Sorcière

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Etendue dans l'obscurité, Hermione ne dort pas. Elle entend à sa respiration que Drago non plus. Tous deux restent là, pressés l'un contre l'autre, à attendre que le jour se lève dans le silence. Le grand jour.

– Tu penses encore à ton entretien avec Harry ? demande soudain la jeune femme, incapable de supporter cette attente plus longtemps.

– Non, répond Drago.

Il a la voix rauque d'une long nuit passée à confronter sa mère et ses démons.

– Je pense à ce qui va se passer après. Pour toi. Pour moi. Quelle sera la prochaine étape de nos vies après aujourd'hui.

Hermione se redresse sur un coude :

– Harry a promis qu'il t'aiderait. Il le fera : tu le sais, n'est-ce pas ?

– Ce n'est pas sa promesse qui m'inquiète. Ce sont tous les gens qui se mettront en travers de son chemin pour que la vérité n'éclate pas... Tout ce beau petit monde qui a tout intérêt à ce que Narcissa Malefoy demeure dans l'oubli.

– Le souvenir existe : tu en as la certitude. Ton père a vu ce qu'il s'est passé. Il suffit d'obtenir son souvenir pour gagner toutes les preuves dont tu as besoin.

Drago soupire. Contemplant la jeune femme, il l'attire à nouveau contre lui :

– Je ne veux pas parler de mon père maintenant. Ce n'est pas ma journée, aujourd'hui. Concentre-toi sur toi. Je suis là, avec toi. Il n'y a que toi qui comptes.

– Je suis terrorisée...

– Je comprends. Mais quoi qu'il arrive... Souviens-toi que le résultat sera toujours meilleur que l'état dans lequel tes parents se trouvaient avant. D'accord ? Même s'ils ne comprennent pas les souvenirs que nous venons de leur implanter, même s'ils ne comprennent pas ce que cela signifie que tu sois leur fille et que tu sois une sorcière... Au moins, à présent, ils peuvent vivre. Parler, marcher, penser. Ils ne sont plus vides. Et tout cela, c'est grâce à toi.

Tremblante d'émotion, Hermione acquiesce en s'efforçant de ne pas pleurer. Si elle ouvre les vannes maintenant, quelque chose en elle lui dit qu'elle ne s'arrêtera plus avant la fin de la journée. Elle se redresse donc sur un coude, et gratifie Drago d'un baiser très doux :

– Et grâce à toi, souffle-t-elle.

Alors, dans la quiétude de l'aube, tous deux se lèvent, s'habillent, et transplanent à l'hôpital Sainte-Mangouste, où Jonathan et Edith Granger attendent enfin de renouer avec leur fille.

A leur arrivée à l'hôpital, les couloirs sont déjà bondés. A croire qu'ils ne sont pas les seuls à s'être levés aux aurores pour assister au miracle : Hermione Granger, héroïne de guerre, retrouvant enfin ses parents guéris de la malédiction qu'elle leur a elle-même jetée... Il y a comme un parfum de tragédie grecque.

Par un concours de circonstances extraordinaires, quelques journalistes sont même présents sur place, comme si l'histoire avait fuité des couloirs de l'hôpital : aujourd'hui, il y aura du sensationnel ! Aujourd'hui est un grand jour.

Tant pis : Hermione est trop obnubilée par l'entretien à venir pour se soucier de cette violation ultime de sa vie privée. Elle sait de toute façon déjà qu'elle peut compter sur son personnel soignant pour interdire l'accès des coursives aux curieux. A ses côtés, elle sent bien que Drago brûle de leur sauter à la gorge à tous, mais la perspective d'être reconnu et de faire ainsi la une de tous les journaux le retient.

Tandis qu'ils gravissent un à un les étages qui les conduiront à ses parents, Hermione a l'impression d'être prise dans un immense tourbillon. Les marches tournoient autour d'elle, brouillent sa vision des perspectives, mélangent tout : passé, présent, avenir, espoir et souvenir, déception, bonheur et terreur...

Elle a tellement peur de ressentir que son esprit vire au blanc, incapable de réfléchir, si ce n'est à cette rencontre qui l'attend dans les secondes à venir. Quatrième étage. Ils sont là. Enfin.

Comme dans un rêve, Hermione remonte le couloir qui conduit à la petite salle de séjour où ils ont fait se réunir Jonathan et Edith, quelques temps plus tôt. Tout s'était si bien passé, à cet instant... Depuis, le traitement n'a cessé de fournir à Jonathan et à Edith des souvenirs communs, et même si leurs avis divergent parfois, leurs cerveaux semblent assimiler cette masse d'informations et accepter de se reconnecter l'un à l'autre. Ils ne forment pas vraiment un couple : leur état de confusion mentale est sans doute bien trop important pour qu'ils osent se lancer dans ce genre de relation. Non, ils ressemblent plutôt à deux enfants, deux amis d'enfance livrés seuls au milieu d'un océan tourmenté, se reposant l'un sur l'autre pour émerger.

