Sainte-Mangouste

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A trois heures et demie du matin, Hermione s’affaire aux urgences de l’hôpital Sainte-Mangouste. Il y a souvent plus de peur que de mal dans ce service de la capital anglaise : les sortilèges que les ivrognes du pub voisin se balancent au visage peuvent parfois mal tourner et donner des effets impressionnants, mais rien que la sagacité de la jeune femme ne parvienne à régler en deux tours de baguette. Cette fois-là pourtant, quelque chose est différent. Hermione le sait rien qu’au regard de l’interne qui vient la solliciter :

– Mage Granger, bredouille la novice. Drago Malefoy est à l’accueil.

L’espace d’une seconde absurde, Hermione se demande ce que Malefoy peut bien venir faire sur son lieu de travail, alors qu’ils ont rendez-vous le lendemain. Et puis elle aperçoit le sang sur la blouse de sa collègue :

– Il lui est arrivé quelque chose ? demande-t-elle en sentant son sang se figer.

– Une bagarre, répond l’interne. Il a été assez vague.

Elle n’en dit pas plus, tordant ses mains devant elle sans oser regarder sa supérieure. Hermione comprend instantanément :

– Restez-là, ordonne-t-elle. Occupez-vous des autres.

Et elle part rejoindre l’entrée du service. Ses pensées sont contradictoires tandis qu’elle se fraye un chemin entre un homme poursuivi par ses chaussures et une femme dont la tête siffle comme une théière. Elle a bien vu la lueur dans les yeux de la petite interne : un mélange de dégoût et de crainte. Si elle est venue trouver Hermione, ce n’est pas par manque de compétence : c’est parce qu’elle ne souhaite pas s’occuper d’un Malefoy. Et Hermione ne peut pas vraiment lui en vouloir pour cela. Le point de vue de la jeune fille est compréhensible. Qui d’autre ne réagirait pas comme elle ? Quelques mois plus tôt, Hermione elle-même se serait sentie mal à l’aise de voir Malefoy surgir dans son service. Pourtant aujourd’hui…

Aujourd’hui, elle connaît Malefoy, plus qu’elle ne l’a jamais connu durant leurs années à Poudlard. Oh, bien sûr, ils sont loin d’être les meilleurs amis du monde, et il ne livre pas grand-chose sur lui. Mais elle l’a fréquenté suffisamment pour savoir qu’il ne mérite pas cette réaction instinctive de la part des gens. Drago Malefoy a changé. Il n’est pas le Mangemort terrible et impuni que sa réputation lui prête. Même si elle n’irait pas jusqu’à excuser ses fautes passées, Hermione a bien conscience qu’il ne la regarde plus avec le même venin dédaigneux que durant leur adolescence. Les idéaux pourris qui noircissaient le cœur du jeune Drago Malefoy ont disparu. Il a perdu sa foi en sa cause ; elle s’est envolée en même temps que Lord Voldemort, et peut-être même longtemps auparavant.

Non. Aujourd’hui, Hermione est mal à l’aise, car elle voudrait défendre Malefoy alors que le Royaume-Uni tout entier voudrait le condamner. Elle est mal à l’aise, car la vision qu’elle a toujours eue de son ancien ennemi a changé, qu’elle le veuille ou non. Malefoy n’est et ne sera peut-être jamais un homme bien. Mais il est l’homme qui a accepté de l’aider, malgré tout, quand tous les autres avaient renoncé depuis longtemps. Il a accepté de l’aider alors qu’elle était au plus bas. Il a accepté de l’aider, malgré l’immensité de la tâche, la certitude quasi absolue de leur échec. Parce que c’était important pour elle. Parce qu’elle était désespérée.

Hermione arrive à l’entrée des urgences avec son désespoir en tête, et la crainte de voir sa seule chance de soigner ses parents réduite en bouillie sur le dos d’un brancard.

Il n’en est rien. Malefoy fait peine à voir, mais lorsqu’elle arrive devant lui, il est encore en état de la reconnaître :

– Granger ? dit-il avec sa morgue habituelle.

