5 juin 1771

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Je n’ai pas participé à la fête. Je suis lâche. Je veux partir. Après m’être changé, j’ai filé en douce hors du domaine et j’ai repris ma calèche. Heureusement, Frédéric de Preyse est toujours là. Mais pas à la même place. Il s’est assis dans un coin du café pour épier les clients qui viennent s’attabler. Il me demande si j’ai mangé. Nous commandons un repas frugal. De toute façon, je n’ai pas faim. Il m’offre une cigarette. J’en ai besoin. Ce sera mon seul aliment.

Nous discutons de la vie. Du mariage, des contraintes, des femmes et des hommes. Cela me rappelle ma propre vie. Mon cœur se serre mais je parle tout de même de ce que je vis. Frédéric m’apporte un peu de soutien dont j’ai besoin. Nous reprenons mes textes. Il les trouve mieux.

Je suis soulagé. L’heure tourne, je dois rentrer.

Le domaine est silencieux. Inquiétant. Je pousse les portes. Elisabeth m’attend, les cernes creusées, les bras croisés sur la poitrine. Elle crie. Je rétorque. Elle agite les bras. Je perds patience. Je tente de la calmer. Elle me gifle. A bout de nerfs, je me précipite dans mes appartements et saisis ma plume. J’écris à ses géniteurs, il est hors de question que je me laisse marcher dessus.

En voici la copie :

Monsieur de la Cambrière,

Il semble qu’il y ait un malheureux désaccord entre moi et votre progéniture. En effet, je crains que nos relations se dégradent à cause de quelque geste déplacé. J’ai le droit à la liberté d’aller où je le souhaite tant que je préviens mon épouse.

Lorsque j’apparais sur le palier, Elisabeth m’attrape par le col, me précipite à l’intérieur de la maison et me gifle, mécontente de ma sortie. Or, il semble que j’ai des droits comme tout homme libre. Je suis un être bienveillant dont la confiance s’évapore peu à peu. Si j’avais fait un pareil acte, je crois que vous aurez déchargé ma colère sur ma personne.

Je vous demande donc de raisonner votre fille afin que cela ne recommence plus. Plusieurs gifles m’ont été attribuées alors que je n’avais rien fait. Il serait donc préférable de discuter avec elle et d’envisager un autre comportement.

Merci de votre attention,

Axel de la Guillère.

Je relis plusieurs fois l’écrit. La cachète. L’envoie directement aux mains d’un domestique pour qu’il puisse la poster. Fou de rage, je me dirige à mon bureau pour écrire ce que je pense. Les traces d’encre envahissent le papier, ce que je déplore. Face à ma tristesse, je n’y peux rien. Je fixe le coucher de soleil, l’air tiède qui entre dans la pièce et caresse mes cheveux. Je respire à plein poumons.

18h. Je dîne seul dans ma chambre. Ça n’est pas grave, je n’ai pas besoin de la présence de la créature. Elisabeth entrouvre la porte. Elle me supplie de venir avec elle, le temps est bon, agréable et la dispute est beaucoup trop superficielle pour que l’on demeure encore encoléré. J’accepte à contre-cœur. Nous soupons face au coucher de soleil. Puis nous montons dans mes appartements. Je n’ai jamais vu sa chambre, son intimité, elle ne veut déranger que la mienne. Nous nous accouplons. Mais à quoi cela sert ? Rien ne peut soulager ma détestation pour cette créature.

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