Episode 15

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- J’ai bien compris les risques, je ne suis pas stupide. Je veux la même chose que vous, leur bonheur. Je ne vous connais pas. Je connais Jun seulement. Mais ça me suffit. Jun est mon ami, et il est hors de question que je lui fasse du tort. Par contre je peux vous aider, je garderais le secret.

- Vous allez garder leur secret ? Vraiment ?

- Vous doutez encore ? Je suis sortie de l’hôpital il y a trois jours, après un peu plus d’un mois d’hospitalisation. J’ai perdu ma sœur jumelle. Je dois apprendre à me reconstruire sans elle, je vais devoir avancer sans elle. Et je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas ce que je dois faire. Des études, oui mais lesquelles ? Un métier, oui mais lequel ? Je suis perdue. Alors vous imaginez bien que je n’ai pas la tête à aller baver sur les réseaux sociaux ou auprès d’amies que je n’ai pas vu depuis un mois, que je connais une star de la musique coréenne…

Ma longue tirade jette un froid dans la pièce. Les garçons baissent la tête ou détourne le regard. Le manager semble gêner et regarde Jun. Je reste droite et fière mais j’ai les yeux brillant de larmes.

- Ça va aller Mélanie. Le manager a compris. Tente de me rassurer Jun en jetant un regard noir à son manager.

- Manager-nim, intervint Hae Kuk, j’ai une idée. Vous vous rappelez pourquoi vous vouliez que l’on apprenne chacun une langue étrangère ? Vous vouliez qu’on puisse communiquer avec nos fans dans leur langue. Mélanie a appris le coréen et parle français. Même si elle a des progrès à faire en coréen, cela peut être utile au groupe.

- Ah bon ? Dis-je surprise, le manager semble aussi surpris que moi.

- Oui. Notre réseau de fan en France n’est pas très développé. Et Mélanie pourrait nous aider à le développer, en faisant de la com’. Ainsi elle serait utile au développement du groupe à l’étranger et elle serait lié par un contrat à la compagnie, elle n’aura donc pas le choix de préserver notre anonymat.

Je ne sais plus quoi faire. Je suis venue ici dans le but de rassurer leur manager à propos du secret des garçons et voilà que je vais me retrouver à signer un contrat pour un travail, alors que je ne sais absolument pas ce que je veux faire de ma vie !

Leur manager me regarde différemment maintenant, il semble étudier la question avec sérieux. Jun m’avait parlé de l’attachement de leur manager pour la France, c’est surement pour ça que cette idée ne semble pas lui déplaire.

- Je… euh… je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée… je n’ai pas de diplômes pour la com’, je suis sûr que vous avez des personnes bien mieux placé dans votre entreprise pour faire ça… je… je suis désolée mais… dis-je alors que je commence à trembler.

Je regarde l’heure qu’il est et réalise que ça fait déjà un moment que nous discutons.

- Bon et bien je vais rentrer chez moi, il se fait tard, et ma mère va commencer à s’inquiéter, surtout après ce qu’il s’est passé la dernière fois… merci et euh… a une prochaine fois. Gardez le plat, je passerais le récupérer une autre fois.

Je les salue et part sans demander mon reste.

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Je regarde le manager qui reste impassible, Hae Kuk qui semble surpris avant de me lever à la suite de Mélanie.

- Non, Jun-i. Reste là. Laisse-lui du temps. Elle a vécu des choses très compliqué. Elle l’a dit elle-même, elle est perdue. Nous lui avons fait une proposition, maintenant c’est à elle de voir ce qu’elle veut. Me dit le manager, calmement.

Je me tourne vers lui, furieux.

- Pourquoi vous lui avez parlé comme ça ? Je vous avais pourtant expliqué ce qu’elle avait vécu ! Elle vous a répété je sais pas combien de fois qu’elle ne dirait rien ! Si elle avait vraiment voulu dire quelque chose elle l’aurait déjà fait ! Elle n’était même pas obligée de nous dire qu’elle avait deviné !

