Fausse Monnaie

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Antoine avait invité ce soir-là à dîner, sa garde rapprochée, à savoir Polo et moi.

Il y avait convié en plus Cloé, sa nouvelle copine, cuisinière comme lui, dans le même restaurant.

Antoine travaillait comme cuisinier, et de temps en temps il lui arrivait de remplacer un cuistot absent chez un de ses amis restaurateurs. Il pouvait se faire payer en espèces, mais il préférait être dédommagé en nature. Ce que prouvaient son énorme congélateur toujours plein à craquer et sa cave bien fournie.

Sur une pancarte posée sur la table était inscrit :

« Menu surprise, vin surprise à volonté. »



Antoine nous avait gâtés. Pour meubler la conversation, j'ai raconté l'histoire des trois semaines que j'avais passées avec ma dernière amie, et les reproches que m'avait faits le curé me jugeant pour le moins indélicat.

Ce récit avait fait rire mes deux compères, mais Cloé était restée de marbre, ce qui ne l’empêchait pas de bien manger et surtout de beaucoup boire.

Juste avant d’entamer le dessert, elle s'adressa à moi : - tu es dégueulasse.

Mes amis m'ont regardé, et ont semblé compatir à mon égard. Il y en a qui ont le vin triste, d'autres qui l'ont agressif. Et, il fallait que ça sorte.

- Tu es complètement dégueulasse, une femme, c'est pas fait pour jouer. Tu es nul, complètement nul. Tu ne sais rien faire et tu joues le caïd. Tiens, tu me donnes envie de vomir.

Et elle se leva pour se diriger vers les toilettes.

C'est ce qui s'appelle jeter un froid dans une réunion.

Polo me dit que mon histoire était rigolote en surface, mais totalement choquante en profondeur.

Quand Cloé revint, chacun termina son dessert en silence.



En fin de soirée, j'avais rendez-vous chez Robert qui voulait absolument me montrer des documents anciens avant qu'il ne les vende.

Je pris donc congé de mes amis pour le rejoindre.

Je sonnais à l'entrée de l'immeuble, et l'on m'ouvrit aussitôt. Je montais les étages jusqu'à la porte de son appartement qu'il avait laissé ouverte à mon intention.

Mon ami me présenta son acheteur, et me montra les manuscrits qu'il venait de vendre. De vieilles pièces historiques qui appartenaient à son oncle. Le paiement des manuscrits n'était pas sur la table.

Je suppose qu'il avait été mis en sécurité, et que je n'étais pas censé en connaître le montant.

Tout le monde se leva.

Les deux hommes se serrèrent la main, et le visiteur quitta l'appartement.

- Voilà, c'est fait.

Tu peux me conduire chez mon oncle demain, il faut que je lui remette l'argent.

Il n'avait pas de voiture, et jamais de boissons dans son appartement qui auraient permis de fêter la réussite de l'opération, aussi je pris rapidement congé de lui, après lui avoir donné mon accord.



Le lendemain, nous nous rendîmes donc chez l'oncle en question.

Sa maison était en fait un petit manoir situé au flanc d'une colline, et entouré d'un petit parc boisé.

Un homme très âgé nous accueillit, et reconnaissant Robert, il nous laissa entrer.

Robert et le vieux s’enfermèrent dans une pièce à côté, me laissant seul dans l'entrée.

Ils devaient compter les billets et faire un compte rendu de l'échange.

Quand Robert me rejoignit, il avait un paquet sous le bras. Il me le montra et me dit :

- Prochaine négociation, celle-ci va être juteuse.

Nous prîmes congé du vieux et je raccompagnai Robert chez lui.



Le jour suivant, il me téléphona au bureau pour me demander de venir le voir de toute urgence. Il semblait très énervé. Je le rejoignis donc à son domicile en début de soirée.

Il était assis dans un fauteuil, catastrophé.

Son oncle s'était rendu à la banque pour placer l'argent, et tous les billets étaient des faux.

Ils étaient neufs, et entourés des bracelets Banque de France. Qui aurait pu se douter ?

Son oncle avait été entendu par la police, et lui même était convoqué pour tenter de réaliser un portrait robot de l'acheteur.

De plus, ils demandaient à son oncle, compte tenu des sommes importantes en jeu, de prouver qu'il en était bien le propriétaire.

Robert me demanda de cacher les manuscrits qu'il avait emportés chez lui, par crainte d'une perquisition.

Je n'avais donc pas d'autre choix que d'emporter les documents chez moi. Je me résolus à les cacher dans les parties communes de l'immeuble, à un endroit ou personne n'irait les chercher.

