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 Un bruit et Laïka revint à la réalité. La gorge sèche, les yeux grands ouverts, le corps meurtri, allongée sur un lit qui n’était pas le sien. Il faisait sombre, et en tournant la tête, elle vit une bougie. Où était-elle ? Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Epuisée, le regard flou, Laïka restait fixée sur cette petite flamme, seule lumière dans la pénombre.

Puis ses pensées se démêlèrent peu à peu. Le voyage. L’aéroport. L’avion. Les turbulences. Alex ! Laïka aurait voulu se relever mais son corps la retint. Des douleurs apparurent, comme réveillées à leur tour. Son crâne et son ventre lui firent monter les larmes aux yeux. Alors elle ferma ses paupières et inspira. Ne panique pas. S’il te plait… ne panique pas. À l’aide de ses deux bras frêles et tremblants, elle réussit à s’assoir. La pièce tourna un instant, puis la couverture tomba. Laïka aperçut avec frayeur un torse maigre aux multiples cicatrices. Elle était nue.

Laïka déglutit. Ce n’était pas son corps. Ça ne pouvait pas l’être. La lumière dansait sur ce torse squelettique et balafré, quant à ses bras frêles, Laïka les trouvait répugnants. Où suis-je ? C’est quoi ça… pourquoi je suis… nue. Il fallait qu’elle se lève, qu’elle s’enfuit mais elle avait mal, et le moindre mouvement lui provoquait des vertiges. Alex… Ne panique pas. Observe, écoute puis agis. Cette phrase répétée mainte fois par son frère était ancrée en elle. Elle essuya ses joues et renifla. N’y pense pas. Si tu n’y pense pas tu ne vas pas paniquer. Laïka regarda son environnement. Ce grand lit rudimentaire était au milieu de la pièce, la couverture semblable à de la peau de bête débordait. La bougie était posée à sa gauche sur une table de chevet en bois. Incapable d’éclairer la pièce entièrement, elle permettait de deviner une commode et une armoire. Face à Laïka, un long rideau épais échappait un filet de lumière : sa porte de sortie. Elle tendit alors l’oreille. Des pas, indistincts, pas au même niveau. Elle devait se trouvait à l’étage et cet individu semblait être seul. Ami ? Ennemi ? Qu’importe. Il fallait se lever, se vêtir, s’armer, se défendre… Contre quoi ? Comment ? Je ne sais pas me défendre !

Laïka tira difficilement ses jambes raides hors du lit, manquant de renverser une bassine en bois rempli d’eau et d’une serviette. Chancelante, elle s’éloigna de la lumière et alla se rattraper à la commode. Une fois que la pièce s’arrêta de tourner, elle releva les yeux. Une lance ? Suspendue par deux crochets, Laïka effleura ce bâton taillé jusqu’à trouver sa pointe fine, froide et aiguisée. Elle serait incapable de la manier, ou au mieux, cette lance lui servirait de béquille. Sa main continua de longer le mur gondolé jusqu’à tomber sur un poignard. Ça, elle pouvait l’utiliser. Elle le décrocha et le posa sur la commode. Par la suite, Laïka attrapa la première poignée. Après un premier grincement, elle s’immobilisa. Elle tenta à nouveau d’ouvrir le tiroir mais le faire lentement ne faisait qu’empirer le bruit. Laïka se dirigea alors vers l’armoire qui se dressait dans l’ombre. Aucune portes, seul un tissu cachait les couvertures entassées les unes sur les autres. Laïka en déplia une et s’en enveloppa.

 Couverte, Laïka prit le poignard et se dirigea titubante vers sa porte de sortie. Mais la douleur de son ventre se manifesta de nouveau et Laïka s’effondra à terre. Non ! Le bruit attira ici l’inconnu. Elle se releva, non sans difficulté, et se colla contre le mur, tenant fermement l'arme. À côté du rideau, elle n’eut pas à attendre longtemps pour l’entendre monter un escalier et soulever violemment le rideau. Son cœur explosa dans son crâne quand la jeune fille frappa le nouvel arrivant de la main droite. Mais son corps faible lui fit défaut. L’homme surpris fut plus rapide et lui attrapa le bras.

Face à face, elle regarda ce jeune homme d’une vingtaine d’année aux cheveux en bataille, puis le rideau retomba, les plongeant dans le noir de la chambre. Alors elle le repoussa violement de sa main libre et s’écarta. Il ne la retint pas.

 — Ça va... Laïka, ça va c’est moi.

Elle s’était reculée, les jointures de ses doigts blanches sur le poignard. Il tira sur le côté la porte en tissu et l’accrocha à l’aide d’une corde régie à cet effet. Plus grand que Laïka et bien plus fort, elle n’aurait aucune chance contre ce moi.

 — C’est Mickaël, tu n’as pas à t’inquiéter, tu es en sécurité, fit-il la voix serrée.

C’est à la lumière que cette chevelure noire et ce prénom permirent à Laïka de faire le rapprochement. Mickaël Renni, 5eD, toujours assis à la troisième rangée près de la fenêtre, à passer son temps à dessiner. Pourtant dans ses souvenirs il n’avait que treize ans. Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Laïka ne se sentait pas bien. Pourquoi Mickaël était-il bien plus âgé que dans sa mémoire ?

Il se rapprocha de Laïka mais elle recula, l’arrêtant dans sa démarche. Elle pencha alors la tête sur son corps nue emmitouflée par la couverture et regarda Mickaël.

 — C’est Fanny, se précipita-t-il de dire.

Fanny. Un prénom qui lui était tout aussi familier.

