaient commencées à être construites lors des Grandes Pénuries, dans les années 2040. Ces zones presque souterraines auraient dû servir d’habitations mais seul des industries se sont installées dans ces quartiers sombres et aujourd’hui sales et malfamées.

Tous les déchets étaient rejetés dans cette fosse, des simples bricoles comme une boîte de conserve, jusqu’à des androids endommagés, des Échoués et des 1-Marqués.

Les androids sont des robots à la forme et à l’intelligence proche de l’humain, ici sont jetés les anciens modèles soit devenus obsolètes soit trop endomagés et les modèles devenus complétement fous, comme le terroriste Lacène 220, célèbre car toujours dans la nature.

Les Échoués étaient des êtres humains, parfois affublés de membres cybernétiques qu’on leur avait mis dans le cadre d’expériences rémunérées. Souvent ces membres étaient dangereux, pour le porteur et pour autrui, le corps de l'Échoué pouvait rejeter ce nouvel organe ou memebre et le rejeter, dans la plupart de ces cas, les Echoués étaient blessés par ce rejet. Ou l'Échoué pouvait ne pas réussir à s’adapter au membre et devenir violent sans le vouloir, parfois le contrôle d’un membre cybernétique se brisait, et le membre pouvait blesser dans un mouvement involontaire. De nombreux cas de strangulations à mort dans les couples avaient été signalés, des arrachements de membres dans les lieux de travail ou encore de mort d’empoisement ou de suicide involontaire de l’hôte.

C’était dans cette décharge de la société que je suis né et j’ai grandis, j’y avais toujours vu une image de notre société. Elle était le côté sombre que la société voulait cacher sous une couche de “grandeur, prospérité et magnifiscience”. Mais, si cette société était si parfaite, pourquoi les néo-colons avaient déclaré la guerre et s’étaient séparés de la Terre ?

Comme pour justifier mes pensées, notre véhicule plongea dans l’ombre du Palais. C’étati un gratte-ciel qui ne se contentait pas de gratter ce ciel, il le transperçait comme un poignard et son sommet, si lointain pour moi pauvre mortel, flirtait avec les sattelites et les boucliers anti-gravitationels. Cette tour était girgantesque et était une démonstration incarnée du génie dont était capable Yarov Yavenscly et de ses fils, les créateurs des moteurs et des boucliers anti-gravitationelles qui avaient permis la conquête spatiale.

Au Palais, des centaines de juridictions importantes étaient étudiées comme les défenses publiques, les procès mais c’était aussi un le centre, la base des SPCP et de toutes les polices françaises. Y siégeait plusieurs conseils comme celui que j’allais rencontrer bien que j’aurais jamais voulu voir ces membres autrement qu’à travers un journal télévisé.

Annotations

Vous aimez lire Violette V. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0