La Revanche du Roi Jean

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Le Roi, le sourire aux lèvres se délectait de chaque minute écoulée depuis son accession au trône et son couronnement.

       Ah, ils allaient tous bien regretter de l’avoir tant méprisé, tant moqué lorsque son père puis son frère occupaient le trône.

       Ce serait maintenant l’heure des regrets. Ils comprendraient bientôt leur douleur.

       Déjà, rien que la jouissance de voir les lueurs de crainte et de terreur lorsque leurs regards se posaient sur lui le transportaient au ciel.

       Ils devaient maudire son stupide frère de s’être laissé embarquer dans une sordide querelle avec un non moins imbécile de seigneur limousin. Et ce «  Cœur de lion », mais cervelle de moineau y avait récolté une flèche bien placée qui l’avait expédié aux enfers.

Mais il convenait d'être prudent. Certains barons guetteraient la moindre faute de sa part pour déclencher des émeutes contre lui et Philippe, le roi de France ne raterait pas une occasion de mettre la main sur l'Anjou ou la Normandie.

       Bien, il allait tout de même assouvir certaines rancunes. Mais la façon dont il s'y prendrait allait les désarçonner.

       Pour terrifier des Grands trop puissants et les faire tenir tranquilles, le roi Jean avait décidé de s’attaquer aux petits.

       Il jeta un œil sur l’homme placé à sa gauche.

       — Shérif, vous avez été de tout temps, un de mes meilleurs soutiens. J’ai décidé de vous récompenser en châtiant nos ennemis.

      L’homme leva la tête. Guy de Delorm, shérif de Nottingham en avait gros sur le cœur depuis si longtemps. Le visage couturé de cicatrices mais portant beau et n’accusant pas le poids des ans, il se racla la gorge.

        — Sire,   j’ai toujours été un fidèle serviteur de la couronne d’Angleterre et de vous en particulier et je n’ai besoin d’autre récompense que vôtre plaisir à être bien servi.

      Jean jubilait intérieurement.

      Même ses amis et cet imbécile de Nottingham en particulier le craignaient  assez pour verser dans la flagornerie.

       Mais assez maintenant. Il était temps de passer aux choses dites sérieuses et surtout de prendre sa première vengeance.

     — Vous risquez tout de même d’être surpris par mes demandes.

       Il fît un signe à son capitaine des gardes :

      — Faîtes entrer ces marauds !

      Lorsque les trois hommes pénétrèrent dans la salle, le shérif eût un hoquet de surprise.

       Il y avait là, un colosse à cheveux gris, un ecclésiastique et un gentilhomme qui portait encore l’épée. Trois têtes trop connues du shérif.Nottingham reconnut sans peine dans le colosse aux cheveux gris. Petit-jean, l’intendant du domaine de Locksley. Le moine n’était autre que le prieur de la toute nouvelle abbaye de Sherwood quant au gentilhomme… Le shérif serrait sa mâchoire pour ne pas hurler de colère et de haine.  

        L’homme dont les cheveux grisonnaient légèrement avait effectué comme ses compagnons une courte révérence et se tenait maintenant bien droit fixant Jean. Leurs visages ne traduisaient pas la moindre expression.     

       C’est la voix du Roi qui brisa le silence.

       — Bonjour, baron de Locksley ou devrais-je dire, Robin des Bois ?  Je vois que vous êtes accompagné de vos fidèles affidés ?

      La voix de Robin, retentît claire et tranquille.

       — C’est à votre demande, Majesté. Et je suis désormais le Baron de Locksley. Mon arc et mes flèches sont à la disposition de la seule Angleterre.

       — Et je suppose, Baron que vous vous demandez pourquoi vous êtes l’un des premiers que j’ai fait  mander après le décès de mon malheureux frère.

L'ironie qui transpirait du ton mielleux du roi n'échappait pas à Robin.

       — Je ne me pose pas la question, Sire. Quel que soit le désir du Roi, il est du devoir de tout bon sujet d’obéir à son suzerain.

        Cette fois, le shérif perçut toute l’ironie des propos de son ancien adversaire. Les yeux noirs de Robin pétillaient toujours de  malice et semblaient rire. Il ne put s’empêcher d’avoir une admiration pour le drôle. Il devait pourtant connaître assez Jean pour savoir que celui-ci ne pratiquait pas le pardon comme une vertu.

      Jean passa brusquement au tutoiement, assorti d'un ton plus rude.

      — Tu n’as pas été Robin, particulièrement respectueux et loyal envers moi.

L’autre  prît un air étonné.

       — Je l’ai toujours été  envers la couronne, Sire. J’ai suivi Richard dans sa longue  croisade en Palestine. J’ai aussi déjoué des complots visant à le mettre à bas de son trône.

Jean blêmit. Ces dernières paroles le visaient directement.

        — Il est vrai. Nous savons que nous pouvons compter sur ta loyauté envers la couronne et l’Angleterre. C’est pour cela que nous avons pensé à te confier une mission, toi et tes compagnons.

Le shérif eût un regard stupéfait vers le Roi.

Il n’était pas le seul. Petit-Jean et le Père Tuck échangèrent des mines ahuries

Après un temps, Robin, impassible, inclina légèrement la tête et lâcha :

       — Il en sera fait selon votre bon plaisir, majesté et quelle sera notre tâche ?

Jean prît un temps.