 — Elle voulait te … Mickaël déglutit. Mais elle a eu une urgence et j’étais là donc elle m’a demandé de la remplacer. Non ! je veux dire, pour te surveiller. Veiller sur toi. J’ai interdiction de monter ici de toute façon. Enfin, là je suis monté parce que j’ai entendu du bruit sinon je ne serais jamais… Il reprit son souffle. Ça va ?

Laïka hocha doucement la tête. Mickaël. Fanny… pourquoi … Pourquoi je n’arrive pas à comprendre ?

 — Laïka ? Est-ce que ça va ? T'es tombée ?

Elle tourna son regard vers le lit.

 — Combien... combien de temps ?

 — Deux mois. Tu es restée plus ou moins alitée deux mois.

Deux mois. DEUX mois ? c’est pas possible. Je me souviendrais de quelque chose je… Je suis en train de rêver. Oui, je rêve, j’ai la tête qui tourne, j’ai mal au crâne, je vois flou, c’est… logique.

 — Je n’aurais pas dû te le dire je suis désolé.

 — Juste deux mois ? échappa-t-elle.

Il resta silencieux, désemparé. Puis il tendit la main.

 — Tu veux bien que je récupère ça avant que tu attaques quelqu’un d’autre ? D'ailleurs pourquoi … Mais il ne rajouta rien.

Elle ne détacha pas son regard lorsqu’il lui prit des mains le poignard et alla le replacer à côté de la lance.

 — Je vais aller chercher Fanny. Je te laisse t’habiller.

Mickaël lâcha un petit sourire gêné et sortit de la chambre.

Lorsqu’il disparut, Laïka s’appuya contre le mur, manquant de tomber, la main sur son ventre. Fanny. Son amie Fanny était à sa droite dans l’avion. Et s’il y avait Fanny, Bertille ne devait pas être loin. Laïka regarda alors sa main, son bras, où elle y voyait quelques plaies et tremblante elle toucha son visage. Ses doigts frôlèrent sa bouche, l’arrête de son nez, remontèrent jusqu’à son sourcil droit et tombèrent sur un creux. Sa peau était gondolée, elle avait une cicatrice qui s’étirait jusqu’au-dessus de l’oreille. Il fallait qu’elle se voie.

Après les vertiges, Laïka ouvrit le tiroir bruyant, elle y trouva tuniques et pantalons, chaussettes et culottes, tous étrangement fait main. Elle caressa le dessus du tiroir, ce dernier aussi était artisanal.

 Laïka, vêtue d’une tunique pourpre, descendit les escaliers. Une marche après l’autre, se retenant au mur en pierre. Parfois sa tête tournait, alors elle se contentait de s’arrêtait et d’attendre avant de reprendre la descente dans la pièce principale. Cette pièce bien grande possédait une table ronde en bois en son centre accompagnée de chaises et d’un fauteuil recouvert d’une couverture rouge ; une cheminée allumée, en pierre où des ustensiles étaient accrochés. Il y avait quelques placards, quatre meubles et un porte manteau près d’une porte en bois. La sortie. Mickaël s’y trouvait nouant les lacets de ses bottes.

Pas d’appareils. Pas d’électricité. Seules les bougies et le feu de la cheminée éclairait cette pièce. La seule fenêtre semblait condamnée. Laïka pensa à un chalet. Un chalet dans une montagne avec de la neige. Du moins c’est ce qu’elle conclut en voyant combien de couche de manteau Mickaël mettait. Ce dernier se retourna surpris puis il ne la quitta pas des yeux, plus détendu.

 — Fanny était inquiète. Il se reprit. On avait tous un peu peur que tu n’arrives plus à marcher.

Laïka resta immobile de l’autre côté de la pièce, puis elle brisa le silence qu’elle trouvait gênant.

 — J'ai soif.

 — Je… Fais comme chez toi, Fanny ne t’en voudras pas. Si tu veux que je reste un peu je peux…

 — Non.

Mickaël hocha la tête, déçu.

 — Je vais faire vite et fais attention j’ai renversé des bols, il se peut que tu trouves un morceau ou deux.

 — Mickaël.

 — Oui ? fit-il, la main posée sur la poignée.

 — J’aimerais... y a-t-il un miroir ici ?

 — Il n’a pas bougé de place, il pointa le coin de la pièce sous les escaliers. Ses yeux se posèrent sur sa cicatrice et il sourit. T'as pas à t’en faire elle n’est pas si grosse. Mais il faudra peut-être abandonner tes tresses si tu veux la cacher. On va revenir vite, donc ne bouge pas trop.

Il prit une lanterne rudimentaire et sortit. En ouvrant la porte Laïka vit qu’il faisait nuit et un vent glacial ainsi que quelques flocons s’engouffrèrent dans la pièce. Elle frissonna.

Désormais seule, Laïka n’avait que deux choses en tête. Se désaltérer et se voir. Elle fut donc rassurée que le broc posé sur la table soit de l’eau et en but plusieurs gorgées manquant de s’étouffer. Laïka se tourna alors vers les escaliers. Le miroir. Elle redoutait qu’il soit comme tout ce qui l’entourait, primitif, simple, fait maison, et ses doutes se confirmèrent. Elle trouva un grand morceau de bois recouvert d’une matière qui lui était inconnu mais d’où elle pouvait y voir le reflet d’un fantôme. Cet étranger qui semblait obéir à ses ordres était d’un blanc cauchemardesque, ses yeux étaient cernés et noir, ses cheveux blonds retroussées en de fines tresses et une cicatrice violette rejoignait le coin de son sourcil droit à son oreille.

Laïka resta ainsi figée, livide.

 — C’est pas moi. Ça ne peut pas l’être.... c’est impossible.

Sa vue se troubla et d’un calme étrange elle regarda le noir s’emparer d’elle.

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