Chapitre 08: Carte sur table

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Durant tout le weekend, j'ai dû m'occuper de ma mère, malade à en crever et totalement saoul pour changer. Pourtant, ce matin, j'ai cru que la journée se passerait bien puisqu'elle s'est sentie la force de préparer le petit déjeuner. Elle n'avait fait aucun commentaire quand Nathan m'a donné un des croissants rapportés de la boulangerie. Malheureusement, ma mère est vite retombée dans ses travers vers midi et s'est enfermée dans sa chambre car d'après elle, nous voir est trop difficile à supporter.

"Ma bière ! s'écrie ma mère de sa chambre."

Quand on parle du loup, il rapplique aussitôt ! Je soupire mais décide de lui céder ne voulant pas m'attirer ses foudres. Je me traîne donc du salon jusqu'à la cuisine puis une fois la bière en main je continue mon chemin jusqu'à l'antre de Scylla. Je frappe à la porte puis entre dans une pièce plongée dans le noir. Je perçois à peine la silhouette de ma mère allongée sur son lit. Par contre, je ressens son regard perçant sur moi, j'en ai des frissons. Ne sachant pas trop où m'orienter ni quoi faire, je reste immobile à l'entrée.

"Tu veux que je me répète encore ?"

Je me précipite vers son lit au centre de la pièce et tends le bras un peu au hasard. Soudain je sens un endroit précis de mon bras me brûler ! Je pousse un cri de douleur alors que la brûlure se fait de plus en plus intense. Ma mère me tient fermement le poignet pour que je ne m'enfuis pas.

"Tu as oublié mon cendrier, me dit-elle en retirant enfin sa cigarette de ma peau."

Ma mère prend finalement sa bière de ma main. Sans attendre mon reste, je marche le plus naturellement possible jusqu'à la salle de bain et m'y enferme. Une fois à l'intérieur, je me précipite vers le lavabo puis ouvre le robinet. Je suis contrainte de me mordre les lèvres pour rester calme lorsque l'eau froide entre en contact avec ma brûlure. Les quelques cendres sont emportées par l'eau et disparaissent dans le tuyau mais ma peau reste marquée d'une tache noire. Une larme tente de s'échapper de mes yeux mais j'arrête immédiatement sa course à la source. Je ne veux pas pleurer, c'est un droit que je ne m'accorde que très rarement. Je finis par couper l'eau, après avoir pris une grande inspiration, je décide de sortir de la salle de bain puis de rejoindre ma fratrie dans le salon.

Il faut que je me concentre sur le fait qu'on soit dimanche et que pour une fois, aucun de mes frères et sœurs ne manquent à l'appel. Je m'installe en silence dans le canapé, je sens le regard à la fois inquiet et furieux de Nathan sur mon bras.

"Marie s'en est encore prise à toi, constate t-il.

- C'est maman et non Marie je te rappelle.

- Comme si elle méritait qu'on l'appelle ainsi ! C'est juste une putain alcoolo de merde !"

Tout le monde observe Nathan dans le plus grand silence sans que personne ne soit surpris de son attitude impulsive. Je n'aurai décidément pas dû me mettre en t-shirt et je maudis cette chaleur étouffante qui m'y a poussé. Rien de ce que je pourrai dire ne viendra à bout de sa colère alors je préfère éviter les paroles inutiles, autant le laisser tout évacuer. Il passe une main dans ses cheveux bouclés avant de soupirer. Dieu merci, l'éclair de Zeus ne va pas frapper une nouvelle fois cet appartement. Nathan reprend:

"T'as passé ton bras sous l'eau froide au moins ?

- Elle était même glaciale.

- OK."

Alors que Romane berce notre cadette dans ses bras pour l'aider à trouver le sommeil, Alexie justement revient dans notre bon vieux monde réel ! Cet idiot avait pris trop de place avec son fessier ! Il se lève puis s'approche de moi, faisant obstacle à la vue de la télé pour tous. Il s'accroupit face à moi, plongeant ses yeux bleus dans les miens.

" Un problème cher frère ? finis-je par lui demander.

- Ce soir je t'emmène avec moi.

- Je bosse donc oublis.

- C'était pas une question Nath. Et puis sérieusement, il ferme jamais ce bar ? se plaint mon frère.

- Comme si ça te gênait toi, lance Nathan sèchement et gratuitement."