Ce n’est pas personnel : Hermione a fini par s’en rendre compte avec le temps. C’est juste sa façon normale de s’exprimer. Il s’adresse à elle comme il s’adresserait à n’importe qui d’autre dans ce service. Si ce n’est qu’il est surpris de la voir :

– Qu’est-ce que tu fais là ?

– C’est moi qui devrais te poser cette question, rétorque Hermione. Je travaille ici, je te signale. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Malefoy secoue la tête :

– Rien de très grave. Je me suis battu avec des connards, c’est tout.

– Ils ont gagné on dirait.

– Ouais.

Malefoy n’ajoute rien de plus. Il ne la regarde pas, semble presque gêné de la voir là. Hermione, elle, ne sait pas quoi penser. Lorsque Malefoy et elle se sont quittés le matin même, il allait bien, même si tous deux savaient qu’ils allaient attaquer le gros du travail avec le souvenir de la naissance d’Hermione. Et la voilà qui le retrouvait maintenant, douze heures plus tard, le nez cassé et la main en sang…

– Comment est-ce que c’est arrivé ? insiste Hermione en amenant à elle un plateau de compresses.

– Ma tête ne leur est pas revenue. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Ça te surprend ?

– Où est-ce que c’est arrivé ?

– Au bar. C’est un interrogatoire, ou une consultation médicale ?

Hermione prend une profonde inspiration pour garder son calme. Changement ou non, Malefoy a conservé son don pour lui être insupportable :

– Si tu veux mon avis, tu l’as un peu cherché.

– C’est ça, c’est de ma faute.

– Je n’ai pas dit ça…

– J’ai montré mon visage. Pardon d’avoir eu l’audace de sortir en public. C’est bon, tu vas me remettre le nez en place maintenant ?

Hermione soupire. Pointant sa baguette devant elle, elle articule :

– Episkey.

L’os se consolide avec un craquement sonore, sans que Malefoy ne réagisse. Un autre sortilège ressoude instantanément les os de la main droite. Hermione tapote les blessures avec une compresse d’eau froide :

– Je suis désolée que ça te soit arrivé, dit-elle plus calmement. Tu ne mérites pas d’être traité comme ça.

– Merci, ça me touche beaucoup, raille-t-il.

Hermione s’apprête à contrer, mais renonce. Malefoy est comme ça. Tout en piques et en sarcasmes qui l’isolent du reste du monde. Qui l’en préservent.

– Tu devrais prendre davantage soin de toi, c’est tout, se permet-elle de commenter. Tu es aussi pâle qu’un Inferius. Tu ne sors jamais de ta caverne pleine de miasmes, et je parie que tu ne manges pas beaucoup non plus.

– C’est toi qui me dis ça, miss « j’ai des cernes de six pieds de long » ?

– C’est bien connu que les Médicomages font les pires patients, réplique Hermione posément.

Elle lui accorde un sourire. Ses compresses absorbent doucement le sang sur la peau fine du jeune homme :

– Je ne voudrais pas que tu te blesses, reprend-elle alors, rattrapé par le sérieux qui gouverne sa vie. Si tu te saoules, ou si tu n’es plus dans la capacité de travailler, les souvenirs…

Malefoy baisse les yeux. Elle a perdu quelque chose ; Hermione le comprend instantanément. Ce semblant de légèreté qu’ils partageaient vient de fondre comme neige au soleil :

– Ça ne va pas ? demande-t-elle. Tu as mal autre part ?

– Non, répond Malefoy.

Il se lève, repoussant les compresses loin de lui :

– Je serai en état de travailler demain, ne t’en fais pas, dit-il, amer. Fidèle au poste. C’est bien à ça que je sers, pas vrai ?

– Malefoy, je ne voulais pas dire…

– Laisse tomber. Tu as raison de t’inquiéter de tes priorités. Pourquoi est-ce que tu t’inquiéterais pour moi, de toute façon ?

– Tu es injuste, proteste Hermione. Ça n’a rien à voir avec toi, c’est juste…

Elle expire longuement, sans trouver ses mots :

– Par moments, je suis un peu déconnectée, finit-elle par avouer. Tu comprends, je travaille tout le temps… C’est difficile parfois pour moi de… De penser à autre chose. De me rappeler qu’il y a autre chose, dans la vie. D’autres personnes.

