« Le Trèfle Hasardeux » ouvrait ses portes à doubles battants décorées de l’or des perdants. Un tapis rouge, aux allures de langues râpeuses, accueillait les joueurs. Louison s’avança avec assurance, ses yeux bleus à la recherche d'une proie. La jeune femme guetta sur la chaise du bar. Ses ongles tapotèrent sur le comptoir :

- Garçon, un whisky avec deux glaçons…

Louison pista ses adversaires. Elle voyait les tables de jeu comme une hostile forêt de pin. Le serveur lui apporta son verre qu’elle sirota lentement. Concentrée, Louison traquait les flambeurs. Ses babines se collèrent au cristal froid, le goût de l’alcool engourdissant sa langue.

Elle repéra un homme défaillant. Ses yeux se révulsaient. Un prédateur l’avait coincé contre l’écorce de sa chaise. Le martyr se débattait, bluffant sur ses prétentions. La jeune femme s'en poulécha les lèvres. Elle savait les débusquer, s’en approcher furtivement, les talonner, puis les asphyxier, les obligeant à se débattre jusqu’à la dernière pièce.

Sa langue lapa un peu de sa liqueur, guettant les moindres mouvements. Au travers des branchages, une forme tordue se discerna. Quelques prédateurs se joignirent à la danse, laissant une chaise vacante. Louison se leva avec assurance et les épia, à l’affût. Sa proie se tenaient courbée, le regard vide, les cheveux grisonnants : un sage travailleur, son métronome étouffé par les machines assourdissantes. La noctambule analysa les concurrents. Un trentenaire fleuretait avec un verre de gin, habillé d’un costard légèrement abîmé. La jeune femme visualisa l’apparence d’un véritable reptile avide. L’autre se tenait droit, une large carrure, des joues bouffies et quelques rides parcourant son visage sérieux. Cet ours mal luné se gardera de patience. Louison attaqua.

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