La neige commençait à fondre à cette altitude. Illuminée par le soleil, la montagne séculaire commençait à changer de couleur. Les prairies se découvraient peu à peu de ce manteau glacial, tandis que la flore se réveillait de cette transe hivernale. Les premières fleurs pointaient timidement le bout de leur nez. Quelques insectes se promenaient, annonçant le retour proche du printemps. Sinuant à travers champ, un ruisseau s’écoulait là. Son lit s’était rétrécit durant l’hiver, mais la neige fondante nourrissait progressivement le cours d’eau. Elle le faisait grandir, lui permettrait bientôt d’explorer de nouveaux territoires. Il avait hâte, car bientôt il se jetterait dans les bras de sa grande sœur. Il s’ennuyait, seul ici, bien que le paysage fût d’une beauté étincelante. Comment ne pas admirer ce spectacle millénaire qui se déroulait à nouveau sous ses yeux ? Chaque comédien connaissait son rôle. Quelques improvisations modifiaient la représentation selon les années, le metteur en scène n’était pas bien strict. Néanmoins, les spectateurs retrouvaient à chaque fois la splendeur de cette Nature si bien chorégraphiée.

Malheureusement, la troupe s’essoufflait peu à peu. Le public ne respectait pas tellement les lieux, et le service de nettoyage était lent. Désorientés, les acteurs savaient de moins en moins comment jouer. Les scènes n’avaient plus trop de sens et se confondaient avec celles des autres saisons.

Le petit ruisseau, lui, voyait qu’il avait de plus en plus de mal à rejoindre ses frères et sœurs. Depuis quelques temps, il ne les voyait même plus, et cela l’attristait beaucoup.