C'est ainsi qu'ils apparaissent à Hermione, lorsqu'elle s'avance enfin derrière la vitre sans tain. Jonathan et Edith sont déjà là. Assis à la petite table où ils ont bu le thé pour la première fois en dix ans, à l'exception notable que cette fois, ils sont côte à côte. Le siège vide en face d'eux n'attend plus qu'elle. Ils se tiennent la main sans quitter la porte d'entrée des yeux, le corps mû par une tension palpable, eux aussi esclaves de l'attente.

Hermione comprend tout de suite que quelque chose ne va pas. Ce n'est pas comme la dernière fois. Lorsque Jonathan attendait nerveusement, anxieusement même, avec la timidité d'un jeune homme, de revoir son épouse de longue date. Ou encore lorsque Jonathan et Edith, après l'injection des premiers souvenirs de leur petite fille, n'ont cessé de réclamer à cor et à cris le droit de la revoir, même si celle-ci avait déjà atteint l'âge adulte. Non, cette fois-ci, l'émotion qui se dégage du corps uni de Jonathan et Edith Granger, c'est la défiance.

Jonathan, surtout. Jamais Hermione n'a connu à son père une expression aussi dure. Elle ignorait même que ses traits puissent prendre une telle configuration : le regard perçant, la pupille tranchante, prête à s'enfoncer jusqu'au plus profond de son âme pour y déceler le mensonge...

C'est de cela dont il est question, sans aucun doute : le mensonge. Les derniers souvenirs implantés à Jonathan et Edith quelques jours plus tôt les ont ramenés aux onze ans de leur fille, à sa réception de sa lettre de Poudlard, et à ses années de scolarité en tant que sorcière... Dans un esprit déjà embrumé comme le leur, il n'est pas surprenant que le doute se soit insinué dans toutes les failles de ces images extraordinaires. De quoi révéler à Jonathan et Edith que leur absence de mémoire résulte d'un sortilège de leur fille, et non d'un accident. De quoi leur révéler que les traitements qu'on leur administre sont en réalité des souvenirs reconstitués, artificiels, élaborés par un étranger dans le secret d'un laboratoire dont ils ignorent tout...

– N'oublie pas, Edith, souffle Jonathan à son épouse. Je sais que c'est très dur, mais nous devons garder une distance. Tu comprends ? Au moins le temps de comprendre ce qu'ils nous ont mis dans la tête...

– Oui, je comprends...

Aux côtés de son mari, Edith apparaît visiblement en retrait, plus circonspecte. C'est l'espoir d'une mère qui brille encore dans ses yeux. Elle voudrait y croire, vraiment. Mais elle doute.

Derrière la vitre sans tain, Hermione se crispe irrépressiblement. Quelles réponses pourrait-elle apporter aux questions qu'ils doivent immanquablement se poser ? Comment ne pas avoir l'air d'une usurpatrice à leurs yeux ? Et surtout, comment supporter le regard glacé de son père braqué ainsi sur elle... ?

Deux mains chaudes viennent se poser sur ses épaules :

– Détends-toi, murmure Drago, et rien que son odeur au creux de son cou la rassure.

Hermione ferme les yeux. L'espace d'un instant, elle se laisse aller à l'amour qu'elle éprouve pour cet homme. Un amour pur, brut, profond, un amour qui l'a sauvée de tout. Elle délaisse toutes leurs inquiétudes à tous les deux, toutes leurs incertitudes, les siennes comme celles de Drago. Elle arrête le temps, rien qu'un tout petit moment... Le temps de puiser ce courage en elle, en eux, pour partir à la rencontre de ce qu'elle désire et de ce pour quoi elle s'est battue durant ces dix dernières années.

– Tout ira bien, ajoute Drago en la faisant se retourner pour la contempler. N'importe qui voudrait t'avoir pour fille. Et personne ne pourrait douter de ta sincérité envers eux... Ils le verront, eux aussi. Ils liront dans tes yeux comme j'ai lu en toi. Ils verront à quel point tu les aimes, et tout ce que tu as sacrifié pour eux. Ils comprendront.

Hermione acquiesce. Cette fois, elle n'a pu les retenir : deux larmes symétriques coulent sur ses joues.

– Je l'espère, ose-t-elle tout juste répondre.

Elle tend les bras pour enlacer Drago par le cou et lui donner un long, un vibrant baiser au goût de sel et d'avenir.

Alors seulement, Hermione Granger sèche ses larmes, et elle ouvre la dernière porte qui la sépare encore de ses parents.