Nathan sait vraiment comment installer un profond malaise dans une pièce. Et Alexie est trop gentil pour lui rappeler qu'il y a deux ans encore, c'était lui qui se droguait à la cocaïne pour faire comme ses copains de mannequinat. Heureusement Alexie préfère l'ignorer comme il le fait si souvent car il se sent trop coupable de ne pas être à la hauteur de nos attentes. Il répète encore que ce soir ou plutôt cette nuit, après mon service, il viendra me chercher.

"Tu veux me vendre à tes potes chelou pour payer tes dettes ? lui demandais-je sur un ton moqueur.

- Surprise petite sœur. "

Alerte au plan foireux ! Oublies pas ton spray anti agression ! Je veux vivre moi !

***

Nous voilà donc dans la nuit de dimanche à lundi et aucune nouvelle de mon frère qui a sûrement dû se perdre entre les bars. Ce soir le bar est calme, je parviens même à m'ennuyer ! C'est toujours le cas le dimanche. Même les dépravés doivent se reposer. Oui, je sais que j'exagère et que juger c'est mal, blablabla. Le blondinet engourdie par ses élans amoureux qui me sert potentiellement de collègue s'approche de moi. Je crains le pire venant de ce phénomène.

"T'as fini ton service ma belle, m'informe t-il avec un large sourire.

- Il est même pas minuit, on est loin de la fermeture idiot. L'amour te fait perdre la notion du temps en plus de tes quelques neurones."

Rien qu'avec cette allusion peu flatteuse de son couple, je vois déjà ses yeux briller et se perdre dans le vide. Il esquisse un léger sourire et passe sa main dans ses cheveux, notre bourreau des cœurs serait t-il gêné ? Son regard revient croiser le mien, il est finalement descendu de son nuage mielleux.

"Je me suis arrangé avec mon frère, tu feras deux heures sup la semaine prochaine. Aller, vas-t'en!

- Mais de quoi tu parles ? T'as fumé ?

- Vas te changer idiote ! Putain t'es bien la seule qui se fait prier pour quitter son boulot plutôt !

- Toi t'es de mèche avec mon frère hein ?

- Je ne peux rien dire."

Je rêve ou ce con m'a fait un clin d'œil avant de fuir la discussion comme un gros lâche ? Ah bah non, c'était bien ça. J'hésite un peu mais finalement il n'a pas tort, autant partir tant que je peux. Une fois dehors, suite à ma rencontre avec le froid peu compatissant à mon manque de pull, mon portable se met à vibrer. Tiens Alexie ne m'a pas oublié !

"J'imagine que c'est à cause de toi que Gabi vient de me mettre dehors ?

- Grâce à moi, tu veux dire ! se défend t-il.

- Tu viens me chercher ou je file sous la couette ?

- Ah ça je veux pas le savoir ! Je suis quand même ton grand frère !

- Tu veux pas savoir si je dors sous une couette ? T'as bu un verre de trop ou quoi ?

- Non je suis déjà rentré. Mais j'ai une surprise pour toi qui ne devrait pas tarder à arriver.

- Tant que je finis pas à la morgue ça va... pensais-je à voix haute.

- Quelle magnifique confiance fraternelle, ça fait toujours plaisir. À ton retour tu iras au coin.

- J'ai plus cinq ans pour info, ton coin restera sans ma compagnie.

- Ah c'est bon j'ai reçu le signal ! Ton présent est arrivé ! Ne m'en veux pas trop hein, je t'aime sœurette.

- T'en vouloir de quoi ?"

Cet enfoiré a raccroché... Veut-t-il mourir ? Alors que je suis concentrée à maudire Alexie qui bizarrement fait le cadavre sans forfait, j'oublie un peu tout ce qu'il se passe autour de moi. Soudain je sens une pression au niveau de mon poignet. Putain je suis encore tombée sur un fou ! Le truc c'est de ne pas trembler, il faut montrer qui est le maître ici ! Ma tête se tourne immédiatement pour découvrir le visage d'un grand brun, plongeant ses yeux dans les miens, comme pour me montrer sa détermination. Mathys... J'aurais dû m'en douter. Et puis franchement ça me rassure mais je ne lui dirai pas. Je baisse les yeux pour diriger mon regard vers la pression au niveau de mon poignet droit. Ce que je découvre me laisse infiniment perplexe... Ce type est un pervers et un malade !

