Episode 21

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Le manager marque une pause et lève un sourcil.

- Vous êtes sûr ? Je ne parle pas d’un voyage d’un mois à l’étranger, les tournées sont épuisantes et dure plusieurs mois, ce n’est pas simple…

- Ecoutez Mr. le manager. J’ai conscience que ce ne sera pas simple, mais rien n’a jamais été simple dans la vie. Et je n’ai pas l’intention de m’arrêter au moindre obstacle. Ce que vous me proposez peut sembler un peu fou, s’embarquer dans une telle aventure avec des gens que je connais à peine, ce n’est pas évident pour tout le monde. Mais je sors d’un mois d’hospitalisation après avoir frôlé la mort et perdue ma jumelle, j’ai réalisé que mes soi-disant amies n’étaient en fait que des mensonges et que mes parents… c’est… disons, compliqué, je ne suis pas la fille qu’ils auraient voulu que je sois… Plus rien ne me retient ici. Mais surtout, j’ai l’intention de faire ce qui m’intéresse, je n’ai plus de temps à perdre, j’ai déjà failli mourir une fois, alors maintenant je considère que j’ai une seconde chance et je compte bien en profiter.

Ma voix se brise. Le manager hoche la tête. Il regarde l’heure.

- Bien je vais passer quelques coups de fils, restez ici pour cette nuit. Mais demain, quoi qu’il se soit passé, il faudra que vous alliez cherchez certains documents chez vous. Pour l’instant, allé vous reposer, vous avez tous bien travaillé aujourd’hui.

Sur ces mots il nous laisse et va s’enfermer dans une autre pièce de la maison. Le silence se fait. Je ne sais plus vraiment où j’en suis. Je sais seulement que j’ai pris une décision importante. Les garçons vont se coucher. Je reste sur le canapé.

Le lendemain j’ouvre les yeux difficilement. J’ai très mal dormi. Pas à cause du canapé, mais par rapport à tous ce qui c’était passé la veille.

Ma vie était totalement bouleversée et prenait une direction totalement différente de ce que j’avais imaginé. Mais c’était ma décision, et j’irai jusqu’au bout. D’une certaine manière je prouverais à mes parents qu’ils avaient tort de ne pas me faire confiance.

En attendant je dois me lever, il faut que je me prépare à rentrer chez moi. Personne n’est réveillée pour le moment. Je me lève tout doucement, il est encore tôt. Je récupère les clés sur le buffet et sors. Je vais leur faire gouter un bon petit déjeuné français. Je vais à la boulangerie. Ma carte bleue va chauffer mais tant pis.

Je prends une vingtaine de viennoiseries ainsi qu’une vingtaine de petits gâteaux. Ils vont pouvoir se régaler. En tout cas je l’espère. Les bras chargés des sacs et des boites je retourne à l’appartement.

Entre temps tout le monde s’est réveillés et ils sont visiblement en train de discuter de mon absence. Jun semble très inquiet que je sois déjà partie. Ça me fait sourire. Qu’il est bête ! Je ne vais quand même pas partir comme une voleuse, je dis au revoir hein !

Je referme la porte doucement. Ils ne m’ont pas entendu arriver et sont tous dans le salon. Je m’approche.

- Bonjour, dis-je. Que se passe-t-il ?

Tout le monde se retourne vers moi. En voyant tous les sacs et boites que j’ai empilés, les garçons poussent des cris de joie et viennent m’aider à les porter. Le manager lève un sourcil avec un sourire amusé.

- Alors les garçons on en oublie les bonnes manières ?

Alors qu’ils emmènent le petit déjeuné dans la cuisine, ils me remercient.

- Je… je me suis dit que ce serait sympa que vous puissiez gouter aux viennoiseries et aux gâteaux français avant de repartir…

- C’est très aimable à vous, mais vous avez prévue à manger pour combien ?

- Oh ! Euh… et bien, je ne savais pas ce que vous aimiez ou pas, donc j’ai pris tout ce que je pouvais.

Il part en riant dans la cuisine, d’où l’on entend les cris des garçons qui découvre tout ce qu’il y a. Une jeune femme s’approche de moi. Je la reconnais, c’est le membre du staff qui a accompagné les garçons et le manager en France.

- Bonjour ! Je me présente, je m’appelle Min Ah. Lee Min Ah. Je travaille avec le groupe depuis ses débuts, je m’occupe de tout ce qui est coiffure et maquillage. Normalement j’ai une collègue pour leurs tenues mais elle est restée en Corée, tu la rencontreras plus tard. En tout cas je suis ravie de faire ta connaissance et j’ai hâte de travailler avec toi !

- Bonjour ! Je suis ravie aussi ! Merci beaucoup ! Je m’appelle Mélanie Jourdan. Répondis-je en sentant que le courant passait bien entre nous.

On rejoint les garçons et le manager dans la cuisine pour manger le petit déjeuner, tout en bavardant. Min Ah a quatre ans de plus que moi, elle m’a autorisé à l’appelé 언니. On s’entend bien et j’ai l’impression de m’être trouvé une amie.

