RACINES

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Le sous-sol n'a rien à voir avec l'apaisant crépuscule. Me voici de retour dans mon élément, dans la fraîcheur accumulée par des millénaires de pousse, de plantes et d'humidité. Ici, ça grouille de partout, les fourrures et les écailles suintent de chaque rocher et labourent le peu de mucus issu des racines. Seules les plantes sont épargnées - un être immobile ne survit pas sans une bonne cuticule toxique. Affamé, je me délecte d'une nuée de petits lézards volants coincés dans mon filet ; les restes d'ailes et de queues encore frétillantes seront pour les népenthès assez chanceuses pour croiser ma route.

Soudain, le sol se met à trembler et la masse jusque-là chaotique de bestioles en tous genres commence à couler comme de l'hydrogène liquide le long des parois de la caverne, on se croirait dans une fourmilière à l'arrivée d'un tapir. Certains tentent de se hisser à la surface, sous l'abri offert par le soleil, mais ceux dont la raison est aveuglée par la peur ne pensent qu'à s'échapper et filent en ligne droite vers les galeries plus profondes, leur bourdonnement chaotique s'effaçant dans l'obscurité. Je profite quelques instants du spectacle miroitant dans lequel je suis plongé, avant de m'étaler contre le sol pour ne pas me prendre la seconde vague de faune volante de plein fouet. Des miliers de petites créatures ailées me frôlent à toute allure, j'entends le bourdonnement des insectes pris dans les replis de ma cape, le peu de lumière issu de la surface se trouble sous mes yeux.

Les vibrations du sol se font de plus en plus intenses, une grêle de terre et de petits cailloux se dégage des racines qui surplombent le tunnel. Il s'agit sûrement d'un buggan dérangé dans son sommeil, un gros de six mètres de long à en juger l’intensité des remous. Par qui ou quoi, je n'en ai aucune idée, mais cet intrus nouveau m'embête, ma quête s'éternise et je vais encore perdre une bonne demi-journée de marche avec cette histoire. Pour l'instant, je ne peux que patienter en appréciant les stratégies des plantes qui se rétractent dans le sol ou se blindent d'écorce pour ne pas se faire déchiqueter.

Nuages vivants : Les insectes, reptiles volants et autres dermoptères qui peuplent les sous-sols, sont caractérisés par leur tendance à se regrouper en immenses nuages bourdonnants composés de plusieurs dizaines d'espèces différentes - prédateurs et proies fréquemment confondus - à l'approche d'un danger conséquent. Cette habitude, responsable de nuées dévastatrices, s'expliquerait tout simplement par une ironique peur des espaces vides.

Une trêve dans tout ce désordre ; je n'attendais que ça. Les insectes ont quitté les lieux depuis longtemps, et je peux maintenant me relever sans risque de perdre un œil sous la pluie de caillasse. Une coulée de pierres et d'argile glisse de mon dos alors que je me redresse en grimaçant, le corps couvert de bleus. Je Caché sous un affleurement rocheux coiffé d'une ribambelle de cingulaflores, j'examine mon équipement ; rien que je ne puisse rapiécer, mais quelques fioles se sont cassées, détrempant une partie de ma cape. Je ne perd pas de temps à vérifier toutes les sacoches, le buggan a recommencé à bouger ; il est tout proche maintenant.

Je tire la flûte de mon dos et je la porte à mes lèvres, les yeux fixés sur l'obscurité...

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