Malefoy la dévisage longuement. Elle a honte de s’être livrée de cette façon. Elle n’est même pas vraiment sûre de comprendre le sens de ses paroles. Finalement, Malefoy hoche la tête :

– Je te dis à demain du coup.

– Attends ! Tu ne vas pas repartir avec des côtes cassées, si ?

Malefoy baisse la tête vers son torse :

– Des côtes cassées ?

– Je peux le voir rien qu’au relief de ta chemise. Et à ta respiration. Retire ton haut.

Sceptique, Malefoy se rassoit sur le brancard. Il déboutonne sa chemise et l’enlève avec réticence. Depuis les trois mois qu’elle lui rend visite, Hermione a remarqué qu’il porte toujours des tenues très sobres : chemises claires sur pantalons noirs. Un héritage de son élégance d’autrefois, sans tout l’étalage qui allait autour. Tout juste de quoi passer inaperçu. En-dessous, sa peau est blafarde, et nimbée d’hématomes.

– Ils ne m’ont pas raté, c’est tout, commente Malefoy.

Hermione fait non de la tête :

– Ces côtes-là sont cassées, dit-elle en effleurant la zone du bout des doigts.

Puis, les sourcils froncés :

– Tu n’as pas mal ?

Il hausse les épaules :

– Pas plus que si tu m’appuyais sur un bleu. C’est désagréable, c’est tout.

Cette fois, l’instinct d’Hermione est alerté :

– Ce n’est pas normal, dit-elle, pensive. Ce n’est pas la première fois que tu fais preuve d’insensibilité.

– De quoi ?

– D’insensibilité.

– Si c’est encore un truc pour m’insulter, je…

– Tu ne ressens pas la douleur. Du moins, pas assez.

Malefoy se fend d’un rictus :

– Crois-moi Granger, je souffre bien assez comme ça.

– Je ne crois pas, non.

Hermione est d’un sérieux mortel. Une multitude de signaux d’alarme s’éveillent dans son esprit :

– Tu ne sens pas le goût du whisky, poursuit-elle. Ni l’odeur de ton arrière-boutique.

– Ça ne veut rien dire !

– Peut-être. Ou peut-être pas. A quand remonte la dernière fois où tu as mangé quelque chose de vraiment délicieux ?

– Quoi ?

– Réfléchis. Ton plat préféré, n’importe quoi…

– Je n’en sais rien moi !

– Ou senti une odeur vraiment agréable ? Tu as d’autres troubles sensoriels ? Vision, ouïe…

– Tout ça ce sont des conneries !

Hermione soupire. Pointant sa baguette une dernière fois sur Malefoy, elle ressoude ses côtes sans même y penser :

– Viens avec moi, dit-elle.

– Quoi ?

– Viens avec moi.

– Granger, il est quatre heures du matin, si tu veux qu’on se remette à bosser demain…

– Je suis de garde toute la nuit de toute façon.

– Oui, eh bien pas moi.

– Il fallait y réfléchir avant de chercher des ennuis au bar. Maintenant viens avec moi, ça ne prendra que cinq minutes.

Elle ajoute :

– Si j’ai tort, je t’offrirai une bouteille de ce fameux whisky dégueulasse que tu aimes tant. Ça te va ?

Malefoy rit et hausse de nouveau les épaules :

– Si tu es prête à perdre ton argent, je ne vais pas dire non.

Et il se décide enfin à la suivre dans le dédale des étages de Sainte-Mangouste. Le bureau d’Hermione se trouve au quatrième niveau, au service des pathologies des sortilèges. Le même étage où Harry, Ron et elle avaient croisé Gilderoy Lockhart lors de leur cinquième année à Poudlard, en rendant visite à Arthur Weasley… Tout cela lui semble si loin désormais. Jamais elle n’aurait imaginé un jour que ses parents seraient dans un état pire que celui de Lockhart. Ou même que les parents de Neville…

Chassant ces pensées de son esprit, Hermione déverrouille son bureau. C’est une petite pièce encombrée, sans fenêtres, où elle passe la majorité de son temps sans se préoccuper du cadre.