Le petit déjeuné terminé, je récupère le plat à gratin que j’étais venue récupérer la veille. Après l’appel de ma mère hier soir j’avais éteint mon téléphone. J’hésite à le rallumer ce matin, j’ai peur de ce que je pourrais y trouver.

Je pars rapidement, le manager m’a fait une liste des documents dont il avait besoin. A cette heure-ci mes parents sont au travail. Je sais que je serais tranquille en rentrant.

J’arrive à la maison, Jun m’accompagne, il préfère m’attendre à l’extérieur. Elle est vide comme je m’y attendais. Je range le plat dans la cuisine puis monte dans ma chambre pour préparer un sac. Le manager m’a conseillé de prendre quelques affaires et quelques vêtements, je complèterais ma garde-robe une fois arrivée en Corée.

Je jette un œil par la fenêtre, Jun est là, debout devant l’entrée. Je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas rentrer. D’autant qu’il sait que je vais en avoir pour un moment.

Je récupère les documents qu’il m’a demandé. Pour me faciliter la vie, j’avais créé un dossier avec tous les documents importants qui pouvaient me servir pour des inscriptions à la fac ou autre.

Je récupère aussi mon passeport. C’est bon, j’ai tout ce qu’il me faut. Je vais prendre une douche rapidement. C’est bon je suis prête.

J’ai du mal à réaliser ce qu’il se passe. Cette maison que je connais depuis que je suis toute petite, je vais l’abandonner et partir à l’aventure sur un coup de tête. Non, ce n’est pas tout à fait ça. Je saisi une opportunité, je prends mon avenir en main, et je vais leur prouver que je ne suis pas la fille ratée qu’ils pensaient. Je vais leur prouver qu’ils peuvent me faire confiance !

J’ouvre la porte d’entrée, un gros sac à bout de bras et un gros sac de rando sur le dos. Je pose tout dans l’entrée. Jun se penche pour prendre les sacs.

- Non. Attends. Je… je ne pars pas tout de suite.

- Comment ça ? Tu ne viens pas ?

- Si, si bien sûr, mais je vais écrire un mot à mes parents. Je ne voudrais pas qu’ils lancent les flics à ma poursuite. Entre s’il te plait. Je ne veux pas que tu attendes comme ça dehors. En plus tu pourrais attirer l’attention des voisins. Ils risqueraient de te prendre pour un cambrioleur ! Dis-je sur le ton de l’humour.

Jun rit mais entre finalement dans la maison. Je referme la porte derrière lui et lui propose de s’installer dans le canapé. Il ose à peine s'y asseoir du bout des fesses. J’éclate de rire et le rassure. Non le canapé ne va pas s’autodétruire parce qu’il s’y assoit comme il faut.

Pendant qu’il navigue sur son téléphone pour s’occuper, je prends une feuille dans l’imprimante et un stylo et je commence à écrire. Je ne sais pas trop quoi écrire, mais je me dis que ça viendra en écrivant.

« Maman, Papa,

Avant toute chose je veux que vous sachiez que j’ai fait ce choix moi-même. Personne ne m’y a forcé. J’ai saisi une occasion, une opportunité de prendre en main mon avenir. Et voilà, maintenant vous devez être en train de vous demander de quoi je parle.

Je pars. Voilà de quoi je parle. Je pars en Corée, je vais suivre des études par correspondance pour prendre en charge la communication de l’entreprise dont je vous parlais. Le directeur de l’entreprise qui est en Corée a discuté avec le manager, je dois partir avec eux pour apprendre en immersion avec eux tout en suivant mes cours. Je vous l’accorde ce n’est pas une méthode ordinaire, mais l’entreprise n’est pas ordinaire non plus… Mon travail sera de les aider à développer leur marché en France.

Vous avez surement l’impression que c’est précipité, que je fais n’importe quoi, que je ne réfléchis pas assez. Je ne sais pas, je ne suis pas dans votre tête. Mais sachez que je réfléchis toujours avant de faire quelque chose. J’ai confiance en ces gens, je sais qu’ils m’aideront. Enfin peu importe au final, je vous écris cette lettre pour que vous ne vous inquiétiez pas. Mais je sais bien que dans tous les cas vous ne me croirez pas. De toute façon pour vous je ne suis qu’une ingrate, injuste et égoïste !

Et j’en viens à la deuxième chose dont je voulais vous parler. Hier au soir lorsque tu m’as appelé maman, j’étais très en colère. Je n’ai pas aimé ce que tu m’as dit. J’ai beaucoup pleuré et j’ai beaucoup réfléchis aussi. Et j’ai alors compris pas mal de chose. Je… J’ai la sensation que vous m’en voulez d’avoir survécu. Soyons honnête deux minutes, entre Anna et moi, celle qui s’en sortait le mieux dans la vie et dans les études, ce n’était pas moi. Anna était géniale. Elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait du premier coup et avec de supers résultats, pas moi, elle avait plein de bons amis et visiblement moi non malgré ce que j’ai cru et ce que vous semblez croire.