En attendant, nous avons cherché à dessiner nous-mêmes un portrait robot de l'individu.

Nous étions d'accord sur le fait qu'il devait avoir approximativement la même taille que moi, soit 1,75 m, qu'il était très corpulent, qu'il portait un costume sombre, une cravate et des lunettes noires.

Nous ne nous étions pas mis d'accord sur la couleur de la cravate, la forme de ses grosses lunettes et de son visage, carré ou rond.

Nous étions incapables de nous souvenir de la forme de son nez, de son menton, de sa bouche et de ses oreilles, ni même d'imaginer qu'il puisse porter une perruque.

C'était peu.

Je rentrais donc chez moi avec mon paquet sous le bras.



Deux jours plus tard, Robert me retéléphona au boulot. Il m’annonça que la police était venue le chercher chez lui pour le mener au manoir de son oncle qui venait d'être assassiné. La maison avait été mise sens dessus dessous, et on lui avait demandé de faire une liste de ce qui aurait pu être volé.

Il ne pouvait en dire plus, mais il avait besoin de moi pour le raccompagner à son domicile.



Arrivé au manoir, la police refusa de me laisser entrer, acceptant juste de prévenir mon ami de ma venue.

L'attente fut longue. Enfin, lorsqu'il sortit, il me demanda de suivre les voitures de police, car il devait encore se rendre au commissariat pour y signer ses dépositions. J'accompagnais donc le mouvement.

En fin de soirée, je récupérais Robert pour le ramener chez lui. Il semblait fatigué, et à bout de nerfs.

Il ne prononça pas un mot pendant tout le trajet, et il ne commença à me raconter son après-midi qu'une fois affalé dans son fauteuil.

- C'est horrible, la femme de ménage a appelé la police vers midi pour annoncer le meurtre de mon oncle. Il a été battu, torturé. La maison a été fouillée de fond en comble. La femme de ménage a passé son temps à remettre de l'ordre, et je lui ai promis qu'elle serait payée.

Rien de visible n'a été volé, mais l'entrée du souterrain a été ouverte puis mal refermée. La police ne l'a pas remarqué.

Ils vont maintenant placer des scellés, et personne ne pourra rentrer jusqu'à la fin de l’enquête. Donc, impossible de savoir si le souterrain a été vidé ou non de ses documents.

- Un souterrain, quel souterrain ?

- C'est un secret de famille, ce souterrain contenait les archives que nous étions en train de vendre, mon oncle et moi. Il donne accès à une grotte immense dont la sortie est située derrière une colline.


- Dans les manuscrits que tu as vendus, il y avait le plan du souterrain ?

- Le plan, non. Mais la mention de son existence était citée dans de nombreux documents.

Comme nous avions prévu une deuxième livraison, ils savaient qu'il existait encore d'autres exemplaires.

J'ai dû être suivi, car ils ont sûrement voulu en trouver la source. Et, ils savaient qu'ils ne pouvaient continuer à payer avec de faux billets. En fait, nous avons été suivis, car, moi, je ne possède pas de véhicule.


- Reste à savoir qui sont ces fameux ils.

- Nous ne connaissons pas l'heure de la mort de mon oncle. La découverte du corps a eu lieu vers midi. La police scientifique doit l'évaluer dans les prochaines heures.

Il faut quand même un certain temps pour accéder à la salle des archives du souterrain. Il y a une lourde plaque métallique à déplacer, que je soulève à l'aide d'une pioche qui m'a servie de levier, et que j'ai eu la bonne idée de remettre à sa place dans le jardin.


Je lui demandais :

- Quelles informations avons nous, qu'ils ne possèdent pas, et qu'ils peuvent espérer trouver ?


- Ils ne possèdent pas le plan du souterrain qui figure dans les documents cachés chez toi.

S’ils y sont entrés, ils ont pu le visiter, mais ils n'ont pas les moyens de pénétrer dans la grotte, ni d'en découvrir la sortie, bien cachée de l'autre côté de la colline.

Maintenant, ils sont peut-être déjà en possession de la totalité des documents, et s’il n'y a que ça qui les intéresse, c'est foutu pour les retrouver.


- Comment es-tu entré en contact avec eux ?

En fait, c'est mon oncle qui a été contacté. Un individu lui a rendu visite, lui disant qu'il achetait et vendait de nombreux grimoires ou manuscrits, et que ses acheteurs ne regardaient pas à la dépense lorsqu'ils les fournissaient en pièces authentiques et anciennes.

Mon oncle a considéré qu'à l'âge avancé qu'il avait, sans héritier en ligne directe, autant profiter de l'occasion, et il m'a proposé de m'en occuper.


