Chapitre 15

16 minutes de lecture

Une chose était sûre : l’ambiance à l’école était toujours survoltée lorsqu’arrivait le jour des vacances scolaires. Ce vendredi 17 novembre ne faisait pas exception. Tous les élèves attendaient avec impatience la sonnerie qui marquerait la fin de leurs cours et le début des congés de Thanksgiving. La plupart d’entre eux partaient avec leurs parents retrouver de la famille, et Lisa avait encore une fois l’impression qu’elle serait la seule à rester à Clayton pendant cette période de fêtes. Comme à son habitude, elle était l’une des rares personnes du lycée à ne pas partager l’euphorie générale. Pour elle, le jour des vacances était toujours le moment tant redouté de l’année où elle devait dire adieu à M. Bates pour une durée d’au moins une semaine…

Toutefois, le mois de juillet dernier avait prouvé à Lisa qu’il lui restait toujours une petite chance de croiser M. Bates pendant les vacances, si lui aussi avait la bonne idée de les passer dans la région de Greentown. Elle pouvait donc tout à fait espérer voir ce miracle se reproduire. Mais plutôt que de se bercer d’illusions et de s’en remettre à la seule Providence, Lisa préféra savoir à quoi s’en tenir et demander directement à son prof ce qu’il avait prévu de faire durant ses congés.

Pour cela, elle choisit bien sûr d’attendre la fin de son cours de maths et de se retrouver seule à seul avec lui. Elle employa sa technique habituelle, qui consistait à mettre un temps fou à recopier la liste des devoirs que l’enseignant avait donnés à faire pour la rentrée, ce qui lui permettait à chaque fois d’être la dernière à quitter la salle. Quinze problèmes de dérivées et d’intégrales à résoudre… Décidément, la classe de Lisa avait été gâtée !

- J’ai toujours l’impression que tu es la seule à noter la liste des exercices jusqu’au bout…, commenta M. Bates qui, assis en face de Lisa, s’amusait à faire rouler une craie sur son bureau pour tuer le temps.

- C’est peut-être parce que j’écris plus lentement que les autres ? Désolée, je vais essayer de me dépêcher pour ne pas vous retarder, dit Lisa en accélérant l’allure – maintenant qu’elle et son prof se retrouvaient tous les deux dans la salle, elle pouvait bien arrêter son cinéma.

- Non, non, je crois vraiment que tes camarades se contentent de ne recopier que la moitié de leurs devoirs… Ce qui n’explique d’ailleurs pas pourquoi ils n’en font généralement que le quart…

- Bah, si je ne notais pas tous mes devoirs de maths, j’aurais trop peur de m’ennuyer pendant les vacances ! plaisanta Lisa d’une voix rieuse.

- Tu n’as rien prévu de particulier pour Thanksgiving ? s’étonna M. Bates.

- Pas grand-chose, à part rester à la maison pour regarder le défilé à la télévision et manger de la dinde avec ma mère et mes grands-parents… Et vous ? lança-t-elle en adressant un regard plein de curiosité à son prof.

- Oh, j’ai surtout prévu de dormir et de récupérer les heures de sommeil qui me manquent ! répondit M. Bates en riant. Ça fait du bien aussi de passer les vacances chez soi à se reposer. Cette année, j’ai la chance que ce soit ma famille qui se déplace et qui vienne me voir pour le réveillon de Thanksgiving.

- Oh ! fit Lisa, ravie d’apprendre cette merveilleuse nouvelle. Dans ce cas, profitez-en bien !

- Toi aussi, lui souhaita l’enseignant avec un sourire bienveillant.