- Jun-i, calme-toi. Tu la connais peut-être mieux que moi mais mon job, c’est de vous protéger, pas de ménager tout le monde. Et puis je te ferais remarquer qu’elle est plus forte que tu ne le crois. Elle ne s’est pas écrasé quand j’ai monté le ton, au contraire.

Je ne réponds rien. Je suis d’accord avec le manager sur ce coup-là, Mélanie est forte. Le manager reprend.

- Hae Kuk-i revenons en a ta proposition. Je te connais, si tu m’en as parlé c’est que tu y as déjà longuement réfléchis.

- En effet. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le réseau de fan en France n’est pas très développé. Cela peut être pour plusieurs raisons, la Corée du Sud n’est pas très connue ici, la kpop non plus, le groupe encore moins. Mais je suis sûr que l’on a au moins quelques fans ici.

- Je confirme d’après les statistiques des ventes d’albums. Après je suis d’accord avec toi, cela n’a rien à voir avec les stats du Japon ou de la Corée, voire des Etats-Unis.

- Voilà, et bien justement, il y a un tout nouveau publique ici. Comme une page blanche sur laquelle nous pourrions écrire une nouvelle histoire. Mais pour ça nous pourrions avoir besoin de l’aide de quelqu’un. Et pourquoi pas une personne française, qui connait donc la culture et la langue française, qui s’intéresse à notre pays au point d’en apprendre la langue, et qui s’intéresse à nous non pas comme une fan à un groupe mais bien comme une amie ?

- Continue, l’encourage le manager.

- Je pense que Mélanie est la personne parfaite pour remplir cette fonction. Elle pourrait faire le lien entre les français et nous. Être le pont qui reliera notre culture, notre pays aux siens.

- Néanmoins, elle n’a pas de diplôme qui la qualifie pour ce métier, comme elle l’a si justement souligné.

- Certes et alors ? Si ça l’intéresse et si vous êtes d’accord, il sera toujours temps de trouver une solution. Elle peut travailler en binôme avec quelqu’un de la compagnie en attendant d’avoir son diplôme. En apprentissage. Comme ça elle apprendra aussi comment fonctionne notre compagnie, ainsi après son diplôme elle sera prête à travailler pour nous. Et comme les autres personnes de la compagnie, elle sera liée par une clause de confidentialité à notre égard dans son contrat, ce qui règlera le problème.

Tout le monde se tait, nous réfléchissons aux paroles de notre leader. Il a raison. Si cela convient à tout le monde, ce pourrait être une grande avancée pour nous. Mais je ne peux m’empêcher de penser à Mélanie. Pour nous ce serait certes très positif, mais elle, qu’est-ce que ça lui apportera ? Je pose la question au groupe.

- Nous laisserons le choix à Mélanie. Comme pour toute proposition, elle aura le choix de dire oui ou non, et devra en accepter les conséquences par la suite. Et pour répondre à ta question, ce que ça lui apportera, ce sera à elle de trouver la réponse. C’est quelque chose de personnelle.

- Des conséquences ? Quels genres de conséquences ?

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Je rentre chez moi la tête pleine de questions. Je ne m’attendais pas à avoir une proposition de ce genre. Depuis que je me suis réveillée à l’hôpital je réfléchis à ce que je ferais de mon futur. Mais il existe tellement de possibilité que j’ignore quoi faire. Il faut que j’en parle sérieusement avec mes parents. Que j’étudie les différentes options qui s’offrent à moi. Mon téléphone vibre. C’est Jun. Il doit s’inquiéter le pauvre. Je suis partie tellement vite.

« Tout va bien ? »

« Oui, oui… pardon d’être partie si vite. »

« Non c’est moi, je ne savais pas que le manager allait te parler comme ça. Si j’avais su, je ne t’aurai pas demandé de venir. Hae Kuk Hyung ne voulait pas te faire peur non plus… il m’a demandé de te transmettre ses excuses. »

« C’est gentil. Mais ne t’inquiète pas, ça va. C’est juste que ça faisait beaucoup d’un coup. »

« On a discuté après ton départ. Surtout de l’idée de Hyung. Quand tu te sentiras prête, je t’expliquerais. En attendant prend le temps de réfléchir à ce que tu aimerais faire plus tard. Ne fais pas un choix pour faire plaisir à quelqu’un d’autre. Ecoute ton cœur et fais ce dont tu as envie. »

« Oui. Merci Jun. »

J’en profite pour envoyer un message à Lily.