Dès la seconde où elle entre, Jonathan se redresse et Edith sursaute. Leurs deux mains ne se lâchent pas. Hermione reste quelques instants immobile, le temps de les laisser s'habituer, elle comme eux, à leur présence réciproque dans cette même pièce. Une partie d'elle n'arrive toujours pas à y croire. Elle craint à tout moment de se réveiller, et de constater que tous ses efforts auront été vains. Son cœur bat si fort dans sa poitrine qu'elle le sent résonner jusque dans sa boîte crânienne. Enfin, après tout ce temps, elle les voit...

Ce n'est pas comme de les observer tel un spectateur objectif à travers une vitre. Ce n'est pas comme concevoir soigneusement les souvenirs qui leur seront implantés. Non, cette fois, ils partagent le même espace, le même air. Jonathan Granger fixe son regard d'obsidienne sur elle, et contrairement à ce qu'elle avait redouté, Hermione en pleurerait presque de joie. Peu importe l'expression associée à ce regard : c'est la première fois que son père la regarde, la regarde vraiment, avec intentionnalité et conscience, depuis plus de dix ans.

– Bonjour, laisse échapper Hermione dans un sanglot.

Elle voudrait rire et pleurer en même temps. Elle n'a plus le contrôle de son corps, et encore moins de ses émotions. Ils sont là, ce sont eux. Elle les a retrouvés. Elle les a retrouvés...

Devant elle, Edith se lève tout à coup et articule elle aussi, la gorge serrée :

– Bonjour, Hermione.

On sent tout le poids de sa réserve dans ces quelques mots. Toutes les mises en garde de son mari, et les hésitations que son propre esprit a dû générer. Mais il y a aussi un désir fou de l'approcher, de la toucher. D'unir sa main à la sienne, leurs voix, leurs larmes. Tout ceci est réel. C'est ancré en eux plus profondément que la chair humaine. C'est ce quelque chose d'indéfinissable qu'Hermione a tellement cherché à recréer.

– Edith, intervient Jonathan Granger.

D'une pression de sa main, il fait rasseoir sa femme, tandis que lui-même ne bouge pas. Hermione comprend. Elle sait en soutenant son regard si semblable au sien qu'elle devra se soumettre à son jugement, passer l'épreuve, et elle l'accepte. C'est à lui qu'elle demande :

– Vous permettez que je m'assoie ?

Jonathan acquiesce. Moins sèchement qu'il ne l'aurait voulu, sans doute. Une partie de l'émotion que ces retrouvailles suscitent en lui commence à transparaître sous sa façade lisse. Il doit le sentir, car il attaque aussitôt :

– On nous a injecté notre dernier traitement il y a quelques jours. Et les souvenirs qui nous sont revenus étaient... fous. Complètement fous.

– Je sais.

Hermione peine à trouver ses mots. Elle en oublierait presque comment s'exprimer. Son père s'est adressé à elle : il lui a parlé ! A quand remonte son dernier échange avec lui... ?

Hermione se souvient toujours de sa voix douce et calme, lorsqu'il lui lisait les classiques de Shakespeare devant la cheminée, dans leur petite maison de la banlieue de Londres. Elle se souvient avoir trouvé refuge et conseil auprès de lui dans ses moments de doute, lui qui lui paraissait toujours si sage et posé dans tous les aspects de sa vie. Elle se souvient qu'il trouvait toujours les mots justes, à chaque fois. Il portait un regard vaste et ouvert sur le monde qu'elle lui admirait. Elle aurait volontiers échangé sa mémoire phénoménale contre un fragment de sa sagesse à lui...

Que reste-t-il de tout cela aujourd'hui ? Cet homme plus fébrile, plus démonstratif, plus impulsif aussi, cet homme qui déploie humour et malice auprès de sa mère et des infirmières, mais capable de tant de froideur à son égard, est-ce vraiment toujours son père ?

Ce n'est que l'une des questions auxquelles Hermione redoute de répondre. Il le faudra pourtant :

– Je sais que les derniers souvenirs qui vous sont revenus ont dû être très perturbants pour vous..., commence-t-elle. Je sais que vous avez toutes les raisons du monde de les remettre en cause, et que vous devez vous poser un millier de questions... Mais je suis là pour y répondre.

Elle ose ajouter, avec un humour hésitant :

– J'ai toujours adoré répondre aux questions.

Edith esquisse un sourire. Jonathan, lui, se durcit encore plus :

– C'est une histoire de fous, articule-t-il. Nous ne savons plus quoi croire. Tu es censée être quoi ? Une sorcière ? Avec des pouvoirs magiques ? Une baguette, un balai et un chapeau pointu ?

Hermione hausse les épaules. Elle se sent piteuse sous le regard de son père, et elle n'a rien d'autre à lui opposer que sa stricte sincérité :

– Oui, répond-elle simplement.