– Et c’est moi qui ne sors jamais de mon antre ? commente Malefoy, sarcastique.

– Arrête de raconter n’importe quoi et on en reparle, réplique-t-elle. Bon. Où est-elle ?

Furetant entre les piles de documents qui parsèment son bureau, Hermione finit par exhumer une Pensine, d’un modèle plus petit mais tout aussi sophistiqué que celle de Malefoy :

– Quand tu travailles sur les souvenirs des autres, reprend-elle, est-ce que tu as l’impression que leur ressenti est plus intense que le tien ?

Malefoy hausse à nouveau les épaules :

– Pas vraiment. Ça dépend de la qualité des souvenirs. Certaines personnes sont plus douées pour se rappeler que d’autres. Certaines sont plus douées pour extraire leurs souvenirs aussi, tout simplement. Et puis parfois, les gens se souviennent très bien de certaines choses et puis moins d’autres. Tout cela fait varier l’aspect du souvenir.

– Mais lorsque tu t’introduis dans les souvenirs de quelqu’un, insiste Hermione, tu ne t’occupes pas que de l’aspect visuel, je me trompe ?

– Non, bien sûr. Tous les sens sont très importants. La vue n’est que le plus superficiel de tous : ce sont les quatre autres sens qui vont véritablement ancrer le souvenir dans le réel. Qui vont le rendre tangible, crédible.

– D’accord. A l’intérieur du souvenir, tu as accès à la vue, l’ouïe, et l’odorat, n’est-ce pas ?

– Et le toucher. Je peux sentir les textures, même si je ne peux pas interagir avec elles.

– Très bien.

Hermione pointe sa baguette sur sa tempe, et, lentement, en extrait un long filament argenté :

– Lorsque tu entres dans le souvenir d’une autre personne, explique-t-elle en déposant le filament dans la Pensine, tes propres sens n’entrent plus en ligne de compte. Ce n’est pas ton corps qui perçoit ce qui se passe, uniquement ton esprit, qui découvre les perceptions d’un autre corps. Autrement dit, si tes sens physiques sont émoussés… Ça ne devrait pas être le cas de ton esprit. Tu devrais être capable de ressentir les choses dans la Pensine exactement comme je les ai ressenties.

Malefoy grimace :

– Tu ne vas pas me faire revivre la fois où tu t’es fait pétrifier par le Basilic, hein ?

Hermione rit :

– Non. Tu ne pourrais pas éprouver ce que j’ai éprouvé de toute façon. La douleur, c’est une sensation intérieure. Tout ce que tu peux partager avec moi dans ce souvenir, ce sont les stimuli extérieurs.

Elle désigne la Pensine :

– Un petit plongeon ? En l’honneur du whisky ?

Malefoy secoue la tête :

– Où est-ce que ça va m’emmener ?

Hermione le gratifie d’un clin d’œil :

– Suspense.

Malefoy soupire. Il se penche néanmoins vers la Pensine, et Hermione l’accompagne dans son souvenir. Le tourbillon argenté les emporte jusqu’à une journée torride, quelque part au fin fond du souk de Marrakech. Hermione s’était rendue là avec ses parents des années plus tôt, lors de vacances familiales. Sa silhouette d’enfant papillonne entre les étals de bijoux. Ici et là, des marchands interpellent ses parents pour leur vendre des étoffes ou des souvenirs en tous genres. L’air embaume le sable, la pollution, les épices, les pâtisseries au miel et la sueur. Un mélange à des milliers de kilomètres de cette vieille ville de Londres.

Adulte au milieu de son propre souvenir, Hermione guette la réaction de Malefoy. Il regarde autour de lui, surpris par le cadre exotique, mais il ne pose aucune question. Il suit les parents d’Hermione lorsque ceux-ci déambulent entre les allées. Ils finissent par arriver devant une boutique un peu particulière : une maroquinerie. Juste derrière, les effluves de la tannerie parviennent jusqu’au souk : un infecte mélange de chair animale et d’urine de vache, laissé à macérer là en plein soleil. Il fait plus de quarante degrés.

