15 juin 1771

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Elisabeth n’apparaît pas pour déjeuner. Soulagé, je profite de cette belle journée et constate que la configuration des jardins s’est modifiée.

Je décide de me promener près de la rivière en dehors du domaine. La fièvre est passée, les entrailles sont soulagées de ce Mal. L’air est un peu plus respirable mais je transpire. Je m’assieds face à la rivière. Une biche sort du bois et vient s’abreuver. Je sors discrètement mon carnet, j’y marque quelques mots. L’animal est peu farouche. Nos regards se croisent, la belle retourne paisiblement auprès des siens. Les oiseaux pépient, m’accompagnent dans l’écriture de mots que je place hasardeusement sur le papier.

Des pas se rapprochent, je fronce les sourcils. Qui ose me déranger dans ce seul moment de quiétude ? Elisabeth ? Non, les effluves sont trop violentes, trop excitantes pour que ce soit elle.

« Monsieur de la Guillère ! Quelle joie de vous revoir en ces lieux ! »

Je me retourne. En toilette violette, Mona arbore un chapeau de paille aux bords longs. Très simple, elle n’arbore aucun bijou. Ses lèvres sont soulignés d’un léger trait de rouge, ses cheveux sont lâchés sur ses épaules.

Je l’invite à s’asseoir à mes côtés. N’ayant point apporté de serviette, je la préviens qu’elle risque de se salir. Cela ne lui fait rien.

« Vous semblez si triste, Dit-elle en enroulant ses bras autour de ses genoux. »

« Je suis un homme qui a la joie de vivre hors dans ma vie actuelle, sinon, je ne suis pas aussi épanoui. »

« Que se passe-t-il donc ? Avez-vous peur de ne pas publier vos écrits ? Montrez-les moi ! »

Je lui tends les feuillets. Posés sur ses genoux, elle se met à parcourir les lignes. Ses yeux défilent à toute allure, elle hausse les sourcils, prononce des « C’est bon, c’est bon », éclate de rire, hoche la tête.

« Vous décrivez les choses avec une telle profondeur…Je ne comprends pas comment les éditeurs peuvent vous refuser. »

« Je n’ose pas tellement montrer de quoi je suis capable, Bégaie-je. Je me sens incapable face à des auteurs comme vous. »

« Ne dites pas de sottises. C’est rare d’avoir une si belle plume et je peux vous assurer que vous savez écrire et séduire le lecteur. Si vous le voulez bien, je serai celle qui vous guiderait pour que vous vous sentiez plus en confiance ! »

Rassuré par ses belles paroles, j’observe ses doux traits dans l’eau claire de la rivière. Ses yeux brillants illuminent son visage, le sourire dont elle n’arrive pas à se défaire est toujours plaqué sur ses lèvres. Je n’ai jamais vu une femme aussi simple, aussi belle. Je dois lui dire.

Je lui explique lentement et maladroitement ce que je ressens. Le Mal qui me poursuit depuis plusieurs jours, l’envie de la revoir, cette fièvre terrible ! Je lui avoue que je suis faible, peut-être encore malade mais que je suis sûr de mes ressentiments. Je sens qu’elle me regarde. Les yeux sur son reflet, je n’ose pas relever la tête pour connaître ses émotions. Son sourire ne la quitte pas, elle est ravissante. Est-elle touchée ?

« Que puis-je dire devant de telles révélations ? N’êtes-vous point conscient de ce que vous me dites ? Mon poète… »

Sa main vient effleurer la mienne. Elle se lève.

« Ce moment était très agréable. Je vous remercie. »

Son reflet disparaît. J’entends les froissements de ses jupes. C’est lorsque je n’entends plus rien que je me retourne. Elle est partie. J’ai le cœur dans la gorge, l’esprit embrumé, la respiration très courte. Sa quasi-absence de réaction me laisse pantois. Je l’ai senti flattée. En pleine réflexion, je plonge machinalement la main dans la poche de mon pantalon en lin. J’ai la surprise de découvrir un petit papier :

Monsieur de la Jakir et Madame de la Convilia ont le plaisir d’inviter Monsieur et Madame de la Guillère en leur domaine pour savourer un délicieux dîner ».

Je me sens mieux. J’ai la chance de la revoir le lendemain.

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