Cela a le mérite de déstabiliser Jonathan, qui garde le silence quelques instants. Hermione contemple sa mère. Elle aussi, elle a changé. Auparavant, la réserve n'aurait pas été son refuge. Elle aurait donné son avis, elle aurait agi, et jamais Jonathan n'aurait osé commander sa conduite... Mais dans ce tourbillon de souvenirs nouveaux qui lui a été implantés, elle semble s'être raccrochée à son mari comme à la seule bouée de sauvetage disponible, et elle se cramponne à lui désormais sans franchir son interdit.

– Je sais que c'est difficile à croire, se risque alors à reprendre Hermione. Je me souviens très bien du jour où nous avons reçu ma lettre de Poudlard... C'était incroyable. Mais une partie de moi, déjà à cette époque, savait, je crois... Je savais qu'il y avait quelque chose d'autre en moi. Et vous le saviez, vous aussi. Passée votre surprise, vous avez réagi comme si tout prenait enfin sens.

– C'est ce que tu nous as implanté dans la tête, pas vrai ? réplique Jonathan, acerbe. C'est la réaction que tu voudrais que nous ayons encore aujourd'hui, grâce à ce souvenir que tu nous as gravé dans le cerveau au fer rouge ?

Hermione ouvre la bouche. La referme. Ses larmes ont cessé de couler. Le choc et la nécessité de se défendre ont stoppé le mécanisme en elle. Elle s'efforce, autant que possible, de faire remonter la Médicomage qu'elle incarne :

– Ce serait peut-être mieux si je vous expliquais tout depuis le début, propose-t-elle.

– Tu veux dire nous raconter comment tu nous as implantés de faux souvenirs ?

– Je t'en prie.

Elle plante son regard dans celui de Jonathan. Elle repousse sa peur :

– Ecoute-moi.

Elle joue sur ses souvenirs en disant cela. L'écoute, l'une des qualités principales de Jonathan Granger. L'une des valeurs qu'il défendait à tout prix autrefois, et qu'il a inculquée à sa fille. Combien de scènes d'échanges et d'écoute Hermione a-t-elle recréées de mémoire pour lui, dans son petit bureau à la lumière tamisée, encombré de livres ?

Jonathan sait tout cela. Son instinct le guide vers ces souvenirs, lui rappelant à la fois leur contenu et leur artifice, ce qui provoque un conflit en lui. Il acquiesce malgré tout. Alors, Hermione se lance :

– Je suis née le 19 septembre 1979, commence-t-elle, en débutant effectivement par le commencement. Dès ma petite enfance, vous avez remarqué que je n'étais pas une enfant comme les autres. Je pouvais... déplacer des objets sans les toucher. Faire fleurir le jardin de Maman. Réchauffer le thé de Papa.

Elle ne les lâche pas des yeux, l'un comme l'autre, en disant cela.

– A onze ans, reprend-elle, j'ai reçu une lettre. Elle nous a été apportée par un hibou. Elle était cachetée à la cire, sur du vieux parchemin qui sentait bon, et rédigée à la main. Elle me révélait ce que je soupçonnais déjà au fond de moi : que j'étais une sorcière. Qu'il existait un autre monde au-delà de celui que je connaissais. Et que j'en faisais partie.

Hermione inspire profondément :

– Je suis partie étudier à Poudlard, dans cette école où l'on devait m'enseigner la magie. Vous étiez fiers, tous les deux. Ça a été dur de vous quitter, mais... Vous m'écriviez sans arrêt. Vous m'avez vu grandir, et devenir une jeune femme. Même si j'étais une sorcière, cela n'a jamais distendu le lien qui nous unissait vous et moi. Même lorsque les choses allaient au plus mal...

Hermione baisse les yeux. Il est très rare pour elle d'aborder cette période de son existence. Cela lui donne envie de puiser du courage en Drago, et inconsciemment, elle tourne la tête vers la vitre sans tain où elle sait qu'il l'observe :

– Au fil des années, des événements sinistres ont commencé à se produire dans la communauté sorcière, reprend-elle. Des personnes dangereuses menaçaient de s'en prendre aux gens comme moi : les sorciers nés de parents non-sorciers... Ils menaçaient de s'en prendre à vous, aussi. J'ai dû agir. A l'aube de ma septième année à Poudlard, j'ai décidé de me jeter dans cette guerre qui déchirait la communauté sorcière, pour m'assurer que jamais, jamais les forces du mal ne triompheraient. C'était un énorme risque. Et un énorme sacrifice. Pour vous protéger, je vous ai jeté un sort afin de vous convaincre que je n'avais jamais existé... Afin de vous convaincre d'aller mener une autre vie, loin de l'Angleterre... Mais le sortilège a mal tourné.