" Des menottes... chuchotais-je un peu surprise.

- Comme ça tu pourras plus me fuir, m'informe t-il en me montrant son poignet enchaîné au mien."

Je prends une grande inspiration pour ne pas l'étrangler lui et mon frère dès cette nuit !

"La fourrure rose bonbon dessus était nécessaire ?"

Et bim ! Le voilà totalement gêné ! Ça t'apprendra à vouloir me capturer ! Je suis pas un pokémon à dresser, ni une brebis égarée alors va voir ailleurs si j'y suis !

" Bah j'ai rien trouver d'autre dans l'urgence... me confie t-il d'une voix étrangement moins assurée.

- Je veux pas savoir, détache-moi.

- Et si j'ai pas envie ? me demande cet idiot avec un sourire en coin.

- La séquestration d'une personne ou agir contre son gré est puni par la loi, c'est dans ton intérêt de me détacher.

- Heureusement pour moi que tu vas me suivre gentiment alors.

- Tu rêves là.

- Rhoo t'inquiètes pas c'est très simple, tu mets un pied devant l'autre, ça s'appelle marcher sac d'os."

Je lui lance un regard qui dit clairement que je vais commettre un homicide contre sa personne mais cela semble le faire rire plus qu'autre chose... C'est tellement vexant et énervant... Je devrais peut-être le tuer pour de vrai. C'est une perspective à sérieusement envisagée. Je soupire puis me laisse tirer comme un gros poids le long des quais.

Façon t'as pas trop le choix, ce petit con bien foutu t'as littéralement enchaîné à lui.

Une conscience ne possède pas de fantasme ! Alors tais toi !

" Où on va ? finis-je par lui demander, juste histoire de savoir où je serai séquestrée.

- Dans l'immédiat on va rejoindre ma voiture.

- Certes mais ensuite ?

- Le monde est vaste et le ciel est sans limite.

- Ça ne répond pas du tout à ma question... murmurais-je.

- Bah tais toi et y aura pas de question sans réponse."

La violence de son insolence me fait me stopper net sur place. Le con est contraint à s'immobiliser à son tour à cause de ces menottes puis se tourne dans ma direction. Son sourire malicieux et fière de lui me provoque encore davantage !

" Retires moi ces menottes inutiles.

- C'est un ordre ? me demande-t-il en se rapprochant de moi.

- Waouh t'es arrivé à cette déduction tout seul ? Félicitation !

- C'est bête mais je vais devoir désobéir."

Comme monsieur semble se moquer délibérément de moi, ce qui ne m'étonne pas de lui, j'avoue avoir beaucoup de mal à préserver mon self control. Soudain je sens son souffle chaud près de mon oreille qui pour une raison que j'ignore me pousse à retenir ma respiration. Il est là juste à côté de mon visage et pourtant je n'ose ni le regarder ni bouger ni faire un seul geste.

"Cette situation est bien trop en mon avantage pour que je te laisse fuir, me chuchote cet idiot."

Je croise finalement son regard intense malgré la nuit qui nous plonge dans l'obscurité. Pour ne pas risquer de m'y perdre, j'éloigne sa tête de la mienne et recommence à marcher.

***

Le trajet en voiture jusqu'à chez lui se fait dans le silence, ce qui est plutôt agréable. Mathys a refusé de retirer les menottes, il est déterminé à m'enchainer à lui même lorsqu'il conduit. Il ne comprend pas qu'il est en danger de mort le pauvre, soit par ma main libre soit parce que la situation va provoquer un accident.

Une fois devant le seuil de son appartement, il me chuchote à l'oreille qu'on sera totalement seul toute la nuit. J'avais de la peine pour lui alors pour pas gâcher son enthousiasme je n'ai pas osé lui dire que cette précision me paraissait futile. Je n'oublie pas que son comportement suspect est franchement irrespectueux ! Après être entré, on se dirige sans attendre dans la partie salon de la pièce. Mathys saute sur le canapé m'entrainant avec lui dans sa chute. Sans attendre, il m'encercle dans ses bras, ainsi je me retrouve étouffée contre son torse tandis qu'il me caresse le haut du crâne.

Tout le monde sait que tu es en extase ! Le Noël que tu as pas eu cette année est rattrapé en cet instant.

