Soldat

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 Les balles sifflent autour de moi, percutent les parois de la tranchée où je me suis réfugié. Je ne suis à l'abri nul part. Je patauge dans la boue. Il y en a partout ici.

J'étais venu défendre les couleurs de mon pays. J'étais venu en patriote, fleur au fusil. Fier de me battre pour l'honneur et pour des valeurs que je croyais justes. Mais à quoi bon. Mes convictions sont traînées dans la fange, tachées du sang de mes ennemis et de mes frères.

Il n'y a pas de justice dans la guerre.

Partout devant mes yeux, l'horreur remplace l'honneur. Je ne pense plus qu'à une chose, survivre. Ici, il ne règne que la violence et la mort. En quoi la mort de pauvres soldats pourra un jour régler les conflits des hommes de pouvoir ? A cet instant, je les hais. Je hais ces hommes qui m'ont envoyé tuer et mourir ici. Qu'ils viennent eux, dont l'honneur a été bafoué pour une quelconque histoire de terres ou d'argent. Qu'ils viennent donc voir le résultat de leurs glorieuses campagnes militaires. De la campagne d'ailleurs, il ne reste plus rien. Quelques touffes d’herbes maltraitées par les sabots des chevaux et les godillots des hommes qui se battent.

De ma position, j'aperçois les ruines d'un bâtiment, noirci par les flammes qui l'on détruit. Je cours m'y réfugier. Juste à temps. La tranchée qui m'abritait il y a quelques instants seulement explose, projetant sur moi les restes des quelques amis qu'il me restaient. J'ai la tête qui tourne. Je voudrais fuir cette horreur et en finir. Après tout, qu'ai-je encore à craindre de la mort ? Je connais déjà l'enfer. Je veux juste du calme et du silence. Rentrer sous la terre froide, et m'en faire un cocon.

Soudain, je remarque une trappe, à demi ensevelie sous les gravats et la poussière. Je veux appeler mes compagnons mais je me rappelle alors qu'il n'y a plus personne à appeler. J'entre.

Le silence qui règne ici est intimidant. Presque effrayant pour moi qui vient de la surface. J'avance à pas lents et mes chaussures résonnent sur le sol de pierre. J'arrive devant un autel et je découvre que je ne suis pas seul.

Un soldat ennemi me tourne le dos. Il est agenouillé, comme s'il priait. Je sors silencieusement mon arme. Je pourrais l'abattre, d'une seule balle. Il ne m'a pas entendu arriver et il est sans défense. A ma merci. Je pourrais juste … Il ne m'a pas entendu ? C'est impossible. L'écho de mes semelles annonce ma présence aussi surement que si j'étais entré en courant. Je m'avance prudemment.

Le soldat ne prie pas. Il pleure. Il tient dans ses bras une jeune femme, une infirmière. Sa tête repose sur ses genoux, elle semble dormir. Puis, je comprends pourquoi mes chaussures ne font plus de bruit. Mes pieds pataugent dans une flaque de sang. Un long filet rouge part du torse de la jeune femme pour s'accumuler à mes pieds. Elle est blanche, trop blanche. Sa poitrine ne se soulève plus.

Alors, je pose mon arme. Je vais prendre cet homme dans mes bras et je le serre comme un frère. J'oublie presque que, là-haut, mon geste est une trahison.

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