Un sourire que Lisa lui rendit au centuple en pensant joyeusement :

« Ça, pour en profiter… Vous pouvez compter sur moi ! »


Le plan de Lisa était risqué, et pourtant… Cela faisait déjà plusieurs jours qu’elle y songeait, plusieurs nuits qu’elle en rêvait, et maintenant qu’elle venait d’apprendre que M. Bates comptait rester chez lui pour les vacances, elle se disait que l’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. C’était de la folie, elle le savait… Mais plus elle y pensait, plus elle se sentait prête à tenter l’aventure. Cette fois, elle était bien décidée à franchir le pas, à aller de l’avant et à remercier son prof en bonne et due forme. Quitte à passer pour une dingue… Il fallait à tout prix qu’elle aille sonner chez lui pour lui remettre son cadeau de Thanksgiving.

Depuis que Lisa avait acheté l’album Mayhem des Midnight Owls au Green Jazz Festival, elle attendait le moment le plus opportun pour offrir ce disque à son prof de maths, en remerciement de tout ce qu’il avait fait pour elle. La fête de Thanksgiving lui fournissait une excuse idéale. Bien sûr, elle ne pouvait pas débarquer chez lui le jour même des festivités, surtout s’il attendait de la famille, mais elle se disait que venir frapper à sa porte quelques jours avant le jeudi 23 novembre ne serait pas une mauvaise idée… Pas le 22, car ses invités risquaient justement d’arriver chez lui ce jour-là, ni le 21, car il souhaiterait peut-être regarder la retransmission à la télé de la cérémonie de grâce de la dinde, mais pourquoi pas le lundi 20 novembre ? C’était une date qui sonnait plutôt bien et qui lui permettrait de revoir M. Bates après seulement deux jours d’absence, comme si elle allait le retrouver au lycée après le week-end… De plus, sa mère lui avait dit qu’elle travaillerait toute la journée, ce lundi. Cela lui laisserait donc le champ libre pour sortir prendre le bus et se rendre à Mill Spring sans éveiller le moindre soupçon. Restait à savoir si M. Bates serait bien chez lui au moment où elle viendrait sonner à sa porte...


Lorsqu’elle descendit à l’arrêt de bus de Mill Spring à trois heures de l’après-midi, Lisa se demanda si elle avait vraiment choisi le meilleur jour pour remettre son cadeau à M. Bates.... Depuis le début de la matinée, il ne s’était pas arrêté de pleuvoir, et il soufflait un vent glacial et piquant qui lui tirait les larmes des yeux. Alors qu’elle avait initialement songé à apporter sa guitare acoustique pour jouer quelques morceaux sous les fenêtres de son prof, elle s’était finalement dégonflée à la vue de la météo, craignant que la pluie ne fasse rouiller ses cordes en acier et que le froid ne lui gèle les doigts.

Enfonçant ses mains dans les poches de son manteau noir, tirant sa capuche sur sa tête et remontant son écharpe jusqu’à son nez, la jeune fille se dirigea d’un pas rapide vers la maison de M. Bates. Elle espérait vraiment qu’elle n’avait pas fait tout ce trajet pour rien et qu’elle trouverait l’enseignant à son domicile. Tout ce qu’elle souhaitait, à présent, c’était le voir, lui offrir son cadeau, et reprendre le bus de trois heures et demi pour rentrer chez elle se réchauffer.

En arrivant devant le 3020 Irwin Street, Lisa constata avec inquiétude que la Mini Cooper de M. Bates n’était garée ni dans son jardin, ni dans la rue… A moins qu’il ne l’ait laissée dans son garage pour la protéger des intempéries, tout portait à croire qu’il l’avait prise pour sortir… Les choses s’annonçaient mal.

Lisa s’approcha malgré tout du petit pavillon bleu ciel de M. Bates et s’arrêta sur le seuil de son jardin, avant de jeter un regard anxieux autour d’elle. La rue était déserte. Pas étonnant, vu le temps… La pluie avait au moins l’avantage de dissuader les gens de sortir et de permettre à Lisa d’œuvrer en toute discrétion… A part si, bien sûr, les voisins avaient le nez collé à leur fenêtre pour épier ses moindres mouvements et voir ce que cette mystérieuse inconnue venait faire chez Harold Bates… Tant pis. De toute façon, ce n’était pas le moment de rebrousser chemin. Pas maintenant qu’elle était arrivée si près du but.

