Chapitre II

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Depuis sa naissance déjà, son avenir était tout tracé. Il sera paysan, comme son père et avant lui le père de son père. Fils ainé ,ce sera à lui de reprendre la modeste exploitation familiale, à la mort du vieux bien sûr !

Quelques vignes, des oliviers, un bout de forêt, un cheval pour le labour, des poules des lapins....

Ce ne sera pas la richesse; Ce ne sera pas la misère non plus. Il épousera la fille Garcin, Aurélie. Elle n’était pas la plus laide ni la plus sotte, loin de là. La fille unique, lui apportera, un peu de vigne, quelques oliviers, un cheval pour le labour, des poules, des lapins, un bout de forêt. Ils feront des enfants aux joues roses, qui deviendront à leur tour paysans. L’avenir était comme le sillon qu’il traçait avec le soc de sa charrue, droit jusqu’au bout de la raie et parallèle à la rangée précédente.

Non, ce n’était pas tout à fait cette vie-là que voulait Victorin. Sa vie il voulait pouvoir la choisir !IL avait déjà essayé d’en parler avec son pére qui n’avait pas compris. Que voulait ce fils indigne ; que lui manquait-il donc ; n’avait il jamais manqué de quoi que ce soit ?

Sa destinée, il l’imaginait, ou la rêvait plutôt, à Marseille ou à Paris, devenir quelqu’un, faire fortune, revenir au pays les poches cousues d’or comme ce vieux roi d’autrefois qui s’appelait Ullysse. Fariboles qu'il avait apprises à l'école de son oncle, un jacobin moins obtus que son frêre.

heureux qui comme Ullysse à fait un beau voyage, lui avait il enseigné.

À quoi bon, tous ces rêves, le père avait raison. Non, il était à sa place ici . C’est ici qu’il sera heureux. D’ailleurs le destin avait déjà choisi pour lui, il allait se marier au mois d’aout, il sera heureux avec Aurélie, il l’aimait bien cette fille au fond, elle était très amoureuse. Ils n’avaient pu attendre la noce, un enfant était déjà en route. Elle aura un petit ventre sous sa robe blanche, la douce colombe !

— Elle a mangé trop de pois chiches, dira son père, fier comme Artaban.

Non, ils seront heureux. Ils aménageraient la petite maison de la vieille tante au bout du village, celle qui possède une grange attenante. Il y aura un peu de travaux à prévoir, bien sûr, mais rien de très compliqué.

La vie s’annonçait belle finalement.

Il en était là, de ces réflexions. Il devait se remettre au travail, le box de Sultan, le cheval de madame la barone ne se nettoiera pas tout seul et madame la barone n’allait pas tarder à revenir de sa balade quotidienne. Il ne fallait pas qu’elle le trouve en train de rêvasser, il ne fallait surtout pas qu’il croise ces yeux verts sinon il était perdu, ni qu’il aperçoive la peau blanche de ses chevilles et de son cou.

Il but une longue rasade d’eau fraiche, au bassin de la cour du château. Il se mouilla le visage, et reprit la Fourche, la pioche et la brouette.

*

Mais, Auguste-César, brun ténébreux, bon danseur, drôle et intelligent, plaisait aux dames. Pas une ne se réveillait moite d’amour au petit matin après l’avoir croisé à la tombée du jour. Il n’y avait qu’à voir les yeux qu’elles avaient, les soirs d’été, quand il les attirait dans le maquis parfumé.

Il se rappelait, hélas, cette journée, cette maudite après-midi de mai, il y avait une semaine déjà.

Il travaillait au château pour compléter son activité de paysan, il se louait comme journalier. Le maitre n’était pas là, il ne l’était pas souvent.

Le baron, industriel puissant, possédait des industries, dans la région aixoise.Pendant que sa femme jouait à la châtelaine, lui s’amusait à crocheter les petites serrures de ses ouvrières. Il aimait les très jeunes filles, celles qui étaient encore presque des enfants. La femme, la trentaine encore belle se sentait abandonnée dans cette énorme bâtisse, si froide et si austère. Marie-Amélie détestait ces longs couloirs peints à la chaux, ces chambres immenses où elle s’ennuyait, seule la plupart du temps. Elle haïssait, désormais le gandin qui l’avait séduite, qu’elle avait aimé et qui la délaissait trop souvent. Jolie fleur oubliée dans un vase de porcelaine, elle dépérissait.

