19 - Mythe

2 minutes de lecture

Proposition : Réécrire, réinterpréter, moderniser un mythe.

Durée : 45 minutes

Je suis laid. Petit, rabougri, difforme. À ma naissance, ma mère en avait pleuré. Sans doute avait-elle crié plus encore que moi. Elle me disait que mon père l’avait aimé trop fort. Plus tard, je comprendrai que cela signifiait un viol. J’étais le premier fils, le fils maudit, fruit de l’inceste. Un fruit pourri qui provoquait le dégoût. Je portais sur mon visage le sceau de l’infâmie. Rejeté par mon père, ignoré par ma mère, je n’avais que moi-même pour exister.

Devenu adulte, je me lançais en joaillerie, comme un pied de nez au destin. De mes mains épaisses et charnues, je façonnais des chefs d’œuvre de finesse. De mon être hideux jaillissait toute la beauté du monde. De l’or, de l’argent, des rubis, des diamants… De bijoux pour sublimer les femmes. Des bijoux pour détourner les regards et cacher la misère.

Tout le beau monde venait chez moi. Ce fut ainsi qu’un jour elle entra. Elle était belle. Sans défaut. Sans accroc. Parfaitement symétrique. Sans une seule aspérité. Une forme de perfection qui mettait mal à l’aise. Était-elle seulement humaine ? À sa façon, elle était un monstre. Un monstre de beauté.

— Je cherche une bague, me dit-elle.

Je lui aurais bien proposé un diadème pour en faire ma reine. Je lui pris la main et la fit courir entre les miennes. Ses doigts étaient d’une proportion idéale, fins et graciles, doux et froids comme un métal précieux.

— Vos mains n’ont pas besoin d’une bague, lui dis-je. Aucun bijou ne pourrait être à la hauteur.

Elle me regarda, surprise et amusée. J’ajoutai :

— Votre corps n’a pas besoin de ces vêtements non plus. Ils cachent votre beauté.

Elle se recula d’un pas et, sans hésiter, fit glisser sa robe d’un mouvement grâcieux. Elle se retrouva devant moi, nue, dans le plus bel et le plus simple appareil, soutenant mon regard enflammé.

— Vous seul êtes capable de voir ma véritable beauté, me dit-elle.

Elle posa sa main sur mon visage, en caressa les craquelures, les pleins et les déliés, les crevasses et les pics.

— Moi seul suis capable de voir votre véritable beauté.

Elle m’embrasse si délicatement les lèvres que mon souffle cessa.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Alexis Garehn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0