Mélas Cartocus

4 minutes de lecture

La nuit venait de tomber sur Drakenvik lorsque l'homme en cape grise se présenta devant la palissade qui en protégeait l'accès. Une fois devant l'entrée, il chercha vainement du regard un homme de garde ou une cloche pour annoncer son arrivée. En désespoir de cause, il se mit à marteler l'entrée du poing.

— Holà ! cria-t-il. Il y a quelqu'un par ici ?

Un bruit de pas lourd et lent se fit entendre. Puis, une voix lança en mauvais breton...

— Quoi tu veux ?

— L'hospitalité.

— Être seul ?

— Ouvre la porte et tu le verras bien, puisque tu n'as pas le temps de grimper sur la tour pour t'en assurer.

— Être seul ? répéta la voix avec impatience.

— Oui, être seul ! repris l'homme en cape grise. Je suis un ami d'Audrunn Grimssdottir. Alors, tu ouvres ?

La porte s'entrouvrit enfin. L'étranger s'engoufra à l'intérieur pour se retrouver face à deux guerriers nordiques à la mine patibulaire.

— Par là, fit l'un d'eux en désignant une grande maison. Kvankörpr !

— Ah, la femme aux corbeaux, reprit l'étranger. Et bien merci mon brave.

Le nordique ne répondit pas, le voyageur suivit la direction indiquée. La porte de la maison était ouverte, il n'y avait pas de garde à l'entrée.

— Entre, visiteur ! fit une voix de femme en Breton. Je n'ai jamais refusé un peu de ragout à un mendiant, fut-il esclave en fuite ou voleur, alors pourquoi pas un Breton ? Tu es venu pour connaître ton avenir ?

L'homme répondit dans le le langage des hommes du nord.

— Merci de m'accueillir, femme aux corbeaux, répondit le visiteur. Je suis un ami d'Audrunn et j'ai appris qu'une expédition se préparait.

— Un ami d'Audrunn dis-tu ? Et un ami qui s'est donné la peine d'étudier la langue de son peuple ? Retire ta cape, que je voie ta bobine et ton allure.

L'étranger obéit, c'était un tout jeune homme d'une vingtaine d'années aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Il avait des vêtements élégants, des mains fines et une bague de cuivre ornée d'un brillant à l'index gauche. En face de lui se tenait Frilvorg Anjarsdottir, plus connue sous le nom de "femme aux corbeaux". Elle était vêtue d'une cape de tissus noire cousue de centaines de plumes de corbeaux, son visage portait le maquillage de sorcières. Une authentique sorcière...

— Un jeune homme bien propre et bien habillé, fit la sorcière en inspectant le jeune homme. Certainement un aristocrate ou un mage... Je pencherais plutôt pour le mage. Sais-tu que ma fille a déjà un ami ? C'est le fils du charbonnier et il s'appelle Hrafn, ce qui veut dire "corbeau". Son père lui a donné ce nom parce qu'en le prenant dans les bras pour la première fois, il l'a recouvert de suie et il était noir comme un corbeau. A quoi tient le destin n'est ce pas ? S'il l'avait appelé "Pie" ou "Charbon", je n'aurais jamais autorisé ce gamin à adresser la parole à ma fille. Enfin, je m'en veux de gâcher tes espoirs, mais la place est prise... Mais que cela ne t'empêche pas de manger et boire de tout ton saoul, tu es mon invité... à condition que tu daignes me dire ton nom car on prétend que le mauvais sort s'acharne sur ceux qui accueillent les hommes sans nom.

— Mon nom est Melas Cartocus, fit le jeune homme en s'installant à la place indiquée, et je suis effectivement un mage. Je peux vous rassurer Dame Kwankorp, je suis un simple ami, rien de plus.

Une servante déposa une écuelle de ragout fumant devant le jeune magicien, tandis qu'un serviteur lui remplit un gobelet de bière. Mélas essayait tant bien que mal de rester naturel, mais il était le centre d'attention de toute la maisonnée.

— Tu peux m'appeler Frilvorg, Melas, fit la sorcière. Ah, l'amitié sans arrière-pensée entre un homme et une femme, je n'y crois pas... sauf quand l'un des deux est beaucoup plus âgé que l'autre mais dans ce cas, c'est plutôt une relation de mentor à disciple. Audrunn m'a parlé de sa formation chez les mages bretons. Elle m'a longuement parlé de son mentor Endrel Zastragen, l'ambitieux qui rêve de s'emparer du bâton du Maître des Vents ; d'Orik Colmer, le Maître de l'Eau et même de ton père, Chasen Cartocus, le Maître du Feu. Pourquoi es-tu venu, Mélas Cartocus ? J'avoue que cela m'intrigue...

— D'après la rumeur, il y a un capitaine de Drakenvik qui apprécie les érudits à leur juste valeur. Comme j'ai étudié la magie en compagnie d'Audrunn, j'ai pensé qu'elle pourrait m'en dire plus à son sujet et me le présenter.

— Ces rumeurs ne datent pas d'hier, pourquoi venir seulement aujourd'hui ?

— Notre école de magie a fermé ses portes, répondit Mélas. C'est maintenant que j'ai besoin de trouver ma route.

— Et tu espères trouver "ta route" chez les pirates ? Intéressant ! Ce soir, Audrunn n'est pas là. Elle s'est mis dans la tête de rejoindre l'équipage de Thornald pour être près de son "corbeau"... Au fait, Thornald est justement le capitaine qui s'intéresse aux érudits, le hasard fait bien les choses. Tu les verras demain, parce que ce soir, ils sont tous chez Hjarulf qui a organisé un petit banquet en leur honneur. Mais en attendant, je suis sûre que toi et moi avons beaucoup de choses à nous raconter.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 12 versions.

Vous aimez lire Vendarion d'Orépée ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0