La jeune fille gravit les marches du perron avec précaution et se présenta devant la porte d’entrée, le cœur battant à tout rompre. C’était une porte en chêne massif, dépourvue de lucarne, à côté de laquelle se trouvait une sonnette au nom de M. Bates. La dernière fois qu’elle s’était tenue devant cette porte remontait à l’année précédente, alors qu’elle et ses amis étaient venus frapper chez M. Bates le soir d’Halloween pour réclamer des bonbons… A l’époque, elle avait été loin de se douter que son prof de maths habitait à cette adresse… Elle se rappelait encore la surprise qu’elle avait eue en le voyant lui ouvrir. Aujourd’hui, elle revenait toute seule toquer à sa porte, et la raison de sa visite était bien différente...

Lisa tendit un doigt tremblant vers la sonnette. Ce n’était pas le froid qui la faisait frémir ainsi, mais bien la peur… Elle était tétanisée. Retenant sa respiration, elle appuya d’un geste résolu sur le bouton-poussoir.

Ding dong !

S’ensuivirent alors les secondes les plus longues de sa vie… Tendant l’oreille, Lisa essayait de deviner s’il y avait quelqu’un à l’intérieur de la maison, mais son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine qu’elle n’entendait plus que ses battements effrénés. Et s’il avait déjà du monde chez lui ? Et si jamais c’était quelqu’un d’autre qui venait lui ouvrir ? Bien des hypothèses auxquelles Lisa ne s’était évidemment pas préparée et qui lui faisaient redouter le pire… Elle préférait encore se confronter à l’absence de M. Bates, plutôt que de tomber nez à nez avec une femme qui pouvait se révéler être sa compagne...

Lorsqu’elle vit la poignée tourner, Lisa se crut sur le point de défaillir. Il était trop tard maintenant pour faire marche arrière. Certes, elle avait toujours la possibilité de s’enfuir en courant, mais cela n’aurait pas été très mature de sa part. Rassemblant tout son courage, Lisa garda les pieds fermement plantés au sol et observa avec angoisse la porte tourner sur ses gonds…

M. Bates apparut dans l’encadrement, une main toujours posée sur la poignée et l’autre appuyant sur la monture de ses lunettes pour les réajuster sur son nez, comme s’il avait du mal à croire ce qu’il voyait.

- Lisa ? s’exclama-t-il d’une voix stupéfaite. Mais qu’est-ce que tu fais ici ?

- Bon… Bonjour… Je… Euh… J’a… J’avais quelque chose à vous remettre, bredouilla la jeune fille en fouillant dans son sac à bandoulière avec des gestes précipités et maladroits.

Comme par hasard, son album des Midnight Owls était tombé tout au fond, et il y avait tellement de bazar à l’intérieur qu’elle n’arrivait même plus à mettre la main dessus...

- Entre donc, voyons ! lui dit M. Bates en s’inquiétant de la voir rester dehors par ce froid.

- Oh, non, non, ça va aller, je n’en ai pas pour très longtemps ! assura Lisa, qui continuait de chercher avec fébrilité dans son sac – elle commençait à se demander si elle avait bien pris l’album avec elle...

- Tout de même… Je ne voudrais pas que tu tombes malade. Ce serait dommage d’attraper un rhume avant les fêtes…

Voyant son prof ouvrir la porte en grand et se décaler sur le côté pour l’inviter à entrer, Lisa cessa ses recherches et répondit alors d’un air faussement embarrassé :

- D’accord… Si vous insistez…

Sur ce, elle franchit le seuil de sa maison – une chose qu’elle n’aurait jamais crue possible, même dans ses rêves les plus fous – et s’arrêta dans le vestibule en attendant qu’il referme la porte derrière elle. Elle n’arrivait pas à réaliser ce qui lui arrivait. Elle venait d’entrer chez M. Bates ! Et dire qu’elle n’avait même pas eu besoin de forcer la serrure de sa porte ni de casser la vitre d’une de ses fenêtres pour cela ! Non, c’était lui qui l’avait invitée, alors qu’elle venait de débarquer totalement à l’improviste… Si ça ce n’était pas faire preuve d’hospitalité !