"C'est sympa quand tu te transformes pas en barreau d'une prison, déclare Mathys alors que je suis totalement enclavée par ses bras, aucune possibilité de fuir.

- J'aime pas les doubles jeux.

- C'est ce que j'ai cru comprendre. Sauf que je suis pas Eddy idiote.

- Je devrais couper la langue de mon frère...

- J'en connais certaines à qui cette langue manquerait, m'informe Mathys en me faisant un clin d'œil.

- Il y a des sujets tabou dans la vie et la vie sexuelle et sentimentale de mon frère en fait partie!

- Rhoo cette pauvre enfant chaste. Fais-toi à l'idée qu'Alexie a un certain succès.

- Même quand il dort dans la rue pendant une semaine en enchaînant les cuites sans se laver ?

- Certaines personnes ont des goûts étranges. Moi je m'intéresse bien à toi par exemple, petit sacs d'os."

Pour sa réplique une nouvelle fois vexante, Mathys reçut un bon coup de coude. Grâce à notre proximité, le coup a eu l'effet escompté et je profite de sa petite plainte de douleur. Après ça, son regard devient atrocement sérieux.

"Bon faut qu'on parle je crois."

Je m'assois en tailleur face à lui, je ne peux pas aller très loin de toute façon... Je sais que la discussion va commencer. Et Dieu sait que j'aime pas les discussions sérieuses car il faut y être sincère, c'est vraiment pas passionnant. Autant prendre les devants pour éviter des situations gênantes.

"Tu n'as pas à te justifier sur tes agissements."

Ah c'est à son tour de soupirer...

" Laisse moi parler Nath."

J'acquiesce d'un mouvement de tête. Je reste calme et l'observe chercher ses mots.

"La personne que tu as vu avec moi s'appelle Joanne, on a été en couple pendant longtemps."

Pourquoi j'ai des pincements au cœur ? Est-ce que je suis malade ? Est-ce que j'ai perdu trop de poids ?

Ou tu as le béguin pour lui !

"La vérité c'est que je m'intéresse à toi sérieusement Natasha."

Je plonge mes yeux dans les siens cherchant une faille dans sa déclaration, une trace d'un mensonge quelconque mais rien, il semble toujours aussi sérieux.

"Ce que tu as vu c'était la preuve de l'existence de ma faiblesse... J'aime Joanne."

Mon cœur est secoué comme dans une machine à laver ! J'ai pourtant pas demandé à entreprendre une montagne russe ce soir !

"Ou plutôt j'aime l'image que j'ai d'elle. Bref on a couché ensemble."

J'aurai aimé qu'il ne dise rien. Ça ne me concerne pas. Il parle trop, il ne sait peut-être pas que les mots font mal à ceux qui les entendent.

"J'ai jamais regretté mes relations sexuelles mais là j'ai compris que je ne voulais plus être le jouet des ambitions des autres ni des siennes. Je veux l'oublier Natasha et y a qu'avec ta présence qu'elle s'efface de ma tête.

- Tu te rends compte qu'on a dû se voir seulement trois fois et qu'on doit se connaître depuis un mois?

- Oui je sais que ça paraît bête mais j'ai 21 ans et je sais quand je ressens un attachement fort pour quelqu'un, m'assure t-il."

Je reste bouche bée, je ne sais pas quoi dire, mes pensées sont chaotiques... Il m'observe, attendant une réaction de ma part mais je suis juste sous le choc. Trop d'informations d'un coup, mon cœur et ma tête me brûlent, je lutte pour ne pas laisser paraître ce mal.

" Je crois que j'ai besoin d'eau."

Autant dire que ma demande le stupéfait au plus au point. Il ne prévoit pas l'inattendu, manque d'anticipation totale. Sans un mot, on se dirige vers la cuisine où il me sert un verre d'eau. Alors que je bois tranquillement, essayant de reprendre mon calme, je perçois son regard perdu dans le vide. Je n'aime pas le voir ainsi. Je prends une grande inspiration afin de retrouver une voix pas trop faible qui laisserait apparaître davantage mon choc.

"Qu'est-ce que tu attends de moi au juste ?"

Il tourne immédiatement la tête vers moi, nos regards se croisent, aucun de nous ne consent à fuir.

"J'aimerai qu'on essaie d'être ensemble."

