Chapitre 1 - Le nœud des dormeurs

3 minutes de lecture

Il faisait noir, un noir profond et insondable. Je cherchais mon corps, mais ne sentis que son absence. Il n'y avait rien non-plus autour de moi, rien pour me répondre que le Vide. J'étais nu dans le néant, dévêtu de mes sens. Je demeurais là longtemps, avec ma conscience pour seule réalité. Le temps passait.

Peu à peu, l'espace laissé par le Vide se comblait de brume. Cette lacune béante se remplissait d'un flou épais. Il m'entourait, devenant l'unique chose se manifestant à ma perception.

Comme je glissais encore parmi les heures, il se dissipait progressivement, à moins que ce ne soit mes yeux qui s’accommodaient à lui, me laissant entrevoir une lueur à son travers. J'attendis. Mes sens se réveillaient lentement. Mon corps réapparaissait et le reste avaient changé.

La lumière se rapprochait. Elle grossissait en envahissant l’autour, et finit par me baigner totalement, évinçant le brouillard. Il ne resta qu'elle, douloureuse et totale.

Lorsque mes yeux parvinrent à percer son omniprésence, ils distinguèrent ce que je n'avais pu voir jusqu'alors. Des contrastes se tracèrent, dessinant un monde de lumière et d'obscurité profonde. À un mètre devant moi, peut-être moins encore, un visage se révéla.

Paupières closes, il semblait dormir. C’était un homme, un peu plus âgé que moi. En détournant mon regard, j'en remarquai d'autres autour de nous : hommes et femmes, jeunes et plus anciens. Nous formions un cercle, où tous sommeillaient ; sauf moi.

Je ne connaissais rien de ce qui émergeait du Vide, ni les autres, ni ce corps ou le long pagne qui le recouvrait. Ces visages, ces figures étaient étranges et inquiétants. Une lueur pâle émanait d'eux, comme du reste autour et de moi y compris. Tout scintillait de cette même blancheur éthérée.

Comme je tournais la tête dans toutes les directions pour observer la structure qui nous contenait, je sentis une démangeaison sur la nuque. Instinctivement, j'approchai la main. Quelque chose était là ! L'effroi surgit, perça les nuages qui embrumait mon esprit ! Une masse lisse occupait l'arrière de mon cou. Elle était fichée là, à même la peau. Je la sentais s'infiltrer jusqu'au-dessous et y étendre des fils dans ma chair.

Lorsque je voulus la retirer, elle n'opposa aucune résistance. Elle chut simplement à mes genoux, balançant au bout d'un câble blanc relié à la structure. J'étais déconnecté et je n'avais pas la moindre idée de ce que cela impliquait.

Chacun des autres demeurait raccordé de la même manière à un cordon plus épais, dressé à la verticale derrière lui. Ces larges ganses d'albâtre se rejoignaient au-dessus et au-dessous de nous, donnant à l'ensemble une forme d'œuf ou de cage. En observant l’extérieur de ces barreaux, j'aperçus d'autres œufs. Leur nombre était immense. De longs axones les reliaient les uns aux autres, s’enchevêtrant en réseau. Je ne voyais que lui, partout où je posais mon regard.

Je voulus m'extraire de mon œuf, passer au travers des tuyaux blancs pour mieux voir. J'avançai un pied. Il bougea, mais demeura pendu là au bout de ma jambe sans chercher d'appui. Je ne reposais sur rien : mon corps, à l'instar de mon pied, flottait dans le vide. Nager sembla la meilleure solution pour se déplacer. Je me faufilai entre les colonnes.

À l'extérieur, le chaos semblait régner en maître. Les axones passaient partout, formant parfois des nœuds ou se divisant en plusieurs autres. Je progressais tant bien que mal, dans cette énorme pelote de fils luminescents, en m'appuyant sur les nerfs pour me propulser. Une issue apparut au loin, comme un ciel sombre au travers de la ramure d'un arbre. J'avançai.

Dans un espoir – futile peut-être – je jetais de temps à autres un regard à l'intérieur des œufs. Tous ceux qui étaient là demeuraient endormis. Leur nombre semblait infini. Pourtant, le silence bruissait de solitude. Certaines places étaient vacantes. Leurs cordons oscillaient dans le vide.

Annotations

Vous aimez lire Aulos ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0