- Tu peux poser ton manteau ici, si tu veux, tu seras plus à l’aise, lui proposa M. Bates en lui indiquant le portemanteau dans l’entrée.

- Oh, euh… Vous savez, je n’avais pas l’intention de m’imposer…

- Tu ne me déranges pas, la rassura M. Bates. A vrai dire, je n’attendais pas de visite aujourd’hui…

A ces mots, Lisa observa son prof plus attentivement. Il portait un jean et un pull en V bleu marine, qu’il avait enfilé par-dessus une chemise blanche au col ouvert sur le premier bouton. Même sans son nœud papillon, il était étrangement bien mis pour quelqu’un qui ne s’attendait pas à recevoir de visiteurs ! Comment diable faisait-il pour garder la classe même en restant à la maison ?

Engoncée dans son manteau, la jeune fille finit par le retirer et par l’accrocher, en espérant qu’il allait pouvoir sécher un peu… Elle suivit ensuite M. Bates jusqu’à son salon, où elle pénétra d’un pas lent et posé, comme si elle entrait dans un sanctuaire.

« Si ma mère savait où je me trouve en ce moment... » songea Lisa en regardant autour d’elle d’un air fasciné. « C’est sûr, elle n’aurait pas fini de gueuler ! »

La pièce était décorée avec un goût exquis. Une table en bois clair vernis, entourée de chaises matelassées de couleur sable, se trouvait dans la partie salle à manger, éclairée par de grandes fenêtres qui donnaient sur le jardin. A l’autre bout, la partie séjour était composée d’un large canapé en cuir noir, tourné vers une cheminée en briques et une immense télévision à écran plat. Ce côté-là de la salle donnait sur ce qui ressemblait à une petite véranda, accessible de l’intérieur par une baie vitrée coulissante. Les murs du salon étaient recouverts d’étagères remplies de bouquins et ornés de quelques tableaux sur toile représentant des paysages de montagne. Lisa était heureuse de constater l’absence de toute photo de famille sur laquelle elle aurait pu reconnaître M. Bates en compagnie d’une femme ou entouré d’enfants. Elle ne remarqua d’ailleurs pas la moindre touche féminine dans la décoration, ce qui acheva de la rassurer.

- Ne fais pas attention au bazar ! dit M. Bates, qui avait dû s’apercevoir du regard inquisiteur de la jeune fille.

- Quel bazar ? s’exclama celle-ci d’un air amusé.

Pour elle, tout était propre et rangé à la perfection… mis à part, bien sûr, les livres qui traînaient un peu partout dans le salon. Certains étaient empilés sur des chaises, d’autres posés sur le manteau de la cheminée, d’autres encore s’entassaient sur le buffet de la salle à manger, à côté d’un tourne-disque et d’un plateau de jeu d’échecs…

Lisa s’approcha de celui-ci avec curiosité. C’était un échiquier en bois d’acajou et d’érable, sur lequel des pièces en bois de rose se trouvaient déjà placées à divers endroits, comme si une partie était en cours…

- Tu joues aux échecs ? s’enquit M. Bates en remarquant l’intérêt que la jeune fille portait à son plateau.

- Un tout petit peu…, avoua Lisa, qui n’avait jamais vraiment réussi à trouver le temps de se consacrer à ce jeu, même si elle savait que c’était l’une des passions de son prof de maths. A vrai dire, je n’ai jamais été très douée aux échecs…

- Je pourrai t’apprendre, si tu veux.

A ces mots, le cœur de Lisa se gonfla de bonheur et son visage s’éclaira d’un large sourire.