Hermione est contrainte de reprendre son souffle une nouvelle fois. Elle ne sait pas si elle pourra soutenir le regard de son père à cet instant. Tout au long de son récit, elle s'est efforcée de rester aussi terre-à-terre que possible, d'éviter les mots « mage noir », « Moldus », « Sang Pur », « Voldemort », « Horcruxe » et « Elu », mais elle ne peut plus se dérober désormais, au moment d'avouer la vérité :

– Lorsque je suis rentrée de la guerre, vous n'aviez plus le moindre souvenir. Le sortilège avait dévoré tout ce qui faisait de vous des êtres d'amour et de pensée. Vous n'étiez plus rien, rien que des coquilles vides... Cela m'a brisé le cœur.

Elle n'a pas besoin de forcer son émotion en disant cela. Elle aperçoit du coin de l’œil Edith qui, la voyant fondre en larmes, esquisse le geste de lui prendre la main avant de se retenir.

– Je m'en suis voulue à un point que vous ne pouvez même pas imaginer, confie alors Hermione.

Les mots s'échappent d'elle, aussi brûlants que ses remords. Combien de fois a-t-elle imaginé, dans ses rêves les plus fous, pouvoir tenir enfin cette conversation ? Combien de fois a-t-elle imaginé pouvoir demander pardon... ? Implorer ses parents, les supplier de comprendre, et de lui pardonner pour ces dix années de leur vie gâchées...

– C'était comme si je vous avais tués, poursuit-elle, incapable de s'arrêter. Comme si tout ce pour quoi je m'étais battue m'avait été arraché, par ma faute... A partir de ce jour, j'ai su que je ferais tout ce qui était en mon pouvoir, absolument tout ce qui était en mon pouvoir, pour vous ramener à moi.

Elle relève la tête et plante ses iris droits dans ceux de Jonathan :

– Cela a pris beaucoup de temps. J'ai tenté mille solutions. J'ai failli désespérer, plusieurs fois. Et puis un jour, j'ai entendu parlé d'une boutique... D'un artisan capable de travailler sur les souvenirs.

Son cœur se gonfle rien qu'à l'idée de parler de Drago :

– Je suis allée le voir, et il a accepté de m'aider. Ensemble, pendant des mois, nous avons compilé tous les souvenirs que je partageais avec vous. Aussi loin que ma mémoire pouvait remonter, à mes deux ans, quand tu m'as fait goûté un kiwi pour la première fois dans la cuisine de notre premier appartement, Maman.

Edith étouffe un sanglot. Hermione laisse les souvenirs s'épanouir en elle : ce sont ses parents, elle les aime, et elle a tout donné pour eux :

– Je suis allée interroger toutes les personnes qui vous avaient connus. Notre famille. Vos amis. Vos voisins. Vos collègues, vos anciens camarades de classe, vos médecins, et même votre boulanger, votre boucher, votre maraîcher... J'ai parlé à des centaines de personnes. Tous gardaient un si bon souvenir de vous... De minuscules petits fragments de vous, que Drago et moi, nous avons assemblés pièces par pièces. Très soigneusement, et avec toute la minutie possible, nous avons reconstitué ce qu'avait été votre vie, pour que vous puissiez enfin la retrouver. Pour que vous puissiez enfin vivre, marcher, parler, et vous tenir ici devant moi aujourd'hui...

Hermione est émue aux larmes par ses propres mots :

– Jamais je n'aurais cru pouvoir vous reparler ainsi un jour, livre-t-elle, totalement bouleversée. Jamais je n'aurais cru pouvoir retrouver votre regard, vous toucher, échanger avec vous... Mon Dieu, j'ai rêvé de cet instant pendant dix ans, si vous saviez...

Cette fois, Edith lui prend la main. Hermione n'a plus la force de continuer. Elle presse les doigts de sa mère entre les siens et ne les relâche plus.

Un long silence vibrant d'émotions suit ces dernières paroles. Aucun d'eux ne cherche à le briser. Il faut encore du temps pour tout assimiler, pour digérer, comme ces milliers de souvenirs avec lesquels Jonathan et Edith se débattent encore en esprit...

– Ta version colle avec ce que nous avons dans la tête, déclare alors Jonathan.

Hermione se force à relever la tête pour affronter son regard. Elle sait que tout se jouera ici et maintenant :

– Ça ne prouve pas que ce que j'ai dans la tête est vrai, poursuit-il.

Hermione secoue la tête :

– J'avais très peur que vous ressentiez ce genre d'effets secondaires... Mais ils sont normaux. Si j'étais à votre place, je ressentirais probablement la même chose.