Son jouet, Auguste, se dérobait. Il allait bientôt convoler en juste noce avec une voisine, une petite oie blanche qui devait en être heureuse. Déprimée, frustrée convaincue qu’une longue chevauchée solitaire allait éteindre ses désirs inassouvis, elle avait enfourché son bel alezan noir.

Auguste n’était pas fier de ce qui s’était passé ensuite.

Une fourche dans sa main, il nettoyait le box de Sultan, le cheval favori de madame. Tout adsorbé à sa tâche, il n’avait pas entendu sa patronne revenir de sa promenade quotidienne. Elle le regardait travailler. Pour être plus à son aise, l’homme avait ôté sa chemise. Elle admirait, gourmande, le torse musculeux, du jeune valet. Il plantait avec des gestes vifs et précis son trident dans le fumier. Les bras vigoureux allaient et venaient régulièrement tels les pistons d’une puissante machine. Il était en sueur le beau mâle. Les yeux mi-clos, elle se prit à rêver qu’elle le bouchonnait, comme son cheval Sultan. Elle ne put réfréner son désir plus longtemps. Une poignée de paille dans son gant la jeune femme effleura le dos musculeux tant convoité.

Surpris, Auguste sursauta, fit tomber l’outil qu’il avait en main et se retourna. Feignant le courroux il tonitrua d’une voix de baryton.

— Que faites-vous là ! Vous n’allez tout de même pas me frotter comme un vulgaire animal !

— Si ! répondit la gourgandine. Je vais te bouchonner comme un étalon !

Ils roulèrent alors dans le foin frais qui tapissait l’allée centrale de l’écurie. La cavalière tacha sa jolie robe, déchira ses riches tissus, écorcha sa peau douce et satinée. Elle en avait cure.

Elle avait eu ce qu’elle voulait. Radieuse, elle menait la danse, elle le tenait par le bout de son nez, le petit paysan beau comme un dieu grec. Elle pensait en être amoureuse. Cela ne la conduira nulle part, elle n’en était convaincue, tant pis.

Jeune capricieuse, elle rêvait d’une fuite avec lui. Elle avait toujours obtenu ce qu’elle voulait. Rien ni personne ne lui résistait jamais très longtemps. Surtout, elle avait une botte dans son jeu. Elle s’apprêtait à l’abattre sur le tapis.

Auguste en avait eu envie lui aussi. La délicate mousseline qu’il avait froissée et déchirée, la peau douce soyeuse et laiteuse qu’il venait de rudoyer, il ne regrettait rien. Naïvement, il pensait contrôler, la situation. Il allait se lever, et partir. Bientôt il se mariera, elle appartenait déjà au passé la jolie poupée en porcelaine.

D’une voix fluette, elle dit, alors simplement.

— J’attends un enfant, de toi.

Un coup de massue n’aurait pas eu plus d’effet

Auguste essaya de se défendre un peu, même si au fond de lui il savait déjà qu’il avait perdu la partie.

Elle lui déclara, en pleurs, bien sûr qu’il était de lui. Qu’elle n’avait aucun doute ! Son mari ne l’avait plus touché depuis longtemps et que oui elle en était sure un enfant poussait dans son ventre. Alors, elle abattit sa dernière carte. Câline, elle minauda.

— Et si, on s’enfuyait. L’Amérique, un Nouveau Monde, tout y est permis.

Il ne pouvait plus réfléchir, le cerveau bouillait.

Il fit ce qu’il savait le mieux faire, il tenta de fuir, de fuir, de mentir de bonimenter et de s’esquiver en catimini.

Mais il savait qu’il lui faudrait affronter la réalité, choisir, agir, être responsable.

Deux enfants, il lui fallait choisir Aurélie, Marie Amélie

Elle ne lui laissa pas le choix,

Elle l’enroula dans ses bras, l’attira sur son opulente poitrine et telle une mante religieuse s’apprêtant à dévorer son mâle lui susurrât des mots d’amour des mots salaces grivois des promesses de luxures et des menaces également.

— Tu es à moi maintenant Auguste-César, soit tu assumes cet enfant et nous fuyons aux antipodes ensemble soit…

Elle ne finissait pas sa phrase, mais il ne fallait pas être sorcier pour comprendre les menaces contenues dans ce dernier mot.

Lorsqu’elle enroulât ses jambes et ses bras à son corps nu, il était cuit !

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