- Avec plaisir ! répondit-elle, enchantée à l’idée qu’elle puisse enfin avoir des cours particuliers avec l’homme qu’elle aimait.

- En attendant, je propose qu’on s’installe sous la véranda : je l’ai mise à chauffer tout à l’heure, et c’est là que j’étais en train de prendre mon café avant que tu ne sonnes…

- Ah ? Euh… D’accord, je vous suis ! fit Lisa, légèrement gênée d’apprendre qu’elle avait dérangé M. Bates en plein milieu de sa pause café.

L’enseignant la conduisit à travers le salon jusqu’à la baie vitrée coulissante, ouverte sur ce qui s’apparentait en tous points à une serre. Celle-ci était de petites dimensions, mais abritait une grande quantité de plantes vertes. Certaines poussaient dans des pots en terre cuite posés à côté des fenêtres, d’autres grimpaient le long des murs de briques en s’entortillant autour de treillis qui montaient jusqu’au plafond de verre.

- Waouh ! s’exclama Lisa, impressionnée. Je ne savais pas que vous aviez la main verte.

- Hahaha ! Oui, le jardinage est l’un de mes passe-temps favoris, expliqua M. Bates en riant. Je trouve que c’est une activité très relaxante, et c’est toujours gratifiant de voir une plante grandir grâce aux soins qu’on lui apporte. Je suis d’ailleurs assez fier de ma collection de plantes carnivores, ajouta-t-il en montrant d’un signe de tête les végétaux en question.

Lisa entrouvrit la bouche d’étonnement. Elle avait été loin de se douter que M. Bates aimait cultiver ce type de plantes. Elle se demandait d’ailleurs si elles étaient dangereuses….

- Ne t’inquiète pas, elles ne te mordront pas ! lança l’enseignant, amusé par l’expression quelque peu inquiète qui se lisait sur le visage de son élève. Elles ne sont tout de même pas aussi réactives !

- Ah, ouf ! fit Lisa avec soulagement. Je vois que vous avez aussi de très belles orchidées...

- Oui, ce sont des plantes assez résistantes et plutôt faciles à entretenir...

La jeune fille s’approcha de ces fleurs exotiques pour en admirer les pétales multicolores et humer leur parfum. Elles étaient plantées dans des pots en verre, disposés le long de la baie vitrée au fond de la véranda, à côté d’une petite table ronde en bois de teck et de ses quatre chaises assorties.

- Je t’en prie, installe-toi ! Tu veux boire quelque chose ? Il me reste encore un peu de café, mais je crois me souvenir que ce n’est pas ce que tu préfères… Je peux te faire du thé au citron, si tu veux ?

- Oh, euh… Oui, volontiers ! accepta Lisa en rougissant.

- Parfait ! Je reviens tout de suite, dit M. Bates, avant de disparaître dans le salon pour retourner à la cuisine.

Charmée par autant d’amabilité, Lisa regarda autour d’elle d’un air béat. Les fenêtres de la véranda donnaient sur un petit jardin qui, malgré le temps gris et pluvieux qui régnait dehors, lui paraissait tout à fait ravissant. Certes, il n’était pas très fleuri en cette période de l’année, mais il était propre et soigné, et son herbe tondue à la perfection prouvait une fois de plus les talents de jardinier de M. Bates.

Lisa reporta son regard sur la table en teck près de laquelle elle se tenait. Une tasse de café encore à moitié pleine était posée dessus, à côté d’un journal ouvert à la page des actualités locales. Même pendant les vacances, M. Bates gardait l’habitude de prendre son café en lisant les nouvelles du comté de Greentown, comme lorsqu’il allait au Gourmet’s après les cours. Chez lui, au moins, il pouvait savourer ce moment de détente sans être dérangé par le bruit des clients, et profiter du calme et de la tranquillité de sa véranda… Sauf, bien sûr, quand une de ses élèves décidait de venir sonner à sa porte.