« Coucou Lily ! C’est Mélanie. Je voulais te dire que j’allais mieux, je suis rentrée chez moi il y a quelques jours, si tu veux on peut se voir. J’espère que tu vas bien toi aussi… »

J’arrive bientôt chez moi. Mais avant de retourner dans le cocon familial je m’arrête dans le petit cyber café où j’avais l’habitude d’aller avec Anna et mes amies. Je me prends un chocolat chaud et je surf sur internet avec mon téléphone.

Je commence par aller faire un tour sur mes réseaux sociaux, voir ce que mes amies deviennent. Alors que je fais défiler les différents comptes auquel je suis abonnée, je tombe sur celui de ma sœur. Une nouvelle boule me serre la gorge. Je clique dessus. Les dernières photos sont celles de la fameuse soirée.

Je les regarde, ces visages souriants, heureux. Le bonheur figé dans c’est photo est tellement éphémère. Quelques minutes après cette dernière image, le bonheur était remplacé par l’horreur, la mort et le sang, la peur et la douleur.

Je vais sur le compte de Lily. J’espère ainsi avoir des nouvelles de ma meilleure amie. La dernière image qu’elle a postée est une photo de ma sœur et moi. Nous sommes toutes les deux souriantes. Je me rappelle de cet été-là, lorsque nous étions allées en camping avec plusieurs amies. Nous venions d’avoir le BAC et nous étions persuadée d’avoir la vie devant nous. Lily a ajouté un commentaire sous la photo.

Un autre mot plein de larmes et de tristesse.

Il faut que je la voie. J’ai besoin de la voir, j’ai besoin de me raccrocher à mes souvenirs, à ces moments de joie. Je ferme l’application.

C’est encore trop tôt.

J’ouvre une page internet et je tape dans le moteur de recherche « licence communication » je clique sur le premier lien, ONISEP. Je reconnais, je sais que c’est fiable et pratique. Je cherche dans la liste des propositions et sélectionne plusieurs cursus. Je navigue entre les différents onglets.

Chargés des relations publiques.

Ça fait déjà deux fois que je le vois. Je clique pour ouvrir la fiche métier. En lisant je réalise que ça semble assez proche de ce dont Hae Kuk parlait. J’essaye de réfléchir, de m’imaginer plus tard, en tant que chargé des relations publiques en France pour le groupe.

Je secoue la tête pour chasser ces images. C’est trop compliqué ! J’ai besoin de calme, de conseil, de quelqu’un pour m’épauler. Et jusqu’à présent ce quelqu’un c’était Anna. Direction le cimetière. Je dois trouver une solution à mon problème.

- Anna. Il faut qu’on discute, j’ai besoin de ton aide…

- …

- Evidemment tu ne me répondras pas… pfff ! Je suis stupide de faire ça.

- …

- J’ai besoin de trouver ce que j’aimerais faire. Il faut que je reprenne mes études, que je trouve un travail et que je vive ma vie. Je ne supporte pas de ne rien avoir.

- …

- Tu savais que je n’ai aucune nouvelle de nos amies ? Ça fait plus d’une semaine que je suis réveillée et pas une visite, pas un coup de file, pas de messages… rien. Est-ce que tu penses que c’est parce que c’est trop dur ? Parce qu’on se ressemble… nos amies n’arriverons plus à rester avec moi parce que je leur rappellerai constamment que tu n’es pas là ?

- …

- Et qu’est-ce que je devrais dire moi ? Rien que de voir mon reflet dans une vitrine ou un miroir et ton absence me brise encore plus… Dis-moi ce que je suis sensée faire maintenant que tu n’es plus là !

Je ne peux plus me retenir, les larmes ruissellent le long de mes joues.

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