- Ils n'ont donc pas eu besoin de nous suivre pour connaître la source des manuscrits.

- Oui, c'est vrai.


- En y réfléchissant, je pense que ces gens ne sont pas que des faussaires cherchant à acquérir des pièces rares avec de faux billets. Cette affaire a fait du bruit, a été relayée dans les journaux, et plus personne ne se laissera berner de cette manière.

À mon avis, ces gens devaient savoir ce qu'ils cherchaient. Ils ont sorti une somme d'argent très importante, en faux billets, pour s'assurer qu'ils n'étaient pas sur une fausse piste. Ensuite, je crois qu'ils n'avaient absolument pas l'intention de payer une deuxième livraison.

Je suis passé dans une salle des ventes, j'y ai rencontré le directeur. Je lui ai indiqué que je détenais quelques manuscrits originaux vieux de plusieurs siècles et que je souhaitais les céder. Pour cela j'avais pris dans le paquet que tu m'as confié, quelques exemplaires qui ne fournissaient aucune information qui puisse nous être dommageable.

Le directeur a gentiment accepté d'appeler par téléphone un spécialiste de ce type de documents basé à Paris, et qui travaille avec la plus grande salle des ventes de la capitale. J'ai décrit les documents, et l'expert m'a donné des évaluations qui ne dépassaient pas dix pour cent du prix que tes acheteurs ont accepté de payer.

Quand j'ai demandé au directeur combien je lui devais pour la communication, il a souri, et m'a dit: rien. Tout le monde croit faire fortune avec les vieux papiers, mais, à part ceux qui ont eu la chance d'être signés ou écrits par des célébrités, les autres ne valent quasiment rien, et collent aux doigts des acheteurs qui ne parviennent pas à s'en débarrasser. Une carte au trésor, peut-être.

Je le remerciai pour son amabilité.


J'ai téléphoné à la plus grande association de chercheurs de trésor de France, association qui vend des détecteurs de métaux et autres accessoires, des ouvrages, des fac-similés de cartes au trésor, des études historiques, et une revue mensuelle.

J'ai interrogé une des animatrices de l'association qui a accepté, bien que je ne sois pas membre, de répondre à mes questions. L'association dispose bien d'une fiche qui donne, outre le nom du propriétaire du manoir, des informations non détaillées sur l'existence d'un souterrain relié à une grotte.

La personne n'a pas pu me dire à quelle époque cette information a été fournie, car toutes les données originales ont été recopiées sur des fiches normalisées, dans le but de toutes les informatiser.

Celle qui nous intéresse ayant été informatisée, la demande de renseignement a pu être fournie rapidement.

L'information existe, et cette association n'est sûrement pas la seule à la détenir.



Nous apprenions quelques jours après que les scellés avaient été brisés, et que des individus avaient pénétré dans le manoir.

Cela relançait la question de savoir si la visite avait pour unique but de récupérer le solde des documents, ou si elle était destinée à trouver les moyens de pénétrer dans la grotte .


J'indiquais à Robert que dans ce dernier cas, sa sécurité était sérieusement menacée. Il n'y avait qu'à voir comment ils ont traité son oncle pour le faire parler.

Il en était bien conscient. Il me confia que son oncle était le propriétaire, non seulement du manoir, mais aussi de la colline, et d'une petite maison située près de la sortie de la grotte, et qu'il en était l'héritier et le seul être vivant à en connaître toutes les issues et tous les mécanismes.


La solution consistait-elle à tout raconter à la police pour tenter d'obtenir une protection ?

À déménager sans laisser d'adresse ?

Cette dernière solution était impossible, compte tenu de l'affaire judiciaire en cours, et des procédures testamentaires.



La sonnette de la porte d'entrée de l'immeuble nous fit sursauter. Nous regardâmes par la fenêtre.

Il n'y avait qu'une personne devant la porte, aussi, nous décidâmes d'ouvrir, et de la laisser entrer.

L'homme se présenta :

- Je suis avocat, je représente un client, et je voudrais parler en tête à tête avec le nouveau propriétaire du manoir.

Robert me fit signe qu'il acceptait la discussion, et je quittai la pièce.

Quelques minutes plus tard, Robert vint me chercher, et il me conta l'entretien.

L'avocat lui avait remis une offre d'achat pour le manoir, la colline, et la petite maison.

L'offre était chiffrée, les biens cédés étaient mentionnés, le nom de mon ami était inscrit, mais celui de l'acheteur était laissé en blanc.

Il convient de noter que le document ne mentionnait que la colline et pas la grotte qui n'apparaissait pas.