J'écarquille les yeux devant sa franchise qui me déstabilise juste légèrement hein. Après la surprise revient la raison et j'avoue que ce qu'elle me souffle ne plaît pas du tout.

" Sauf que je ne suis pas un mouchoir pour cacher la plaie.

- Je te vois pas comme un second choix si c'est ce que tu veux dire. Toi c'est toi et elle c'est elle, je ne fais aucune comparaison ni remplacement, c'est juste pour ouvrir un autre chapitre avec quelqu'un qui me fait ressentir de nouvelles émotions.

- Si j'accepte, on sera quoi l'un pour l'autre ?

- Dis donc c'est que tu poses beaucoup de questions pour une fille qui se dit indifférente, me taquine Mathys en se collant son corps contre le mien.

- Jouons cartes sur table, réponds à mes questions, réclamais-je d'un ton qui se voulait autoritaire.

- Bah je crois que ça veut dire que tu es à moi sac d'os.

- Je ne suis pas un objet.

- C'est bête parce que moi je veux bien être le tien, me dit cet idiot à quelque centimètres de mes lèvres avant de se reculer.

- Tu es amoureux d'une autre, je ne vois pas comment on pourrait former un couple épanoui. Et ça reste louche cette histoire d'appartenance.

- Et toi tu es pas encore attachée à ton ancienne relation, alors je crois qu'on est à égalité. Bon tu fuis ou tu tentes avec moi?"

Si je prends le temps de réfléchir, ma raison me dicterait sans doute de prendre le large, d'abandonner cette conversation dans un coin de ma tête comme une épave en pleine mer. Alors que si je réponds maintenant, j'avoue être tenté, moi aussi j'ai quelqu'un à oublier et avec lui j'oublie tout, j'ai l'impression de respirer à nouveau pour moi.

"Maintenant qu'est ce que tu ressens pour moi au juste ?"

Et oui je me risque à la question fatale ! Mathys sourit à ma demande prenant bien son temps pour répondre. Bah oui sinon c'est pas drôle, faut faire monter le suspens...

" Une étrange fascination, une forte attirance alors que t'es pas du tout mon genre normalement et je suis très sensible à ton foutu caractère.

- Oh... Ça fait beaucoup."

Je sens le rouge me monter aux joues sans que je puisse rien y faire... Provoquant un petit rire chez Mathys qui ne me lâche pas du regard. Il prend alors mon visage entre ses grandes mains et contrairement à ce qu'on pourrait penser elles sont si froides que son contact me procure des frissons.

C'est beau de se bercer d'illusions.

Mathys n'est pas du tout perturbé par les interventions futiles de ma conscience, il continue alors à diminuer la distance entre nous et dépose son front contre le mien. Il entrouvre la bouche et je sens déjà la chaleur de son souffle sur mes lèvres. Je reste immobile pour ne pas céder à l'envie de faire disparaître le peu de distance entre nos lèvres.

" Dis oui. Suis tes envies pour une fois.

- Je sens que je vais le regretter...

- Est ce ta manière de me dire oui ?

- Bah oui crétin.

- Parfait ! Aller hop au lit ! s'exclame-t-il."

Mathys prend une petite clef dans sa poche arrière de son jean et retire enfin les menottes ! Soudainement mes pieds ne touchent plus le sol... Logique lorsqu'on sait que cet idiot me porte comme un sac à patate sur son épaule. Il marche jusqu'à sa chambre et me jette sur son lit sans la moindre délicatesse ! Et oh on se calme, j'ai un corps fragile !

" Je te préviens je ne donne jamais tout d'un coup."

Suite à ma phrase, Mathys reste plantée devant le le lit, ses yeux noisettes écarquillés avant d'éclater de rire. Je le regarde comme s'il était un extraterrestre car clairement je ne comprends pas ses réactions. Il se traîne jusqu'au lit, tordu par ses rires.

" Je vois pas ce qu'il y a de drôle..."

Il me fixe puis finit par se calmer. Cet enfant a le rire facile ou bien il a juste des neurones mal connectés entre eux.

"Ta franchise est déconcertante, il y a une once de naïveté qui survit chez toi.

- Euh si tu le dis.

- T'inquiètes pas, on va juste dormir, me rassure Mathys en se glissant sous la couette avec moi. Mon corps contre le tien, ta chaleur et la mienne ne feront juste qu'une, poursuit cet idiot."