— Tu n’es pas sans ignorer que le Duc d’Autriche avait retenu notre frère un certain temps contre une rançon. Le peuple anglais et sa noblesse ont permis sa libération. Malheureusement, lors de son départ Richard a dû laisser certains documents en la possession de ce damné hobereau. Si Léopold, ou pire l'empereur d'Allemagne s’avisaient de s’en servir, cela serait fort dommageable à moi-même et donc à l’Angleterre et à la Couronne.

Et le Roi ajouta avec ironie.

— Tu devras donc récupérer ces documents au plus vite avec ou sans le bon vouloir de cette crapule germanique. Tu seras accompagné par tes chers compagnons dont nous connaissons l’habilité. En outre…

Jean prît une respiration comme pour  asséner un coup fatal.

— … Je t’adjoins, mon fidèle serviteur que tu connais bien et dont je suis certain tu apprécies le dévouement et la bravoure, Guy de Delorm, shérif de Nottingham.

Cette fois-ci, Jean avait réussi son coup.

      Même Robin avait la bouche ouverte de stupeur. Quand à Petit-Jean et à Tuck, ils ne purent que constater que Nottingham était aussi éberlué qu’eux.

     — Tu trouveras auprès de notre chancelier Monsieur de Leeds toute précision, Vous partirez au plus vite. L’évêque de Suffolk qui est de tes amis sera le gardien de ta famille et de ton domaine durant ton absence. Il suffit, allez. J’ai à faire.

      Robin s’inclina et sortit, ses deux amis à la suite.

      A peine l’ex-larron eût-il tourné les talons que perdant toute prudence, le shérif se mît à éructer.

      — Mais enfin, Sire êtes-vous fou ? Il fallait jeter Robin et ses reitres dans un cul de basse-fosse et les exécuter publiquement . Vos ennemis se seraient tenus bien tranquilles.

      — Imbécile ! Robin est un symbole de loyauté et de bravoure pour le Peuple et la Noblesse. S’en débarrasser m’exposerait à de graves révoltes et j’aurais déjà bien assez à faire avec le Roi de France ! Avec cette mission, j'éloigne Robin de l’Angleterre pour longtemps. Et puis ces documents existent vraiment et il est vital de les retrouver. Robin est assez habile coquin pour les récupérer.

      Le shérif reconnût bien là l’habilité tortueuse de son maître mais il n’était pas au bout de ses surprises. Il avait , en outre remarqué l'inquiétude avec laquelle il avait mentionné les documents convoités.

      — Et pourquoi me demander de me joindre à lui ? Vous vous méfiez et vous voulez vous assurer contre une trahison éventuelle ?

       — Certes, mais disons aussi que si par malheur sur le chemin du retour, il lui arrivait quelque accident, nous n’en serions point fâché. Mais seulement dés que vous aurez repris possession des documents.

      Et Jean éclata de rire en faisant signe au shérif, stupéfait de disposer…

                                                                          …….

    — C’est un piège !

    Le Père Tuck écumait.

     Ses joues rouges devenaient violettes et il semblait étouffer.

      — Mais cela ne se passera pas comme cela. J’écris ce jour au Primat d’Angleterre et même au Pape. Ce foutu pantin déguisé au Roi va s’en mordre les doigts. Robin vous devriez prévenir Suffolk et les autres barons…

      Robin restait songeur.

       — Bien entendu qu’il y a anguille sous roche, mon ami mais ces fameuses pièces existent et Richard avait déjà songé à les récupérer. Il semblait toujours inquiet quand il en parlait.

       — Mais enfin, nous adjoindre cette brute de shérif !

       — C’est évident, voyons, c’est la seule personne en qui il a confiance et qui selon lui, nous connaît suffisamment bien. Il nous craint autant que nous nous méfions de ses œuvres. Il n’oublie qu’une chose, c’est que nous aussi somme parfaitement informés sur notre estimé Guy.

      Mais déjà, un valet les introduisait auprès du Chancelier de Leeds, le chef de la Maison du Roi.

      Ils y découvrirent le shérif qui le visage fermé, l'air buté les attendait assis auprès de l’important personnage.

      Le Chancelier sourît en reconnaissant Robin.

      — Le Roi ne pouvait mieux placer sa confiance. Robin, il faut absolument récupérer ses documents. En de mauvaises mains, l’Angleterre se trouverait sous la menace de toute l’Europe et même du Pape. C’est pourquoi il est important que vous récupériez ces papiers. Sachez seulement qu’il y est question d’apostasie, de magie entre L’Autriche et L’Angleterre. Je ne crois pas à ces fariboles mais d’autres sauraient l’utiliser.

      Il désigna deux rouleaux ceints de cire rouge.

      — Vous trouverez toute l’histoire inscrite sur ces rouleaux. Le contenu est le même, IL y en a un pour Robin et un pour le shérif. Attention ! Chacun d’entre vous doit avoir accès à celui de l’autre à tout moment. Vous pouvez emmener avec vous chacun cinq hommes. Il vous faut partir dans les trois jours.  C’est tout.

      En quittant Leeds, Robin et le shérif ressentaient curieusement la même impression. Leur interlocuteur semblait éprouver un soulagement manifeste de les voir partir en mission. Il ne leur échappait pas non plus que la nature de leur mission était aussi obscure que le but en était clair. Quels étaient donc ces mystérieux documents et leur nature ? Et pourquoi Jean pour une fois d’accord avec Richard voulait-il tant en  reprendre possession ?

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