La lettre d'un ami

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Fait à : un endroit où la vie compte plus que la mort

Le : jour où j'ai décidé de mon destin

A mon meilleur ami,

  Mon cher ami, je t'écris depuis l'Irak où je soigne des blessés de guerre. Je sais que je suis parti sans explications et je te prie de m'en excuser. Aussi, je vais tenter de répondre aux questions que tu dois te poser dans cette lettre. N'essaie pas de m'envoyer, toi aussi, un message car les mots que j'écris seront les derniers. Mais j'en parlerai plus tard.

  D'abord, je veux te faire part de ma situation, de la vie que j'ai choisie. Comme je l'ai dit plus haut, je soigne des blessés de guerre. J'aime ce métier même s'il est dur. Inutile de te dire que j'ai l'impression de vivre dans une sépulture. J'entends, à longueur de journée, les jérémiades de malheureux frappés par la mort.

  Un jour, un adolescent, portant son petit frère dans les bras, est venu me voir, implorant. J'ai posé le regard sur le minuscule être humain, à demi-mort, qui semblait assoupi. Trois trous rouges béaient de sa poitrine. Le jeune homme le portant me l'a tendu, suppliant de le sauver. Il pleurait. J'ai accepté. J'ai pris le garçon dans mes bras, je l'ai posé sur la table d'opération et j'ai commencé mon travail.

  J'aimerais te dire qu'il a survécu mais non. Je ne mentirais pas. Il est mort. Je l'ai tué. Je sais bien que j'ai fait de mon mieux, qu'il était condamné, pourtant je m'en veux. Quand je suis retourné voir son frère pour lui annoncer la nouvelle, je n'ai pas trouvé celui-ci. C'est le lendemain que j'ai vu son corps, transporté par des soldats vers un bûcher funéraire.

  A ce moment-là, j'ai voulu partir, fuir ce lieu de désastre, mais, en passant la porte de sortie, j'ai vu une petite fille, de cinq ans tout au plus, couchée au sol, baignant dans une mare de sang. Je me suis précipité à ses côtés et je l'ai sauvée. Elle a de longs cheveux bruns et de magnifiques yeux verts émeraudes. Elle me fait penser à ta soeur, Charlotte. Aussi, j'ai décidé de la surnommer Chacha. En échange, elle m'appelle Koko. Désormais, tout le village me nomme ainsi. Elle avait perdu sa famille donc je l'ai adoptée, même si ce n'est pas vraiment légal. Elle est comme mon assistante et je l'aime de tout mon coeur.

  Bref, si je t'ai conté cette histoire, c'est pour te dire que, après la mort, la destruction, arrivent la vie, l'amour. Je ne sais pas si tu as continué tes études d'art mais, si tel est ton rêve, suis-le, car les choses les plus belles arrivent toujours grâce à des envies oniriques.

  Sache que, malgré toutes ces années loin de toi, je ne t'ai jamais oublié. Ni toi, ni toute la bande que l'on formait étant jeunes. Embrasse les autres pour moi. Je sais que je demande peut être beaucoup mais, pourrais-tu me rendre un service ? Rends-toi sur la tombe de mes parents et dépose une primevère dessus, une seule, s'il te plaît, c'était leur fleur préférée.

  Au début de la lettre, je t'ai dit que ce serait mes derniers mots. C'est vrai. Un vieil homme à la peau tavelée est venu me voir, se plaignant de céphalées. Il m'a fait part de propos sybillins concernant le quartier archaïque de la ville. Je n'ai pas tout compris si ce n'est que des enfants, fils et filles de l'ennemi y seraient enfermés, torturés. Je dois rapporter ses propos ésotériques à la résistance car, à la suite de sa péroraison, il a rendu l'âme. Sa mort reste et restera un mystère pour moi.

  Je sais que, quand je serai avec les résistants, je me lancerai dans une mission suicide pour sauver ces jeunes gens. Aussi, au cas ou la lettre serait interceptée, je dois taire ton nom, le mien et ton adresse. Donc quand tu liras cette lettre, je serais mort.

  Ne t'en veux pas, vis. Vis pour moi, pour Chacha. Dans la partie deliée de la lettre, je t'ai laissé un colifichet de l'Irak et mes économies. Il doit y avoir l'équivalent de quelques milliers d'euros. Utilise-les pour venir ici, pour récupérer ma fille adoptive et aime-la comme si c'était la tienne. Sache que ma vie fut extraordinaire, mon métier génial et ma mort parfaite car elle est pour une bonne cause. Tous ne diront pas ça mais, s'il te plaît, dis-le à ma fille même si tu n'y crois pas. Dis-lui que je ne regrette rien sauf le fait de l'avoir laissée seule.

  Vois plus loin que tes rêves, plus loin que ta vie, plus loin que la mort...

A jamais, Koko.

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