Avant que je puisse répliquer quoi que ce soit à cette allusion moqueuse, ses lèvres viennent contre les miennes me faisant taire malgré moi. Un frisson me parcourt le corps alors ses lèvres dansent avec les miennes avec une tendresse que je ne connaissais pas. Après y avoir mis un terme, nos fronts restent collés. Je vois son large sourire apparaître et illuminer son visage. Il m'entraîne avec lui à me coucher, ma tête dans son cou. Jamais je n'ai fait ça... Eddy n'aimait pas les câlins durant la nuit, c'était même rare qu'on dorme ensemble car il tenait à sa solitude. Je sais que je ne devrais pas penser à lui en cet instant, je suis sur un nuage et les souvenirs de mon ancienne relation refont surface comme pour me montrer tout ce qui n'allait pas. Cette nuit je pourrais dormir plus légère en espérant ne jamais avoir à ouvrir les yeux de nouveau.

***

Mon paisible sommeil fut de courte durée puisque Mathys m'a gentiment rappelé qu'on devait tous deux se rendre en cours. J'ai presque ri à cette remarque tellement elle me paraît futile, mais monsieur était très sérieux et m'a sorti du lit de force ! Après avoir pris ma douche, j'ai voulu le rejoindre dans le salon pour prendre mon petit déjeuner. C'est alors que débute une situation très gênante... Après une nuit parfaite, il faut bien un élément perturbateur sinon ce n'est pas ma vie.

Je vois depuis le couloir Mathys planté au milieu du salon, raide comme un piquet. J'aperçois à ses côtés, une grande perche brune avec ce corps de mannequin de lingerie que tout le monde envie bien installé dans ses beaux vêtements et ses escarpins. Elle avait quelque chose dans sa posture, dans son apparence si soignée et dans son regard qui exprimait à la fois élégance et arrogance. Je n'ai aucunement envie de prendre le risque d'avancer vers eux, mon instinct me dit que la journée va commencer du mauvais pied pour moi. J'observe cette fille qui semble à son aise ici, déposer son sac et son manteau sur le canapé dévoilant un haut en dentelle noire beaucoup trop joli pour que ça ne me gonfle pas. Je remarque également que Mathys n'ose faire un seul geste mais suit ses mouvements du regard. Certes je le vois de dos mais sa tête me confie la direction de son regard, c'est juste une simple déduction. Je tiens à préciser à tout ceci, que mon nouveau copain ou je ne sais pas trop quoi n'est vêtu que d'un short et que cette jeune femme ne se gêne pas pour mater.

"À ce que je vois, rien n'a changé depuis ma dernière visite, déclare-t-elle en jetant un coup d'œil autour d'elle.

- Je pense pas que tu sois venue pour parler déco."

Outch je sens la tension de là où je suis, ce qui augmente mon stress ! Brunette en dentelle s'approche de lui et dépose une main sur son torse nu, le caressant au passage comme si de rien n'était... Mon réveil ne s'arrange pas.

"Ta chambre non plus n'a pas changé j'espère, on y a vécu tellement de moments inoubliables."

Elle le fait exprès de parler aussi lentement avec une voix si douce cette peste !

Ton pouvoir de déduction t'a pas permis de comprendre qu'il s'agit de Joane, idiote.

Ma conscience vient de me faire avoir une illumination et une crise cardiaque... Mais restons discrets. J'aperçois Mathys mettre fin au contact d'un revers de main.

"Elle a bien changé pourtant.

- Tu as enfin changé la décoration d'une pièce ! semble se réjouir la présumée Joane. Parfois tu peux être d'un mauvais goût alors j'espère que tu as laissé Camille et Dimitri choisir.

- J'ai surtout changé de partenaire et elle se fiche de mon goût pour la décoration."

Jamais la voix de Mathys ne m'a paru aussi sèche et les mots de cette dernière phrase sont clairement un venin qu'il lui crache à la figure. Le résultat est là puisque Joane reste muette et son regard se voile de tristesse. Je pensais qu'elle allait pleurer mais elle a vite repris son calme.

"Alors ce que disait Julian n'était pas qu'une provocation de plus pour me blesser."

Les deux s'observent, je pourrais presque voir la foudre et le feu se mêler à cet échange où aucun ne semble vouloir céder.

"Dis moi, ça lui plaît à ta nouvelle conquête de jouer le bouche trou ?