D'un geste, Hermione sort sa baguette de la poche de sa blouse de Médicomage et la présente devant elle. Ses parents ont un petit geste de recul :

– Je peux au moins vous prouvez certaines choses, dit-elle. Je peux vous prouver que je suis une sorcière, et que la magie existe. Je peux vous prouver que les souvenirs que nous vous avons implantés ne sont pas complètement fous.

Par une série de petites formules, elle leur démontre alors ce que leur esprit ne pouvait concevoir : lévitation, métamorphose, enchantement...

D'abord tétanisés, Jonathan et Edith se laissent prendre à l'émerveillement lorsqu'Hermione transforme une pile de serviettes en papier en une nuée de petits papillons aussi doux que de la soie, qui les enveloppent et tourbillonnent autour d'eux. Edith se risque même à en saisir un du bout des doigts, et celui-ci dépose sur sa peau une caresse aussi douce qu'un baiser.

– La magie est belle, murmure Hermione. Mais mise entre de mauvaises mains, elle peut aussi faire d'horribles choses... Ce que je vous ai fait était une horrible chose. Même si je ne l'ai pas voulu.

Quittant la main d'Edith, Hermione se risque à saisir celle de son père. Elle ne prête pas attention à son sursaut, ni à la réticence qu'elle lit sur son visage. Elle lui prend la main, simplement comme gage de sa sincérité :

– Je sais que le traitement que je vous ai trouvé n'est peut-être pas idéal, avoue-t-elle. Je sais que nous aurons encore beaucoup d'épreuves à affronter. Mais ce que nous avons là, ici, maintenant... C'est plus que tout ce que vous avez jamais eu en dix ans. Tu peux m'en vouloir d'avoir choisi une méthode approximative, artificielle, biaisée, mais... Je t'en supplie, ne m'en veux pas pour avoir essayé de réparer mon erreur. Ne m'en veux pas d'avoir essayé de vous sauver.

Jonathan avale sa salive. Le doute change de couleur dans son regard, mais il se raccroche à ses convictions :

– Est-ce que tu te rends compte de ce que tu nous as fait ? articule-t-il très lentement. Tu nous as façonné tels que tu voulais que nous soyons. Tu nous as recréés de toutes pièces, comme une poupée désarticulée. Tu as décidé ce que nous devions avoir vécu, pensé, ressenti. Tu nous as imposé l'image du monde que nous voyons. Des gens que nous aimons.

Le regard de Jonathan glisse sur Edith :

– Aujourd'hui, je suis incapable de dire si les mots qui sortent de ma bouche sont les miens ou les tiens. Si mes réflexions sont les miennes, ou le produit de l'esprit que tu as conçu pour moi. Si ce que je ressens proviens de mon âme, ou de l'âme que tu m'as créée...

Hermione sent de nouveau les larmes perler à ses yeux. Comme toujours, son père sait trouver les mots justes. Mais cette fois-ci, ils se retournent contre elle :

– Crois-moi, j'ai pensé à tout cela des dizaines de fois, s'explique-t-elle. Cela m'a gardé éveillée des nuits entières... Mais que voulais-tu que je fasse d'autre ? J'ai essayé de rester aussi fidèle à vous-mêmes que possible.

– Tu veux dire fidèle au souvenir que tu avais de nous-mêmes.

– Oui ! Mais vous êtes mes parents ! Qui d'autre que moi pourrait mieux vous connaître ? Pour quelle raison m'auriez vous caché des pans entiers de votre être que je n'aurais jamais aperçus ?

– Tu n'en sais strictement rien ! Est-ce que tu mesures seulement l'étendue de l'esprit humain ? Comment pourrais-tu espérer en reproduire avec justesse toutes les nuances, tous les replis cachés de l'âme, toutes les pensées que personne ne confie jamais à quiconque ?

– Je savais dès le départ que le tableau serait imparfait ! J'espérais seulement que votre cerveau comblerait les trous par lui-même. Que petit à petit, à l'aide des souvenirs, vous retrouveriez le chemin de qui vous étiez...

– Comment veux-tu que ce soit possible ? Edith et moi, nous constatons déjà des différences énormes entre nos ressentis ! A l'heure qu'il est, je suis incapable de dire qui je suis ! Je ne peux pas faire de projet, je ne peux pas rêver, je ne peux pas espérer ! Je ne sais pas si mes désirs sont les miens ! Si je possède une âme, au-delà de ce... montre de Frankenstein que tu nous as construit !