L'ensemble était très bien valorisé globalement. La grotte ne figurait d'ailleurs sur aucun document administratif, ni sur le cadastre.

Donc, l'acheteur devenait détenteur d'un actif caché, qui pouvait dissimuler toute activité criminelle.

Robert étant le vendeur, il semblait que sa sécurité soit assurée, au moins jusqu'à la vente définitive du bien.

Cela ne le rassurait pas.

Il décida de prévenir la police pour demander une protection personnelle.

Pour la justice, cette affaire criminelle avait une grande importance, tant par le bruit médiatique qu'elle avait suscité au moment du meurtre, que par la somme proposée pour l'achat du manoir.

Détruire un gang de faux monnayeurs les excitait aussi, car un grand nombre des billets qui avaient servi à l'achat de nos documents se retrouvaient dans la nature.

Robert avait donc dû faire visiter le manoir, le souterrain, et la grotte.

Les inspecteurs de police chargés de l'affaire lui demandèrent d'exiger que la somme proposée pour l'achat, ou tout au moins la moitié, soit bloquée en banque dans l'attente de la vente définitive.

Et, d'exiger que cette somme lui soit attribuée définitivement, si la vente ne se réalisait pas, hors conditions légales existantes.

L'objectif consistait donc à faire sortir l'argent des trafiquants pour en déterminer l'origine.

En attendant, une protection policière discrète lui était assurée.

Le manoir et son pourtour faisaient également l'objet d'une surveillance.



Quelques jours plus tard, mon ami fut recontacté par le même avocat. Mais, ce dernier commit l'erreur de garer sa grosse voiture sur un trottoir devant la maison, gênant ainsi la circulation.

Le policier charger de protéger mon ami ne résista pas à la tentation de lui mettre un PV sur le pare-brise.

Dehors, une camionnette bloquée par la voiture mal garée actionnait furieusement son klaxon.

Les véhicules derrière elle firent de même. Et, l'avocat qui venait juste de monter les escaliers de la maison de Robert fut contraint de faire marche arrière, et de déplacer sa voiture.

Robert qui avait été alerté par les klaxons avait reconnu l'homme qui s'était présenté la première fois en tant qu'avocat, et l'avait vu récupérer sa voiture et partir.

Le policier monta les escaliers pour rassurer mon ami, lui expliquant que ce vacarme n'avait rien à voir avec sa sécurité. Et il exhiba son PV.

La plaque d'immatriculation révéla son secret. Le propriétaire du véhicule n'était pas un avocat, mais le propriétaire d'un grand hôtel à Toulon. Et, il fut formellement identifié, sur photo, par les deux hommes.

Le casier judiciaire du pseudo avocat était bien rempli dans presque tous les domaines de la criminalité. Mais, la fausse monnaie n'en faisait pas partie, pour l'instant, du moins.

Il n'avait dans ses contacts avec nous effectué aucun délit, autre que celui de s'être fait passer pour un avocat. Et nous n'avions aucune raison d'alerter le gang sans raison.


Je me suis demandé si la police avait ou non déjà exploité les empreintes digitales disponibles sur le document d'achat du manoir. Je n'en aurai bien sûr jamais la réponse.

En fait, si. Robert m'expliqua que l'individu avait sorti de son attaché-case une chemise qui contenait la proposition d'achat, que j'avais ouverte, et qu'il avait récupéré la chemise, ne laissant sur place aucune empreinte récupérable.


Le lendemain, notre pseudo avocat se représenta, pour connaître la réponse à sa proposition.

Celle dictée par la police lui fut présentée, ce qui ne le fit pas sourire.

Robert lui indiqua qu'il avait déjà subi un gros dommage en ayant été payé en faux billets pour des achats de ses manuscrits, et qu'il voulait se protéger au maximum.

  • Mais mes clients n'ont rien à voir avec cette affaire. Lui dit-il.
  • Je le sais, mais j'ai reçu une autre proposition d'achat, et je veux me sécuriser au maximum.
  • Une proposition de ce montant, c'est impossible, je ne vous crois pas.
  • Elle n'est effectivement pas de ce montant, mais elle tient compte de ma situation d'héritier d'un oncle et des taxes de successions à payer en conséquence. Elle est en définitive plus intéressante pour moi, même si le montant proposé est moins alléchant.
  • Vous voulez dire qu'il y a un dessous de table ?
  • Peut-être, mais payé cash.
  • Je vais voir ce que je peux faire.

L'homme sortit, il avait l'air un peu sonné.



J'ai emmené Robert à Toulon pour tenter de savoir si le fameux acheteur de nos manuscrits ne travaillait pas dans l'hôtel, propriété du pseudo avocat.