- Ça lui plaît toujours autant à ton riche Édouard d'être soumis à tes caprices ? rétorque Mathys."

Un nouveau protagoniste entre dans l'arène on dirait. Joane esquisse un sourire suite à cette réplique comme si la réponse était évidente mais soumise au silence.

" Comment se nomme l'heureuse élue ? l'interroge-t-elle avec une ironie déconcertante.

- Ça ne te regarde pas.

- Tout ce qui t'atteint me concerne, souviens-toi, nous deux c'est pour la vie. C'est toi-même qui l'affirmait en me courant après quand on était gosse, c'était mignon.."

Je vois les muscles de Mathys se raidir encore davantage, il serre les poings et j'imagine d'ici le regard noir de rage qui doit l'habiter. Ce qui me choque c'est bien le sourire satisfait de cette fille, elle n'a peur de rien et semble posséder une grande confiance en elle. On dirait qu'elle prend plaisir à ouvrir des plaies, c'est une vraie sadique. Je savais déjà que je n'allais pas l'aimer mais j'ai plutôt l'impression que je vais la haïr ! D'un autre côté, l'influence qu'elle a sur lui et la tension entre eux m'inquiètent. Cela me rend nerveuse et j'ai surtout envie de partir. Soudain la porte claque violemment me sortant de mes pensées, il ne reste plus que Mathys dans le salon mais je n'ose pas me montrer. Mathys fait les cent pas, sa mâchoire est crispée, il semble pris dans des pensées chaotiques. Je ne saurai pas faire face à ça... Oui je suis lâche mais je préfère faire demi tour et me réfugier dans la chambre.

Là où s'est déroulé toutes leurs nuits de folies... Très bonne idée Natasha !

Je soupire face à mon soudain malaise. C'est comme si je me rendais compte une fois encore que je n'étais pas à ma place. Les paroles de son ex résonnent dans ma tête, et si je n'étais qu'un bouche trou comme je le craignais depuis qu'il m'a fait toutes ces révélations ? Dois-je prendre le risque de m'attacher pour être encore brisée ? Ne sachant pas quoi faire, je me laisse glisser contre le mur et reste dans la pénombre du couloir.

" T'as tout vu hein ?"

Surprise par une voix dans ma solitude, je lève la tête et ainsi apparaît Mathys, debout, à l'entrée du couloir. Pour toute réponse, je hoche la tête de haut en bas. J'essaie ensuite de replonger dans ma bulle mais cet idiot s'assoit juste à côté de moi puis entrelace sa main dans la mienne tout en regardant le plafond.

"Écoutes tu dois pas t'embarrasser avec moi, j'ai remarqué dans quel état elle te met et de ce que j'ai compris tu l'aime énormément alors...

- Putain ce que tu peux dire des conneries parfois, me coupe Mathys d'une voix lasse."

Il prend mon menton de sa main libre et me force à faire un plongeon dans ses magnifiques yeux noisettes... C'est une nouvelle forme de torture ? Faites sur-mesure pour moi on dirait puisque je faiblis à chaque seconde.

"Pour moi t'es pas un bouche trou idiote, sinon je t'aurai sauté dans un hôtel pas chère. Au lieu de ça, je t'ai présenté à mes amis les plus proches, tu as dormi avec moi, tu es venue chez moi et je me suis confié à toi. Joane aime manipuler les gens à sa guise, je suis désolé que tu ais dû assister à ça. En plus, elle savait que t'étais là. Tu as laissé tes affaires dans le salon et elle est du genre à avoir une mémoire d'éléphant de tout ce qu'elle voit."

Je ne fais pas un bruit ni un geste tandis que Mathys pose son front contre le mien. Je sens sa respiration se mêler à la mienne et sa présence venant apaiser mes pensées. Il finit par m'embrasser avec tendresse puis un large sourire est venu éclairer cet instant troublant.

"Alors comme ça tu as tendance à espionner petite fouine, déclare ce crétin se moquant délibérément de moi.

- Tu devrais arrêter de parler pour ne rien dire.

- Je ne pensais pas que tu serais aussi vite accro à moi, me taquine-t-il.

- Tu prends tes rêves pour des réalités. Je me suis juste levée et je suis tombée sur vous dans le salon.

- Crois moi si mes rêves se réalisaient, tu serais la première à le savoir et à en profiter, me chuchote Mathys à l'oreille avant de se relever."