– Mais qu'aurais-tu voulu que je fasse ? Vous laissez végéter, toi et Maman, jusqu'à la fin de vos jours ? Mettre fin à vos souffrances ? Tu n'as pas vu comment vous étiez à peine quelques mois plus tôt ! Tu n'as pas vécu ce que j'ai vécu ! Vous voir tous les deux, jour après jour, allongés sur votre lit sans bouger, sans parler, le regard dans le vide... A peine capables de respirer par vous-mêmes. Contraints d'être nourris, lavés, habillés, comme un nouveau-né... Si ce n'est qu'un nouveau-né interagit au moins avec le monde qui l'entoure ! Vous, vous restiez là à moisir, à perdre votre vie, seconde par seconde... J'ai dû vous regarder dépérir ainsi, sans espoir de retour, pendant dix ans. J'ai dû soigner vos escarres à force de rester couchés sans bouger. J'ai dû faire travailler vos muscles, changer vos couches, et vous abandonner là soir après soir, comme un morceau de viande que l'on déguise...

Jonathan blêmit à mesure qu'Hermione parle. Toute l'horreur de cette décennie écoulée s'échappe enfin d'elle : les épreuves, la douleur, l'attente interminable, les déceptions et l'espoir, tout, et elle ne peut plus les retenir. C'est un traumatisme qui dépasse ses propres mots. Un cauchemar dont elle peine encore à croire qu'il s'est terminé, pour s'ouvrir sur un autre :

– J'ai mis ma vie de côté, tant je me sentais coupable, sanglote la jeune femme. Je me suis refusé d'avancer. Comment aurais-je pu vivre ma vie, après vous avoir ainsi privé de la vôtre ? J'ai tout sacrifié, parce que je vous aimais... Parce que je vous aime. Je t'en prie, Papa, tout ce que je veux c'est t'aimer ! Tout ce que je veux, c'est faire en sorte que notre vie redevienne comme avant...

Jonathan retire ses doigts un à un, lentement :

– Elle ne pourra jamais redevenir comme avant, dit-il.

Il n'y a pas de reproche ou d'animosité dans sa voix. Ce n'est rien qu'un constat. Il énonce une vérité dont Hermione saisit déjà les aspérités au fond de son cœur :

– Je te crois, déclare alors Jonathan. Je crois que tu es sincère, je crois que tu es une sorcière, et je crois à tout ce que tu nous as révélé. Mais nous ne pouvons pas vivre avec ce que tu nous as fait... Pas tout de suite.

L'espoir meurt et se rallume alternativement dans la poitrine d'Hermione. Elle ne sait pas quels mots elle doit attendre ou redouter. Au final, c'est Edith qui prend enfin la parole :

– Je t'aime, ma chérie, murmure-t-elle. Tout dans mon cœur, mon corps et mon âme me commande de t'aimer. Je veux être ta mère, je veux te serrer dans mes bras et te retrouver. Mais... j'ignore si ce vœu provient réellement de moi. Parce que je ne suis rien qu'un grand vide, sur lequel on a collé une multitude d'images... Je n'arrive pas à m'y raccrocher. Je ne sais même pas si je le devrais, ou si j'en ai envie.

– Mon intellect perçoit l'homme que tu as essayé de recréer, renchérit Jonathan. Je le ressens comme un homme calme, cultivé, solennel... Je ne me sens pas comme ça. Quand je vois ses souvenirs, je me dis que ce n'est pas moi. C'est ce que quelque chose en moi voudrait que je sois. Je ressens comme une obligation, comme une petite voix au fond de mon esprit qui me dit : agis comme ça. Pense comme ça. Désir comme ça. Mais ce n'est pas moi. Ce n'est pas ce que j'ai envie d'être.

Accordant un regard à Edith, Jonathan ose enfin proclamer ce qu'il a sur le cœur :

– Je ne veux pas être ton père, dit-il à Hermione. Du moins, je ne le veux pas pour l'instant. Je ne veux pas être ce dentiste sérieux et littéraire dont tu rêves tellement en me regardant. Je ne veux plus que tout le monde dans cet hôpital me regarde comme s'il s'attendait à ce que j'aie une illumination tout à coup et à ce que je redevienne moi-même du jour au lendemain. Même toi, en ce moment, tu me regardes comme si j'étais un jouet détraqué qui ne récite plus son texte à l'endroit, et j'en ai ma claque ! Je veux vivre ma vie ! Découvrir ce que je veux vraiment !

Comme un brusque tour du sort, Hermione se revoit soudain, brusquement, sur la colline devant le Terrier des Weasley, à jeter à Ron ces mêmes paroles : « Vous vous attendez tous à ce que je redevienne la Hermione que vous avez connue. Celle que vous avez aimée. Mais voilà, je ne suis plus cette personne-là. Et je ne crois pas que je puisse le redevenir un jour. Et je suis fatiguée, fatiguée que l'on me fasse comprendre à quel point j'ai l'air misérable, à quel point j'ai gâché ma vie, à quel point j'ai eu tort, et à quel point j'ai besoin d'être réparée. »

Tremblante de la tête aux pieds tout à coup, Hermione ne retient plus ses larmes. L'évidence se fait jour en elle et lui transperce le cœur :

– Qu'attendez-vous de moi ? demande-t-elle, et c'est comme si sa vie toute entière restait suspendue à cette seule question.

