8. Identité

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Je suis entourée de mes trois monstres, qui cherchant à me faire comprendre que je représente quelqu’un d’important, sauf que je dois être trop bête pour comprendre. Je reste plantée là, droite comme un piquet, me passant en boucle les conversations que nous avons eu depuis notre départ de la casse. Les mots, « protecteur », « protégée », « princesse », reviennent en boucle dans mon esprit, comme s’ils avaient un lien que je n’arrive pas à accepter.

— Ne t’en fais pas, tu sauras la vérité bien assez tôt, me surprend Louis en retournant près des portes de la voiture. En attendant, nous devons poursuivre notre route, donne-moi les clés, me dit-il en me tendant la main.

Je lui donne le trousseau, avant de partir du côté passager. Du repos, enfin ! Les satyres montent à l’arrière toujours en pleine discussion. Ils font des gestes dans tous les sens, me pointe du doigt puis Louis, pour reprendre de plus belle leur bavardage. Ils marmonnent à propos de la disparition de quelqu’un. Je n’entends pas très bien que j’avoue que ça commence à m’irriter.

En fait… En y réfléchissant bien, je connais l’histoire de la famille au pouvoir chez les monstres. Enfin… Je connais les murmures des rues. Le roi et la reine ont eu un enfant, une petite fille qui a disparu très jeune. Une enfant née de l’union de deux fées de l’obéissance, créant ainsi naissance à une nouvelle génération, plus puissante et surtout dont la puissance de ses dons est encore inconnue.

La princesse perdue.

Aucun rapport avec moi, vraiment ! Une fée aux pouvoirs indomptés, je le saurais quand même. On ne nait pas fée sans s’en rendre compte ! D’ailleurs, pourquoi je me fais des films ? Je ne peux pas être là. Elle a disparu, perdue, on ne sait où dans notre monde ou de l’autre côté de la barrière. Je me tortille sur mon siège en pensant à cette enfant évanouie dans la nature, seule sans famille, comme moi avant mon arrivée chez les chasseurs. Bien que je n’en ai aucun souvenir.

— La fée disparue est morte ? demandé-je de but en blanc, ce qui a pour répercussion, un freinage d’urgence de la part de notre loup.

— Non, la princesse n’est pas morte, m’annonce Lucia.

La cadette semble plus sage et plus calme que les deux autres. La bête à poil a les mains crispées autour du volant tout en reprenant avec douceur la route, tandis qu’Hugo a lui, le regard fixé sur moi comme si j’avais posé la pire question du jour. Lucia, elle, me sourit et penche la tête pour voir si une autre question me vient à l’esprit, et bien entendu, c’est le cas.

— Si elle n’est pas morte, elle est où ? l’interrogé-je d’un ton innocent.

— Les chasseurs l’ont enlevé une nuit au palais. Ils souhaitaient la formater, la sculpter à leur avantage. Ils avaient trop peur de la force et des pouvoirs qu’elle pourrait avoir, me dit Lucia en gardant son calme.

— Les chasseurs ? Mais… soufflé-je avant de me taire, et de tourner mon regard vers le loup toujours à cran. Je suis la seule chasseuse, affirmé-je en me murant dans le silence.

La seule dans un cercle de chasseur, la seule qui n’écoute pas toujours les règles, la seule qui ne connait pas ses parents, la seule à qui on a assigné un maître chasseur et protecteur… La seule fille, parmi les hommes… Mes pensées dérivent, cherchant une autre explication que ce qu’implique les paroles de mes petits monstres. Sauf que rien ne vient…

— Louis ? l’appelé-je d’une voix hasardeuse.

À l’entente de ma supplique, il se tend un peu plus, se redresse, et serre les mâchoires. Je ne vois plus personne à par lui, ce loup qui à l’habitude de me faire face, et de me venir en aide lors de mes missions, celui qui quand j’y pense à toujours été présent à mes côtés. Je lui ai donné ma confiance sans m’en rendre compte, et à cet instant, je m’appuie sur lui pour savoir la vérité. Savoir si ce que sa sœur dit et ma vraie nature, mon identité.

— Dis-le Kiera, murmure Louis en tournant son visage vers moi.

— Je… Je suis la princesse du royaume des monstres, dis-je tout en pensant que cette phrase sonne faux. Je secoue la tête, j’espère encore être dans un rêve, mais j’ai beau me pincer la cuisse, rien n’y fait. Je suis bel et bien éveillée. Je suis une fée ? questionné-je à voix haute plus pour moi-même que pour mes compagnons.

— Tu es la princesse Kiera, fille de la famille K et héritière du trône. Et je suis ton protecteur, annonce Louis, solennel. Nous vous ramenons chez vous, princesse, conclut-il en lâchant mon regard.

Chez moi ? J’ai du mal à y croire. Et d’ailleurs, je n’y crois pas, ce ne peut pas être vrai. Pourtant, plus j’y pense et plus je trouve dans mes souvenirs des moments, des éléments, des missions, tant de choses que j’ai pu réussir et qui semblent hors de portée d’un être humain lambda. Mais ça me semblait tellement naturel…

Au final, tout ce que je connais, tout ce qu’on m’a dit depuis que je suis petite, tout est faux. Basé sur un mensonge ! Je devrais me réjouir, me dire que je suis la princesse d’un royaume qui attend mon retour avec impatience sauf que je n’arrive à avaler cette réalité. Est-ce que je fais vraiment partie de leur monde ? Est-ce si évident ? En revanche, je le sens en moi, cette porte qui vient de s’ouvrir… Je ferais tout pour les protéger…

J’observe Louis en silence, me demandant encore comment on peut être aussi sûr de soi en annonçant à une fille qu’elle est une princesse fée. Il met sa confiance en moi, comme si cette annonce allait faire un écho en moi, ce qui est peut-être la cas… Ou est-ce juste le fait que lorsqu’il pose son regard sur moi, je sens qu’il attendait cet instant depuis longtemps ?

Je doute, retournant la question de mon identité en boucle dans mon esprit, sentant le regard de Louis sur moi. Je lève la tête et remarque qu’il a l’air contrarié, comme s’il sentait mes sentiments, et mes émotions sur la situation actuelle. Cependant, je n’ai pas le temps de réfléchir plus de temps. Des faisceaux lumineux se font de plus en plus proches dans le parebrise arrière.

— Baissez-vous ! hurle Loup, juste avant que le véhicule qui nous poursuit, tape dans l’arête arrière de notre poubelle.

Alors que cinq minutes plus tôt, les monstres me faisaient une révélation importante dans le calme, nous roulons à présent à toute allure, tous les quatre secoués par les contre-coups de notre poursuivant percutant notre faible embarcation. Des tirs s’ajoutent bientôt aux chocs répétitifs. Pendant une seconde, je me demande qui est assez fou pour s’en prendre à nous. Mais je connais déjà la réponse.

Les chasseurs !

Ils sont venus me récupérer me dis-je, avec un léger sourire sur les lèvres, mais c’est avant de me rappeler l’épisode de la casse, avec l’abandon d’un chasseur blessé, et ma fuite avec trois bêtes à éliminer. De quoi semer le doute chez eux, comme dans mon esprit. Suis-je chasseuse ou chassée ? Suis-je du bon ou du mauvais côté ? Suis-je vraiment leur princesse ? Vu la réaction de mes mentors, je pense que oui…

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