Malgré l’ancienneté du souvenir, Hermione suffoque sous cette chaleur écrasante. Elle a l’impression que l’odeur de la tannerie pénètre le moindre de ses pores, s’agrippe à ses cheveux, ses vêtements, ses poumons. C’est de loin l’odeur la plus insoutenable qu’elle ait jamais respiré.

A ses côtés, Malefoy semble sur le point de perdre connaissance. Hermione les éjecte hors de la Pensine, là où l’air renfermé de son petit bureau leur parait soudain propre et frais :

– Qu’est-ce que c’était que cette odeur ? s’exclame aussitôt Malefoy, dont le teint a pris une intéressante couleur verdâtre.

Hermione s’autorise un sourire :

– Une tannerie, explique-t-elle. Une fabrique de cuir.

– J’ai toujours su que vous les Moldus étiez des sauvages…

Hermione se tend, mais Malefoy la gratifie à son tour d’un sourire narquois :

– Quoi, tu as laissé ton humour dans la Pensine ? Moi, pour sûr, j’y ai laissé mon odorat…

– Alors ?

– Alors quoi ?

– Tu n’as pas eu l’impression que c’était plus intense que ce que tu as l’habitude de ressentir avec ton propre corps ?

– Evidemment que si. Mais c’est normal. Tu m’as emmené en Enfer sur Terre.

– Je parle sérieusement. J’ai observé beaucoup d’anomalies dans tes perceptions ces trois derniers mois, je suis persuadée que ce n’est pas normal. Tu devrais au moins me laisser faire d’autres tests. Ce souvenir prouve…

– Ça ne prouve rien du tout.

– Tu as été choqué ! Frappé de plein fouet, parce que tu n’as plus l’habitude de ressentir les choses aussi intensément ! Si tu veux encore comparer avec d’autres souvenirs…

– Ça ne changera rien.

Posément, Malefoy recule la Pensine sur le plan de travail :

– Tu as beau être Médicomage, dit-il lentement, c’est moi le spécialiste des souvenirs. Alors écoute-moi bien. Ton argument n’a aucune valeur, parce que nous n’expérimentons pas tous le monde de la même façon. Il n’y a rien de plus trompeur et de plus subjectif que les sens. Deux personnes peuvent vivre la même expérience et la ressentir différemment. Deux personnes peuvent voir un seul et même objet sous un même éclairage et le trouver d’une couleur différente. Nous ne pouvons pas nous mettre dans la peau des autres, c’est impossible. Tant que nous ne le pourrons pas, pour autant que je le sache, nous ne pourrons jamais émettre de certitude sur quoi que ce soit. Tu voulais connaître ma nourriture préférée ? C’est la framboise. Eh bien, je n’ai aucune idée de si la framboise a le même goût pour toi que pour moi. De la même façon, ce que tu m’as fait vivre aujourd’hui… C’est ton ressenti. Ton expérience face aux stimuli que ton corps a reçus. Rien ne me garantit que j’aurais ressenti la même chose. Ni que mes perceptions sont anormales par rapport aux tiennes.

Hermione entrevoit où cette discussion est en train de les mener, sans vouloir aller jusqu’au bout :

– C’est pour ça qu’il est risqué de toucher aux souvenirs des autres, poursuit malgré tout Malefoy dans un murmure.

Dans ses yeux, il y a de la peine, comme s’il était déjà désolé de la blesser :

– C’est pour ça que le travail que nous faisons toi et moi ne mènera sans doute à rien… Parce que tu ne pourras jamais reconstituer ce que tes parents ont vécu. Ce ne seront que des visions, des réinterprétations personnelles mises bout à bout, provenant de centaines de sources différentes, parfois même inventées de toutes pièces… Ton projet en lui-même est biaisé dès le départ. Ce ne sont pas tes parents que tu veux recréer, mais l’image que tu avais d’eux-mêmes. Tu ne pourras jamais les retrouver.

Timidement, Malefoy lève une main vers elle, et lui presse l’épaule. Hermione sent deux larmes symétriques trahir ses yeux :

– Je suis désolé, murmure le jeune homme.

Et il s’en va, la laissant seule avec cette vérité terrible. Qu’elle connaissait déjà.

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