Jonathan et Edith se concertent. Ils n'hésitent pas très longtemps :

– Du temps, réclame Jonathan. Du temps pour refaire notre vie de notre côté, nous remettre, et y voir plus clair. Du temps pour comprendre qui nous sommes désormais, et ce que nous voulons vraiment. Du temps pour exister.

Chaque mot enfonce un peu plus l'épine dans le cœur d'Hermione. Mais elle comprend. Toute la logique en elle comprend ce que son père essaye de lui dire, et même plus. Elle comprend parce qu'elle l'a vécu. Il n'y a rien de pire que le regard d'une personne qui attend que l'on soit ce que l'on n'est plus.

Aussi, doucement, Hermione acquiesce :

– Je crois que ça doit pouvoir se faire, dit-elle très doucement.

Jonathan et Edith se détende. Edith risque même un sourire encourageant envers elle. Déjà, les rouages de l'esprit d'Hermione se mettent en place pour la préserver de la souffrance, qui ne saurait tarder pourtant :

– Il faudra quand même faire attention, indique-t-elle sans plus les regarder. Votre cas est unique, et nous ignorons encore comment vos souvenirs pourraient se comporter sur le long terme... J'ai un numéro de portable Moldu : je vous le communiquerai pour que vous puissiez me joindre en cas de problème. S'il-vous-plaît, n'hésitez pas. S'il se passe quoi que ce soit, appelez-moi. Je viendrai.

Elle attend qu'ils aient tous les deux acquiescé, saisis par son courage et ses paroles graves, avant de continuer :

– Je vais signer tous les papiers. Vous pourrez sortir dès demain. J'ai toujours la maison si vous cherchez un endroit où dormir les premiers temps, mais j'imagine que vous n'en voudrez plus... Vous pourrez la vendre, ça vous fera de l'argent pour démarrer. Bien sûr, vous avez toujours vos économies à votre nom. J'ai tout gardé.

Elle a l'impression de se statufier en disant cela. Plus elle parle, plus son cœur se distance de ce qu'elle est en train de vivre. Mais cela ne durera pas :

– Vous devez vous attendre à ce que l'hôpital garde un œil sur vous malgré tout. Vous serez libres de vos mouvements, mais essayez de nous laisser une adresse où nous pourrons vous joindre... Promis, je ne vous espionnerai pas.

Elle conclut sur ces mots. Elle sait qu'elle ne pourra rien ajouter de plus. Elle se lève avant que toutes ses forces ne la quittent pour de bon, et elle n'arrive pas à croire qu'elle puisse aussi bien tenir sur ses jambes. Derrière la vitre sans tain, elle sent la présence de Drago, et elle s'y raccroche autant qu'elle peut. Elle sait que, passée la porte de cette pièce infernale, elle retrouvera immédiatement ses bras, son étreinte, et qu'elle s'y noiera jusqu'à ce que son chagrin ait détruit tout ce qu'il restait à détruire en elle. Mais elle n'aura pas tout perdu. Au moins, elle n'aura pas tout perdu... Parce qu'il sera là. Et parce que ses parents vivront. Même au-delà de sa vision.

– Je vous souhaite bonne chance, parvient-elle à articuler en les regardant, une toute dernière fois.

Elle s'accorde ce regard pour les graver dans sa mémoire. Dans ses souvenirs bien à elle. La preuve qu'elle a réussi.

Alors, soudain, tandis qu'elle s'apprête à partir, Edith lui prend la main. Avant qu'Hermione n'ait pu réagir, sa mère s'est rapprochée d'elle, caresse sa joue, et l'enlace ensuite un long moment, sans parler, sans pleurer. Elle offre enfin à Hermione cette étreinte que la jeune femme a attendu pendant dix années. Elle lui offre cette réunion qu'Hermione osait à peine rêver.

Lorsqu'Edith se recule, la jeune femme distingue à peine son visage dans le torrent de larmes qui la submerge :

– Ce n'est pas un adieu, lui murmure sa mère. Tu entends, ma chérie ? Donne-nous du temps. Donne-nous du temps, c'est tout. Tu as attendu dix ans. C'était très long, je sais. Mais je t'en prie, attends-nous encore un peu.

Hermione s'écroule complètement :

– Je vous attendrai toute ma vie..., s'écrie-t-elle, enfouissant son visage dans l'épaule de sa mère.

Edith secoue la tête :

– Non. N'oublie pas de vivre, toi aussi. Tu le mérites. Mets à profit ce cadeau que nous t'offrons. Tu es jeune, tu es intelligente, tu es rayonnante. Vis, mon enfant.

Elle l'embrasse une dernière fois sur le front :

– Vis.










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