Nous étions les seuls à l'avoir approché.

Comme il nous connaissait, il ne pouvait être question de pénétrer dans l’hôtel en tant que client.

Aussi, je me suis assis à la terrasse d'un bar proche de l'entrée de l'hôtel, et Robert à celle d'un autre bar proche de son parking souterrain. Comme nous ne pouvions pas rester toujours à la même place, nous avons dû nous déplacer fréquemment, craignant de louper une sortie de notre homme, si nous devions aller aux toilettes.

Le temps passait, la monnaie que j'avais apportée pour séjourner dans les bars commençait à s'épuiser, d'autant plus vite que Robert, comme d'habitude, n'avait pas d'argent sur lui.

Je commençais à désespérer, à me demander si nous n'avions pas entrepris une démarche stupide, qui aurait dû incomber à la police, quand le miracle survint. Robert me rejoignit, il avait reconnu son acheteur à la sortie du parking de l'hôtel. Il était sûr de ne pas se tromper.


Nous avons informé au plus vite l'équipe d'inspecteurs chargés de l'affaire.

L'inconvénient de traiter avec eux, c'était que nous n'avions jamais de retour d'information de leur part.

Il y avait donc un lien entre le meurtre de l'oncle de Robert, l'achat des parchemins, la fausse monnaie, et la proposition d'acquisition du manoir.

Un des inspecteurs accepta de nous renseigner au sujet du suspect que nous venions de retrouver.

Il avait également un casier judiciaire copieusement garni, mais c'était surtout un homme de main, plutôt qu'un gros caïd.

L'inspecteur nous indiqua qu'il avait assez d'éléments de preuve pour le coffrer, mais que, de toute évidence, ce dernier nierait les faits, et sa condamnation ne permettrait pas de remonter la filière.

Il convenait donc d'attendre.


Le meurtre de l'oncle de Robert, suivi par une deuxième visite lors du bris des scellés, le tout sans laisser une seule empreinte digitale, me laissait perplexe.

Je refis de mémoire le parcours que devaient emprunter les malfrats, depuis l'entrée dans la maison, jusqu'à leurs arrivées dans la dernière salle du souterrain. Je m'imaginais refaire le même parcours en portant des gants pendant tout ce temps.

C'était impossible. Et cela aurait dû me sauter aux yeux depuis le début.

Pour déclencher l'ouverture du souterrain, il convenait de déplacer un des pieds d'un grand lit en fer, mais pour pouvoir le déplacer, il fallait d'abord le dévisser de quelques tours. Cette opération nécessitait de se coucher sous le lit, et de serrer très très fort le pied du lit, avec les deux mains, pour pouvoir le faire tourner.

Avec des gants, les mains glissaient, et il devenait impossible de réaliser l'opération.

La même manipulation était nécessaire, et aussi difficile à réaliser, pour refermer le souterrain.

Reste à savoir si les visiteurs n'avaient pas pensé à passer un chiffon pour effacer leurs traces, et si nous ne les avions pas nous-mêmes détruites lors de notre dernière visite, en compagnie de la police.


Les spécialistes envoyés sur place réussirent à mettre en évidence de nombreuses empreintes.

L'une d'entre elles appartenait à notre fameux homme de main, et une autre à un petit braqueur bien connu de la police et des prisons. Celles du propriétaire de l'hôtel ne figuraient pas sur le pied du lit.

L'inspecteur qui acceptait de nous accorder quelques confidences de temps en temps était aux anges.

- Il y a deux empreintes digitales utilisables, et il y a eu deux visites au manoir, et lors d'une de ces visites, un vieil homme a été torturé puis tué. Vous imaginez que ce n'est pas la même peine qui vous attend si vous avez simplement déménagé quelques documents, ou si vous avez participé à un meurtre.

Il continua son exposé : j'ai déjà vécu cette situation. Les loubars se trahissaient tous les uns les autres. Et, ici, la peine possible, c'est perpette, voire plus.



Tout se passa, en définitive comme l'inspecteur l'avait prévu : les prévenus se sont dénoncés les uns les autres pour diminuer leurs responsabilités.

Le propriétaire de l'hôtel était bien le commanditaire de l'opération, et il était présent au moment du meurtre.

Les prévenus lâchaient toutes les informations dont ils disposaient pour obtenir la bienveillance du tribunal. Le réseau de faux billets fut démantelé, et ses responsables arrêtés.

De l'immobilier et de l'argent résultant des bénéfices colossaux réalisés par le réseau de fausse monnaie furent saisis.

Et c'est ainsi que se termina notre équipée avec la police.

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