Il se dirige vers le salon mais je reste sur place, assise par terre dans le couloir. Pourquoi ? Aucune idée. Est ce que tout doit avoir un sens ? J'en profite peut être pour regarder discrètement la musculature de Mathys, je peux presque deviné qu'il était certainement un adorateur du sport au lycée et pour cause son dos, son torse et ses bras ont des muscles bien dessinés mais sans excès, heureusement car cela me répugne. Soudain cet idiot fait volte-face et me prend sur le fait. J'espère que la pénombre cache le rouge qui me monte aux joues, histoire de pas être trop ridicule.

"Une personne qui reste cachée pour te mater ça fait franchement peur tu sais, intervient Mathys.

- Je fais ce que je veux que je sache.

- Certes mais évite de baver sur mon sol, c'est dégoûtant et c'est pas toi qui nettoie."

Je laisse échapper un rire nerveux, ce petit arrogant a gagné le pouvoir de me rendre dingue et depuis notre première rencontre ! Je me remets sur mes deux jambes, le dépasse, le bousculant au passage pour le principe. Je l'entends rire ce qui m'énerve davantage ! C'est à cet instant que choisit le trio de colocataires de Mathys pour rentrer. En me voyant, ils affichent un grand sourire que je n'arrive pas trop à déchiffrer. Camille se tourne vers les deux garçons et tend une main ouverte vers eux.

"Vous me devez 25€ chacun je crois.

- Pas de déduction trop rapide Cami ! s'exclame Dimitri.

- Le nain a raison.

- Le nain va t'en foutre une si tu n'arrêtes pas de l'appeler comme ça.

- Pourquoi je ferai ça ? T'as l'air de bien comprendre qu'il s'agit de toi. Mais passons, alors ma petite fleur est ce que cet être simplet a finalement réussi à voler votre cœur ? m'interroge Julian en prenant ma main entre les siennes.

- En français ça donne quoi ?

- Julian veut savoir si Mathys t'a confié à quel point il était obsédé par toi depuis votre rencontre, explique Dimitri.

- Obsédé par moi ? Il m'a dit qu'il voulait oublier son ex avec moi mais ce petit détail n'a pas été dévoilé.

- J'ai pas dit ça comme ça ! tente de se défendre notre sujet de conversation.

- Tu es un cas désespéré, affirme Julian en posant sa main sur l'épaule de Mathys.

- Rhoo lâche moi. Et puis c'est quoi ce pari débile ?

- Les garçons ont parié que tu laisserai filer Natasha et moi j'ai misé sur le fait que pour une fois tu ne serais pas un crétin, nous explique Camille.

- Du coup vous êtes ensemble ou il s'est comporté en lâche ? me demande Dimitri avant de croquer dans une pomme.

- Bah oui, elle a pas pu résister, se vante cet idiot en passant son bras autour de mes épaules.

- Regardez le fanfaronner ! s'exclame Camille. S'il était un chien, on le verrait remuer la queue !

- Fais gaffe toi, je vais te couper la langue !

- Mais oui c'est ça, couché Médor !"

Bien sûr tout le monde se met à rire sauf le principal concerné. Rhoo quel manque de sens de l'humour.

***

Après un petit déjeuner bien agité, chacun dû se rendre en cours. J'allais feindre de m'y rendre mais malheureusement mon petit ami (waouh ça fait bizarre rien que de le penser) m'a emmené en voiture malgré que ça lui coûte une heure de cours. Il m'a fait comprendre que je devais me rendre plus souvent au lycée pour avoir une chance d'avoir mon bac. Je déteste qu'il ait raison... Passons cette journée, elle sera sans doute d'une banalité affligeante. Et puis je trouve qu'il y a eu suffisamment de révélation, de choc émotionnel comme ça ! Ainsi j'aurai toute la journée pour ne pas me concentrer sur des matières inutiles et des personnes fanatiques de chaque nouvel événement futile qui survient dans leur minable petite vie ennuyeuse et réfléchir aux confidences faites par Mathys et tout ce qui s'en est suivi. Je n'arrive pas à savoir si me mettre en couple est une bonne idée sachant que je me lance encore une fois dans une relation compliquée. J'espère qu'il a joué carte sur table avec moi, sera t-il ma porte de sortie à cet enfer continuel ? Seul demain me le dira.

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