Prologue

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— Attends-moi ! Tu vas trop vite !

— Je ne vais pas trop vite. Tu es tout simplement trop lente !

 Il partit de suite à toute vitesse et sa silhouette se fondit dans les profondeurs de la forêt verdoyante. Essoufflée et épuisée, tu décidas de l’attendre près du cerisier. Le spectacle qui s'offrait à toi t'émerveillait : le plafond de l'île était un dégradé de couleurs claires et attrayantes. Violet, rose pâle, orange, rouge, rose pétillant, ainsi que des traces blanches et une boule de feu dominant ce tableau.

 La nuit tombait. Il ne revint pas. Avait-il rejoint le village sans t’avoir attendue ?

 Les êtres de la forêt chantaient de toutes leurs voix : qu’elles soient fortes, faibles, aigües, silencieuses. Les ténèbres s’étaient abattues à si grande vitesse sur l'île que tu n’eus pas le temps de réagir. Au travers de l'obscurité, tu pouvais remarquer des lumières vacillantes, des teintes rougeâtres à orangées.

 Mais d’où viennent ces lumières ?

 Telle était la première question qui te vint à l’esprit. Tu te levas et escaladas l’arbre afin de mieux visualiser le dégradé ardent dans le sombre monde.

 Elles proviennent du village. Je ferais mieux d’y retourner rapidement…

 Un sentiment de panique t'envahit. Tu sautas du cerisier et courus sur les infimes sentiers battus. Les petites pierres pointues t’écorchaient les pieds nus, mais tu ne te plaignais pas. Ton estomac se serra. Un goût désagréable se faisait sentir dans ta gorge, se mêlant à ta salive. Un mauvais pressentiment faisait battre ton cœur à pleine vitesse. Ton rythme cardiaque s’accéléra à tel point que tu eus du mal à respirer. La course n’arrangeait rien au problème. Les pieds ensanglantés et les cheveux pleins de feuilles claires, tu atteignis presque l’orée de la forêt, du côté gauche de la Rivière Rosée qui devait ce nom atypique aux galets rose clair tapissant son fond.

 Plus tu t’approchais de la sortie, plus tu sentais la chaleur sur ta peau déjà brûlante. Des petites poussières noires et désagréables te collèrent la peau. Le vent soufflait depuis le nord. Tu restas cachée derrière un large pilier de bois du rempart, la peur et l’angoisse t’envahissant à petit feu. Tu ne pouvais te contrôler davantage. Un voile humide recouvra tes yeux. Tu voyais flou. L’eau ruissela sur tes pommettes, mouilla tes joues et ton cou. Le goût salé de tes larmes envahit ta bouche sèche. Tu avalas difficilement le peu de salive réapparue grâce aux gouttes salées. Ton estomac travaillait durement, il tournait dans tous les sens. Le mauvais goût s’accentuait de plus en plus. N’aie pas peur, te répétais-tu.

 Puis à cette pensée, l’image d’un grand homme à l'allure athlétique te vint à l’esprit. Un sourire radieux gravait son visage habituellement dur. À son bras gauche, une jeune femme au teint aussi clair qu’un mort te souriait également. Leurs voix résonnèrent dans ton esprit. Des paroles remplies de chaleur, de tendresse et de réconfort te redonnèrent courage et confiance en toi.

— Ma petite louve, que se passe-t-il ? commença l’homme à l’air grave.

— J’ai fait un horrible cauchemar. Des méchantes personnes attaquaient le village. Tout le monde mourait. J’étais toute seule face à un méchant monsieur… Et… Et…. Tu n’étais pas là. Une dame se tenait à côté du monsieur méchant. Elle avait un regard méchant elle aussi. Tu n’étais pas là. On me faisait mal. Personne ne m’aidait. Tu n’étais pas là. La dame ne faisait rien non plus. On aurait dit qu’elle riait. Tu n’étais pas là. Je ne reconnaissais personne… Les visages étaient invisibles sauf les yeux. Les yeux étaient rouges. J'aurais voulu que tu sois là. Pourquoi je ne te voyais pas…

Abasourdi par cette histoire, l'homme te prit dans ses grands bras et te réconforta en te serrant autant qu’il fallait pour que tu cesses de pleurer. La femme regardait la scène, contrariée par l’histoire.

— Mais comment peut-elle cauchemarder ainsi à son âge...

Elle appuya un lourd regard sur l’homme qui avait tourné sa tête dans sa direction. Il lui fit signe de se taire et de le laisser régler cette histoire. Il te prit le visage dans ses deux mains fortes, essuya les larmes ruisselantes sur tes joues grâce à ses deux pouces. Il te fit lever la tête et te regarda dans les yeux.

— Quel cauchemar… Mais n’aie pas peur, je serai toujours là pour toi. Peu importe où tu seras, ma petite louve. Tu es tout ce que j’ai, jamais je ne te laisserai seule. Tu m’entends ? Jamais ! Je t’aime tellement… Tu m’es plus précieuse que ma vie elle-même. Je me sacrifierai pour toi s’il le fallait, car tel est mon rôle. Oui, il existe des individus inhumains, leur cœur est sombre et cruel. Mais je serai là pour les arrêter et les empêcher de nuire. Je ne veux pas voir les sourires lumineux s’assombrir. Le tien est le plus beau et lumineux de tous, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu le gardes.

— Mais, s’il t’arrivait quelque chose… Je deviendrais quoi moi ? pleuras-tu, déboussolée.

— Garde ce sourire qui me donne la joie de vivre. De là-haut, je veux pouvoir admirer ton énorme courage, ta fierté et ton bon cœur qui fait de toi quelqu’un de spécial. Je veux que tu sois une véritable combattante, une grande cheffe respectée. Je veux être fier de toi. Tu me l’as dit toi-même : « Je promets d’être comme toi ! Aussi forte et vaillante que toi ! Je n’aurai peur de rien ! Je les vaincrai tous et un jour, c’est moi qui te sauverai la vie ! ». Et tant que tu n’auras pas tenu cette promesse, je resterai à tes côtés. D’accord ?

— Compris ! Je continuerai de sourire pour toi, et toi seul ! t'exclamas-tu avant de te recoucher.

L’homme et la femme s’inclinèrent au niveau de ta tête, leurs visages souriants. Ils t’embrassèrent avant de partir dans la pièce à côté. Tu t’endormis, l’esprit paisible et prête à tout pour le rendre fier.

 Tu essuyas l’humidité recouvrant ton visage de ta main droite. De l’autre main, tu secouas tes cheveux pour te débarrasser de la végétation. Tu tapas un bon coup sur tes joues pour retrouver tes esprits. Sous ton bout de tissu qui te servait de robe, il y avait un petit couteau que tu emportais partout pour te défendre si un animal t’attaquait dans la forêt. Tu le retiras de son étui. Tu regardas pendant quelques minutes la lame sale mais affûtée, et soufflas pour retrouver l'hardiesse qui t'animait habituellement.

 Enfin requinquée, tu te relevas sur tes petites jambes et une énergie incontrôlable t’envahit en l’espace d’un instant. Ton moral était à bloc. Ton caractère entêté et téméraire, peu apprécié par ton entourage, refit surface. Le petit couteau dans ta main maîtresse, tu te mis à courir pour atterrir face à la première maison du village. Du moins, ce qu’il en restait.

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