J’ai l’impression que vous ne m’accordez pas la même confiance qu’à Anna et ce même avant l’accident. J’ai toujours été dans l’ombre d’Anna. Elle ne le voyait pas comme ça et moi non plus, jusqu’à présent ça me convenait. Mais les choses ont changé. Il est temps que je prenne ma vie en main, que je prenne mon envol. Et pour le coup ce n’est pas une simple métaphore.

J’ai été vraiment déçue lorsque j’ai réalisé tout ça, mais après tout, vous ne vouliez qu’un seul enfant, Anna vous suffisait. En fait, non. Je n’étais pas seulement déçue, j’étais triste, en colère, j’avais l’impression que ma vie entière n’était qu’un mensonge ! Que je n’étais qu’un faire-valoir lors de vos discussions avec vos amis, lorsque vous vous ventiez d’avoir une fille comme Anna !

Je me suis sentie trahit et inutile. Et je ressens encore tout ça à l’heure où je vous écris cette lettre.

Néanmoins il semblerait que tout le monde ne pense pas comme vous. Certaines personnes me trouvent forte, elles ont confiance en moi. Ne pensez pas que ce manager et ce directeur m’ont engagé sur un coup de tête. Qu’ils se sont trompés et que quand ils se rendront compte de leur erreur ils me laisseront tombé. Non. Parce qu’ils m’ont fait passer un test. Ils ont vu de quoi j’étais capable et c’est sur mes capacités qu’ils se sont basé pour me proposer ce travail. Je ne suis pas inutile pour eux, j’ai une véritable valeur à leurs yeux. Grâce à eux j’arriverai à guérir mon cœur brisé. Et je deviendrais encore plus forte.

J’étais à deux doigts de partir sans rien vous dire. Vous seriez rentrés ce soir et auriez pensés que je m’étais enfui. Mais après je me suis dit que vous risquiez de causer des problèmes à mes amis et à ma future entreprise en prévenant la police. C’est pourquoi j’ai quand même pris le temps d’écrire cette lettre.

Alors voilà. Je pars, mais je reviendrais en France. Parce que j’aime mon pays. Parce que je ne veux pas abandonner Anna.

Je pense qu’il est temps que je vous dise au revoir maintenant.

N’essayez pas de me retenir, ça ne servira à rien, je dois partir.

J’en ai besoin. Je dois prendre le large.

Au revoir Papa.

Au revoir Maman.

Mélanie Jourdan

PS : Je vous laisse mon trousseau de clé dans le pot de fleurs à côté de l’entrée, là où je vais, je n’en ai pas besoin. »

Je relie rapidement ma lettre, je la signe et la laisse en évidence sur la table. Il est temps d’y aller. Jun se lève et me rejoins. Nous sortons. Je ferme la porte, planque les clés dans le pot de fleurs. Je recule de quelque pas et regarde la maison où j’ai grandi. Tellement de choses se sont passées. Mais il est temps d’avancer. Je pars avec mon sac sur le dos, Jun porte mon gros sac. Nous retournons chez lui.

Le soir même j’allume mon téléphone. Je m’attendais à une multitude de notifications. Appels manqués, messages, mais non. J’ai un appel manqué de chez moi qui date d’il y a quelques minutes. Mais c’est tout. Ils n’ont même pas laissé de message. Une fois de plus je suis déçue. Mais qu’importe ma nouvelle vie commence et je compte bien me donner à fond !

C’est l’heure, l’avion va bientôt décoller. Nous enregistrons nos bagages. Les agents de l’aéroport nous fouillent et vérifient nos billets. Nous allons bientôt décoller. L’entreprise a réussi à me faire faire un visa étudiant assez rapidement. Lorsque l’on arrivera en Corée, j’irai lire mon contrat et le signer.

D’après ce que m’a expliqué le manager, il ne sera que sur la période de mes études. Si mon travail leur convient, ils le renouvelleront mais cette fois-ci ce sera un vrai contrat de travail et non un contrat d’apprentissage. Le côté entreprise est réglé, et le côté scolaire est sur le point d’être réglé aussi, je finalise mon inscription dans une école d’apprentissage par correspondance.

Min Ah m’a rassuré, elle me logera chez elle le temps que je trouve un endroit. Elle n’habite pas très loin de la compagnie et du dortoir des garçons. On a bien sympathisé toutes les deux et elle m’a même promis de m’emmener faire les boutiques une fois arrivée !

Je pars, et je commence une nouvelle vie. Je n’abandonne pas ma sœur. Je lui ai promis de vivre pour nous deux et c’est bien ce que je compte faire. Anna part avec moi.

J’ai sa photo dans un petit pendentif, ce collier ne me quittera plus. C’est un cadeau de Jun. Il vient de me l’offrir.

- Prête Méli ? Me dit Jun.

- Prête ! Lui répondis-je.

Je mets un pied dans l’avion, et avec ce premier pas, ma nouvelle vie commence.

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