Métamorphose

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Les années étaient vite passées, depuis la naissance d’Erhawe et la terrible tragédie qui s’était alors déroulée. Elle avait grandi, avait appris à marcher et de jolies boucles brunes entouraient à présent son doux visage enfantin.

A quatre ans, elle ne savait pas grand-chose de sa famille. Elle ne connaissait que son oncle, qui s’occupait d’elle au mieux. Mais elle s’en satisfaisait, jouant parfois avec son lui ou Pépa, le petit papillon-familier qui adorait la taquiner, la faire rire.

A vrai dire, elle faisait bien ce qu’elle voulait. L’Oncle était souvent en déplacement, et, même si son familier était chargé de la surveiller, elle ne manquait pas de faire quelques bêtises pour tromper l’ennui: De la terre dans les chaussures de Selicien, un miroir déformant pour Pépa, qui prenait extrêmement soin de son apparence, ou même faire rentrer dans la demeure un troupeau de lapins pourchassés par des loups…

Mais ce n’était que de simples bêtises d’enfant. Elle n’avait pas un mauvais tempérament. Au contraire, elle donnait souvent un mot gentil, aimait courir et jouer, et ses sourires… eh bien personne ne pouvait y résister.

Ni Selicien ni son familier n’arrivait à dire non à cette adorable bouille innocente.

Sauf sur une chose…

“Ecoute, Erhawe”, avait dit un soir Selicien, un genoux à terre pour pouvoir la regarder dans les yeux. “Tu peux faire beaucoup de choses, ici, avec moi et Pépa. Il y a juste une chose que je te demande de ne pas faire, de ne jamais faire sans moi”.

Il avait froncé les sourcils pour donner plus d’importance à son ordre.

“Tu ne dois pas sortir dehors toute seule après la tombée de la nuit, tu comprends ?”

Du haut de son jeune âge, elle n’avait pas tout saisi, seuls les mots “pas sortir”, “nuit” et “seule” étaient parvenus en ligne droite vers son cerveau. Et en avisant l’air sérieux de l’Oncle, elle en déduisit que rester au chaud après le départ du soleil était préférable.

Malheureusement, à quatre ans, on oublie vite…

Et un jour, tandis que le papillon se lavait les ailes, son oncle étant en déplacement, elle poussa doucement la porte et sortit dans la nuit noire.

Pieds nus dans l’herbe un peu boueuse, elle marcha jusqu’au lac. Elle était habillée légèrement, et frissonna un peu.

Comme il faisait froid ! Comme il faisait noir !, se disait-elle en regardant le paysage alentours. Paysage qu’elle connaissait très bien, mais qui revêtait de nouveaux auspices sans la lumière et le soleil qui l’entourait si souvent.

Elle avait envie de rentrer, mais voyant la lune apparaître peu à peu et éclairer précisément l’endroit où elle était, elle ne bougea pas.

Immobile, vêtue d’un simple pyjama, les joues rougies par le froid, les pieds bien enfoncés dans le sol boueux, les yeux fixés vers le ciel, elle avait un air innocent et un peu étrange.

En quelques secondes, elle était déjà complètement éclairée par la lune. Lentement, sa peau se mit à rayonner. Fascinée, elle n’avait pas esquissé un geste, mais en sentant des picotements traverser tout son corps, elle baissa la tête et regarda, curieuse.

Son corps se recouvrait de plumes d’une blancheur immaculée, ses jambes rapetissaient et son bassin s’allongeait. Ses bras avaient été remplacés par de longues ailes et son visage par une tête minuscule prise par un grand bec et de petits yeux doux.

Ce n’était pas douloureux, mais doux comme une caresse, et si agréable...

Progressivement, la petite fille curieuse et un peu désobéissante avait laissé place à un jeune cygne. Mais elle n’avait pas peur, comme si tout était normal, habituel. Elle remua doucement les ailes, prit un peu d’altitude pour finir par retomber sur le lac. La fraîcheur de l’eau de n'atteignit pas… elle se sentait si bien, ses frayeurs d’enfants s’étaient envolées dans le vent et le calme environnant agissait comme un baume sur son âme. Elle n’était plus qu’un cygne, juste un cygne qui glissait sur un lac...

Erhawe était petite, certes. Et puis elle ne savait pas vraiment ce qui était en train de se passer.

Tout ce qu’elle savait, c’est que cette métamorphose étonnante ressemblait curieusement à la triste légende que l’Oncle lui racontait si souvent, la légende des Cygnes Noirs...

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