Elle

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    Tout avait commencé avec la pilule bleue. Au début, elle était réservée aux riches. Plus de 100 000 dollars la pilule et à vous l'immortalité. Et puis, quand tous les riches se l'étaient procurée, le laboratoire pharmaceutique à l'origine de cette révolution scientifique et philosophique avait décidé de rendre leur trouvaille plus abordable. En quelques mois, sur les 7 milliards d'êtres humains, les trois quarts se l'étaient procurée. 

    La pire invention de de toute l'histoire de l'humanité. Même la poudre, c'était moins stupide. Voilà tout ce que je pensais de cette pilule bleue. Nous sommes donc nombreux à avoir refusé de la prendre et de tenter de convaincre les indécis de ne pas se la procurer. La naissance, la vie, puis enfin la mort. C'est ainsi que la nature fonctionne. Nous mêmes, nous avons été tentés de nous immuniser contre la mort, contre les maladies ... . Oui, car la pilule bleue ne se contentait pas de vaincre le temps, elle venait également à bout des maladies et des blessures les plus graves.

    L'humanité pensait alors avoir enfin trouvé la paix mondiale puisque plus rien ne pouvait renverser les nations. 

    Plus de guerre. Plus de misère ... au début. Et puis l'enfer. 

    Si la pilule bleue nous épargnait la mort, elle ne nous épargnait pas les douleurs. Elle ne comblait pas la faim ni la soif, elle ne comblait pas la souffrance d'une plaie béante ... elle nous rendait immortels mais en conservant tous les maux qu'un corps humain pouvait endurer. La définition même de l'enfer. 

    En 10 ans, l'humanité avait doublé sa démographie. Une catastrophe. Dès lors, plus de la moitié des humains souffraient de faim et de soif, par manque de ressources. Alors, comme une réaction naturelle, l'espèce humaine s'était lancée dans un mécanisme d'auto-régulation de sa démographie ... par les guerres. De véritables boucheries. Très peu de victimes, et de nombreux blessés. Mais les conflits perduraient partout autour du globe. 

    

    C'est dans ce contexte que je rencontra Mélicy. Nous avions alors tous les deux 24 ans et nous nous battions tous les deux pour mettre fin à la distribution massive des pilules bleues. Cette année là, 10 années après les débuts de la pilule bleue, Mélicy et moi consommions notre amour dans un sous-sol d'immeuble, cachés pour éviter d'être retrouvés par la police. Nous étions recherchés pour propagande et actes de violence. Il est vrai que nous avions mené plusieurs opérations coup de poing pour nous faire entendre avec notre groupe. 

    Mais cette nuit là, personne n'allait nous retrouver. Je passais ma main dans sa longue chevelure brune, et mes yeux plongeaient dans les siens. Je m'y suis perdu de longues minutes.

    Et puis ... l'Annonce.

    La planète n'avait plus assez de vivres pour permettre à tous de supprimer la sensation de faim et de soif. Le bonheur avait disparu, mis à part pour les plus riches qui pouvaient encore se gaver de ce qu'ils voulaient. Et comme la guerre ne tuait pas assez de monde (elle y parvenait toutefois un peu, à condition de se voir infliger une blessure nous tuant sur le coup), il n'y avait qu'une seule autre solution : le contrôle des naissances. Pire, elles furent interdites, mis à part pour nos élites. Ainsi fut créée la pilule rose, rendant toutes les femmes stériles. . Quelle ironie. Une pilule rose, la couleur de l'amour, pour empêcher l'acte d'Amour le plus abouti, la création de la vie.

    La pilule rose fut dorénavant obligatoire. Quand nous avons appris l'Annonce avec Mélicy, nous nous sommes regardés et sans nous parler, nous nous étions compris. Il était hors de question que la femme que j'aimais n'avale une de ces satanées pilules. Ils avaient saccagé le monde avec la pilule bleue. Ils voulaient maintenant l'achever avec la pilule rose. La suppression de l'Amour. Du Bonheur. L'enfer sur Terre. Nous étions révoltés parce qu'un petit groupe de personnes, sous prétexte de gagner de l'argent, avaient bouleversés à jamais nos vies. Ils avaient supprimé la possibilité ... d'aimer la vie. Pire encore, la plus grande partie de la population avait accepté son sort. Seule Les Amoureux avaient décidé de résister. Avec Mélicy, nous avions donc décidé de rejoindre le groupe révolutionnaire anarchiste. De ce fait, Mélicy était devenue hors la loi pour non prise de pilule rose, et moi pour complicité.

    Le groupuscule Amour organisait plusieurs types d'actions. Nous diffusions des tracts dans les longues files de femmes qui attendaient pour prendre à leur tour la pilule rose. Les actes les plus violents consistaient à perpétrer des attentats contre la Life Corporation, la société qui avait développée les deux pilules destructrices. Avec Mélicy, nous faisions partie des plus violents. 

    Un jour de forte chaleur d'été, nous étions décidés à attaquer l'un des sièges de la Life Corp. Mais notre opération avait fuité quelque part. La police et l'armée nous attendaient. Quand nous avions compris ce qu'il se passait, que tout était perdu, nous avons couru. Nous avons couru plus vite que jamais auparavant. Notre petit groupe s'était totalement éclaté. Certains avaient été arrêtés et les autres, comme nous, avaient fuis. C'est alors que nous avions trouvé refuge dans un vieil hôtel délabré. Ici vivait une bande de jeunes junkies qui se shootaient tous les jours à l'héro. Là, nous avons passé la nuit la plus étrange de nos vies. 

    Lovius, un type encore plus dérangé que les autres, nous avait parlé d'Elle. Elle. Le nom d'une ville nouvelle. Une cité au milieu du désert. Une cité secrète où personne n'avait prit la pilule rose et très peu la pilule bleue. La cité prospérait grâce à une grande oasis. On pouvait tout y cultiver, y compris la meilleure herbe de la planète, dixit Lovius. 

    Mais avec Mélicy, nous n'avions cure des divagations d'un type qui planait mieux que les oiseaux. Toutefois, la curiosité nous avait piqué. Ou plutôt, nous voulions pousser Lovius dans ses retranchements pour lui faire comprendre que ce qu'il disait n'avait pas vraiment de sens. Alors nous lui avons demandé qui lui avait parlé de cette cité secrète. Là-dessus, Lovius éclata d'un rire forcé et presque démoniaque, puis il sorti de la poche arrière de son jean troué une carte. Elle. Au milieu du désert. 

    Le regard de Mélicy croisât le mien. Tous les deux étions surpris de la réponse. 

    Elle ...

    _ Qui t'as donné cette carte ?

    _ Vous me croiriez pas mes amis.

    Lovius était plus excité qu'un gosse la veille de Noël. 

    _ Il n'existe que quelques cartes mes amis. Elles sont transmises qu'entre jeunes anarchistes, qui veulent vivre loin de toutes ces conneries. 

    _ Et pourquoi est ce que cette ville a été nommée Elle ? demanda Mélicy.

    _ Parce qu'Elle est le dernier espoir des femmes. 


    Lovius nous confia la carte. Il nous faisait confiance pour ne la donner à personne d'autre. Quelques jours durant, nous hésitions à partir à la recherche d'Elle. Au milieu du désert. Fallait-il donner du crédit à un type en plein bad trip ?

    Mais la réponse à la question était évidente. Le monde entier était en plein bad trip. 

    Alors, avec Mélicy, nous marchons dans le désert à sa recherche. Elle.

    

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