Lisa finit par s’asseoir sur la chaise située en face de celle qu’avait visiblement occupée M. Bates. Pendant que celui-ci était en train de lui préparer son thé, elle posa son sac à bandoulière sur ses genoux et se remit à fouiller à l’intérieur, à la recherche de l’album des Midnight Owls... Par miracle, elle réussit enfin à mettre la main dessus et le sortit victorieusement de son sac, pile au moment où M. Bates réapparaissait dans la véranda, chargé d’un petit plat argenté. Lisa écarquilla les yeux d’étonnement. Jamais elle n’aurait imaginé voir son prof de maths lui servir du thé sur un plateau ! Décidément, M. Bates ne cessait de l’impressionner par ses bonnes manières...

- Attention, c’est très chaud, la prévint-il en déposant devant elle un grand mug rempli de thé encore fumant.

- Waouh ! s’exclama alors Lisa en découvrant que la tasse, de couleur bordeaux, portait le blason de l’université de Harvard, avec le mot « VE-RI-TAS » inscrit en lettres majuscules sur trois livres ouverts. C’est vraiment un honneur, pour moi, de boire dans un tel mug ! lança-t-elle d’une voix sincère et pleine d’admiration.

- Haha ! fit M. Bates en riant. C’est un souvenir de mes années d’études à l’université… Autant dire qu’il ne date pas d’hier !

« Oh, vous n’êtes quand même pas si vieux ! » répondit Lisa intérieurement, avant de se remettre à contempler avec ravissement la tasse posée devant ses yeux.

Celle-ci devait avoir une grande valeur sentimentale pour M. Bates... Plus qu’un honneur, c’était un véritable privilège pour Lisa que de se voir confier un tel objet ! Elle avait intérêt à en prendre soin...

- Je me demande s’il existe aussi des mugs du MIT…, s’interrogea la jeune fille à voix haute.

- C’est fort probable, dit M. Bates avec un sourire, avant de poser sur la table son plateau argenté.

Sur celui-ci étaient placés un sucrier ainsi qu’une assiette remplie de petits gâteaux bombés qui ressemblaient à des coquillages. Jamais Lisa n’avait vu de telles pâtisseries... Perplexe, elle les examina d’un regard scrutateur qui ne passa pas inaperçu.

- Ce sont des madeleines que j’ai rapportées de Paris, expliqua M. Bates. C’est ce que les Français mangent quand ils prennent le thé. Tu m’en diras des nouvelles !

- Oh, merci, dit Lisa en choisissant un des gâteaux posés sur l’assiette que lui tendait M. Bates.

Intriguée par la bosse qui s’élevait au milieu de la pâtisserie et qui lui donnait cette forme rebondie, la jeune fille l’observa une dernière fois avec curiosité, puis mordit dedans à pleines dents. Le plaisir fut au rendez-vous. Un agréable goût de beurre et de miel lui ravit les papilles, et la texture incroyablement moelleuse du gâteau lui rappela celle des muffins qu’elle aimait tant. En moins de cinq secondes, Lisa avait déjà englouti sa madeleine.

- C’est vraiment délicieux ! s’exclama-t-elle avec un grand sourire.

- Je suis d’accord, acquiesça M. Bates, avant de se servir lui aussi et de s’asseoir en face de son élève.

- Dommage qu’il n’y en ait pas au café Gourmet’s !

- C’est une spécialité française que l’on trouve difficilement par ici…, reconnut l’enseignant. Pourtant, je suis sûr que le café Gourmet’s pourrait se mettre à en proposer à ses clients, si quelqu’un leur faisait la suggestion. Après tout, la recette n’a pas l’air si compliquée… Il suffit juste d’avoir le bon moule !

Sur ce, il croqua à son tour dans sa madeleine pour en manger la moitié, puis porta sa tasse de café à ses lèvres et but une gorgée.

- Alors, dis-moi..., fit-il en reposant sa tasse sur sa soucoupe. Qu’est-ce qui t’amène ?

Annotations

Vous aimez lire Chaton Laveur ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0